Sous vos pieds, une étroite plateforme perchée dans l’espace stellaire. Ruisselants de flammes, des monstres s’approchent, vous encerclent. Menacée par ces agresseurs qui vous font oublier votre casque de réalité virtuelle, oserez-vous les combattre à coups de poing ? Enseigner aux femmes à surmonter leur peur et leur tabou de la violence physique, c’est le but de «Fight back», un jeu en réalité virtuelle créé par une cinéaste passionnée par l’émancipation féminine («l’empowerment»), qui sort le 8 mars, au niveau mondial. En 2017, Céline Tricart part en Irak pour réaliser un documentaire sur les femmes yézidies violées par Daech (acronyme en arabe de l’organisation jihadiste Etat islamique). Elle y découvre que le choix de se battre les aide à surmonter leur traumatisme. Ce qui lui donnera l’idée d’un jeu en VR qui enseigne les bases de l’autodéfense. «Certaines d’entre elles, une fois libérées, ont décidé d’intégrer l’armée irakienne et de se battre contre Daech. J’ai vu que celles qui s’étaient engagées avaient réussi à se remettre plus vite que celles restées dans les camps», a-t-elle raconté à l’AFP lors de la Mostra de Venise, en septembre 2022. «J’ai passé une semaine avec elles sur le front. Les rencontrer m’a complètement changée. J’avais cette obsession de faire un projet sur les femmes combattantes», a raconté cette femme de 36 ans, qui a elle-même commencé très jeune à pratiquer les arts martiaux.
Dans le jeu, une petite voix guide le joueur ou plutôt la joueuse, puisque le jeu leur est destiné, pour l’encourager et lui apprendre des gestes précis : des doubles crochets du droit et du gauche pour attaquer, les deux poings croisés sur la poitrine pour se protéger. Ici, pas de «game over», ni de mort virtuelle, mais uniquement des conseils positifs.
A la fin, des silhouettes dorées incarnent des combattantes du passé et du présent qui racontent leur histoire, comme ces «karaté grannies» africaines qui pratiquent les arts martiaux pour repousser les violeurs. «La réalité virtuelle peut donner une mémoire musculaire, qui permet de surmonter les injonctions de ne pas résister physiquement. Nous voulons conduire les femmes à en savoir plus sur l’autodéfense, à savoir dire non», renchérit sa collaboratrice, Marie Blondiaux. «Ce n’est pas un défouloir mais cela permet de vous faire sentir puissante». L’objectif est de diffuser le jeu dans des associations de protection des femmes, pour les rediriger vers de vraies écoles d’autodéfense. Ce jeu au graphisme poétique, conçu comme une succession d’attaques de plus en plus difficiles, s’adresse plutôt à des débutantes qu’à des joueuses aguerries. Il utilise une nouvelle technologie de détection des mains qui, dans le jeu, semblent gantées d’or.
Les actrices Adèle Haenel, Camélia Jordana et Aïssa Maïga ont prêté leur voix au récit. A la Mostra de Venise, les 150 femmes qui ont testé le jeu, donnant avec concentration des coups dans le vide, ont parfois fondu en larmes, submergées par l’émotion de réussir à se battre, «d’avoir ça en elles». Elles ont parfois aussi crié d’angoisse, racontent les conceptrices.
Disponible en trois langues, «Fight Back», coproduit par le groupe public France Télévisions et aidé par le Centre national du cinéma, sera mis à disposition gratuitement sur l’App Lab de Meta (Facebook) à partir de mercredi, journée internationale des droits des femmes.