Guerre civile au Soudan : Un an de guerre et aucune issue en vue

13/04/2024 mis à jour: 04:34
AFP
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Un membre des forces de sécurité soudanaises sur un pickup équipé d'une mitrailleuse à Gedaref, dans l'est du Soudan, le 3 avril 2024 AFP/Archives -

Il y a un an, les deux généraux au pouvoir au Soudan entraient en guerre. Depuis, humanitaires et experts dressent un triste tableau de chasse : famine, déplacement, violences sexuelles, violences ethniques, la liste est longue et aucune issue n’est en vue. 

Pour l’ONU, le pays, déjà l’un des plus pauvres au monde avant la guerre, vit «une des pires catastrophes humanitaires, la pire crise de déplacement, et bientôt la pire crise de la faim du monde». Depuis les premiers combats le 15 avril à Khartoum entre l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdane Daglo, des milliers de personnes ont été tuées - dont entre 10 000 et 15 000 dans une seule ville du Darfour selon l’ONU. Six millions et demi ont été forcées de se déplacer et près de deux millions d’autres de s’exiler.


Sur 48 millions de Soudanais, 18 sont en insécurité alimentaire aiguë, des centaines de milliers de femmes et d’enfants pourraient mourir de faim et les humanitaires se sentent impuissants entre refus de visas, droits de douanes exorbitants, pillages et lignes de front infranchissables. 


Le secteur agricole, de loin premier pourvoyeur d’emplois dans ce qui était le grenier à grain de l’Afrique, n’est plus que terres brûlées. Les rares usines ont été bombardées, le système de santé n’existe quasiment plus et l’Etat dit avoir perdu 80% de son budget.  Ne restent aux civils que les «comités de résistance», ces groupes de quartier qui tiennent dispensaires et soupes populaires grâce à une armée de bénévoles et de donateurs de la diaspora.  «Rien ne signale qu’on va vers la fin de la guerre» et avec «l’Etat qui s’est écroulé le chemin pour le reconstruire sera long et difficile», prévient le chercheur Alex de Waal.

 Et les annonces de percées des deux camps ne trompent personne. «Avec leurs troupes faibles et épuisées à cause des difficultés de ravitaillement, toute victoire est impossible», assure à l’AFP le journaliste Mohammed Latif. Au sol, les FSR tiennent le terrain - principalement à Khartoum et au Darfour, le vaste Ouest où ces anciens miliciens Janjawids ont été les supplétifs de la dictature islamo-militaire d’Omar El Béchir au début des années 2000.
 

Victoire impossible

Et l’armée, seul maître des airs, pilonne avec ses avions sans prendre pied au sol rendant la perspective d’«une victoire finale impensable», selon un ex-officier ayant requis l’anonymat.  Dans cette guérilla urbaine les civils sont les premières victimes: ceux qui n’ont pas été tués ou raflés ont vu leur maison occupée par les FSR. Aujourd’hui, l’armée fait de même à Omdourman, la banlieue de Khartoum qu’elle vient de ravir aux paramilitaires, accuse le comité des avocats d’urgence. 

Ce collectif, comme des dizaines d’autres - ainsi que les ONG internationales et l’ONU - recense la litanie des exactions des deux camps contre des hommes parfois abattus sur la base ethnique, des femmes victimes de «violences sexuelles utilisées comme une arme de guerre» ou des enfants enrôlés de force. Sans parvenir, jamais, à attirer l’attention du monde. L’ONU ne récolte que quelques pourcents de ses nombreux appels de fonds et la communauté internationale a vite cessé de tenter de ramener à la table des négociations les deux généraux. Les groupes de négociations parallèles de l’Union africaine (UA), du bloc est-africain de l’Igad, de la Ligue arabe ou des Etats-Unis alliés aux Saoudiens n’ont jamais unifié leurs efforts. Les Etats-Unis promettent un nouveau rendez-vous le 18 avril mais, déjà, l’armée a lancé des mandats d’arrêt contre ses potentiels interlocuteurs civils. Pourtant, note Alex de Waal, «il ne devrait pas être difficile d’obtenir un consensus sur le fait qu’un effondrement du Soudan n’est dans l’intérêt de personne». 

Car, prévient-il, «ce vortex de conflits transnationaux et de rivalités mondiales peut enflammer toute la région». Pour le commentateur politique Khaled al-Tijani, «la nature de cette guerre rend les choses imprévisibles : au-delà des deux généraux ce sont de multiples ingérences étrangères qui s’affrontent». Les Emirats arabes unis - premiers acheteurs de l’or soudanais - soutiennent les FSR. L’Egypte a pesé de tout son poids derrière l’armée. Les Russes de Wagner ont longtemps formé et aidé les FSR, de même que le maréchal libyen Khalifa Haftar. L’Arabie Saoudite, décidée à s’imposer en leader régional, a tenté plusieurs coups diplomatiques, sans succès.  Des experts dénoncent le rôle de l’Iran, un ancien grand allié de Béchir quand d’autres évoquent celui des voisins érythréen et éthiopien. A l’intérieur des frontières, les islamistes de l’ère Béchir soutiennent publiquement l’armée, alors que les groupes rebelles ont ressorti leurs armes pour défendre leur ethnie ou leur territoire. 


La communauté internationale - qui a évacué ses ressortissants, diplomates et personnels onusiens inclus, dès avril 2023 -, elle, tient le compte des horreurs. L’émissaire américain Tom Perriello prévient : la saison des pluies qui approche «pourrait aggraver une crise humanitaire déjà au bord de la rupture (...) avec des signes de famine, des atrocités horribles notamment contre les femmes et les enfants, des enrôlements de force et même de l’esclavage». L’ONU évoque un possible «génocide» au Darfour, la Cour pénale internationale (CPI) de possibles «crimes de guerre» et «crimes contre l’humanité». Mais les Soudanais ne cessent de rappeler que 20 ans après le Darfour, Béchir n’est toujours pas à La Haye. Quant aux deux généraux, ils campent sur leurs positions : «On ne négocie pas avec les terroristes», répètent leurs lieutenants. 
 

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