Fuites dans l’armée allemande : Berlin évoque une «erreur individuelle»

06/03/2024 mis à jour: 18:45
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Boris Pistorius a attribué hier à une «erreur individuelle» grave les récentes fuites dans l’armée

Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a attribué hier à une «erreur individuelle» grave les récentes fuites dans l’armée allemande sur des livraisons d’armes à Kiev, l’un des officiers ayant participé à la réunion via une «connexion non autorisée», selon des propos recueillis par l’AFP. 

Les premiers résultats de l’enquête sur la fuite ont montré que les «systèmes de communication de l’armée allemande ne sont pas et n’ont pas été compromis», a déclaré le ministre lors d’une conférence de presse. L’un des participants, qui se trouvait à Singapour, a accédé à la vidéoconférence via «une connexion non autorisée, donc quasiment une connexion ouverte», conduisant à la fuite.

Au même moment se tenait le Salon de l’aéronautique, auquel participaient aussi des hauts gradés de pays européens alliés, «du pain bénit pour les services secrets russes», a-t-il expliqué, partant du principe que l’accès par les espions russes à la discussion entre les officiers allemands via le canal commercial Webex «était le fruit du hasard dans le cadre d’écoutes à grande échelle». Il s’agit «d’une grave erreur qui n’aurait pas dû se produire», a souligné le ministre, jugeant toutefois «gérable» ce qui a été abordé dans cette conversation en termes de niveau de confidentialité.
Le ministre a assuré que «la confiance» des alliés à l’égard de l’Allemagne demeurait «intacte». 

«Tout le monde connaît le danger de ces écoutes et sait que personne ne peut offrir une protection à 100%», a-t-il déclaré. «Nos partenaires savent que nous enquêterons sur l’affaire de manière déterminée», a assuré B. Pistorius, affirmant n’avoir noté «aucun signe de méfiance» ou d’«irritation» dans ses échanges avec d’autres capitales depuis le début de cette crise. 

Boris Pistorius a annoncé l’ouverture d’une enquête préliminaire, affirmant cependant que «des conséquences individuelles ne sont pas envisagées» à ce stade. «Je ne vais pas faire le jeu (du président russe Vladimir) Poutine en sacrifiant mes meilleurs officiers», a-t-il précisé.

Renforcer la défense de l’Europe

La diffusion vendredi en Russie d’une conversation confidentielle entre des officiers de l’armée allemande sur l’aide militaire à Kiev a tourné à l’affaire d’Etat en Allemagne et créé un malaise parmi les partenaires du pays. Il y est notamment question de l’hypothèse de la livraison à Kiev de missiles de longue portée Taurus, de fabrication allemande, alors même que le chancelier Olaf Scholz avait récemment réfuté cette possibilité. 

La discussion aborde également l’option de frappes de missiles Taurus visant le pont de Crimée, qui relie la péninsule de Kertch au territoire russe, l’un des officiers soulignant qu’il faudrait entre 10 et 20 missiles pour venir à bout de l’ouvrage. La péninsule de Crimée a été annexée en 2014 par Moscou. 

Par ailleurs, la Commission européenne a proposé hier de renforcer drastiquement l’industrie de défense de l’UE face à la menace russe, afin aussi de rendre les Européens moins dépendants des Etats-Unis dans la production d’armements. 

Après deux ans de guerre en Ukraine et des décennies de coupes dans les budgets de défense, les Européens doivent désormais «passer à la vitesse supérieure», a affirmé hier  devant la presse le commissaire européen Thierry Breton, en charge des industries de défense à Bruxelles. 

La Commission souhaite ainsi que d’ici 2030, «50% des équipements» militaires commandés par les Etats membres soient fournis par l’industrie européenne, a dit la vice-présidente de la Commission, Margrethe Vestager. Aujourd’hui, 68% des achats d’armement réalisés dans l’UE au profit de l’Ukraine se font auprès de fabricants américains, a précisé de son côté T. Breton. «Nous devons prendre davantage de responsabilités pour notre propre sécurité, tout en restant, bien entendu, totalement engagés dans l’Otan», a soutenu Mme Vestager. Deux ans après l’invasion russe de l’Ukraine, les Européens éprouvent les plus grandes difficultés à livrer les armes que Kiev ne cesse de réclamer pour affronter les forces russes. 

 Ils ont promis de fournir un million d’obus d’ici à la fin mars, mais n’en seront pas capables. Un peu plus de la moitié devrait être livrée à l’échéance fixée. L’UE pourra en fabriquer deux millions l’an prochain, a toutefois assuré hier T. Breton. Cette augmentation de capacité doit maintenant être reproduite pour d’autres types d’armement, selon lui. «L’objectif, c’est de produire mieux, de produire plus vite et de produire européen», a résumé l’ancien ministre français. 

La nouvelle stratégie de défense européenne, présentée hier, sera dotée d’un budget initial de 1,5 milliard d’euros. Les pays de l’UE ont dépensé 58 milliards d’euros l’an dernier pour acquérir des armes, a indiqué de son côté le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell. Le budget de l’UE ne va pas «remplacer» les budgets nationaux pour atteindre cette somme, a-t-il souligné. Le but est de rattraper le retard et de rendre l’industrie européenne aussi compétitive que sa rivale américaine. Bruxelles propose donc aux 27 un «mécanisme européen» de ventes d’armes proche du modèle américain. 

Les Etats-Unis disposent d’une réserve stratégique d’armements leur permettant de répondre à une demande urgente. Ils fabriquent un peu plus que ce que le contrat d’armement prévoit afin de constituer ce stock mobilisable très rapidement si nécessaire et sans appel d’offres. 

En attendant, la Commission suggère d’utiliser les revenus générés par les avoirs russes gelés en Europe pour augmenter ce budget initial de 1,5 milliard d’euros. Quelque 200 milliards d’euros d’avoirs russes de la Banque centrale de Russie ont été gelés en Europe.

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