Forum de la sécurité à Singapour : Washington et Pékin à couteaux tirés sur Taïwan

12/06/2022 mis à jour: 19:02
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Xi Jinping et Joe Biden

Entre les Etats-Unis et la Chine il y a nombreux sujets qui fâchent : la minorité ouïgoure au Xinjiang, l’île de Hong Kong, la mer de Chine méridionale, le conflit ukrainien, entre autres. 

Au forum de sécurité «Dialogue de Shangri-La» à Singapour, qui se tient depuis jeudi, les deux pays ont manifesté cette fois leurs visions irréconciliables au sujet de l’île de Taïwan. 
 

Hier, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a dénoncé l’activité militaire «provocatrice et déstabilisante» de la Chine près de Taïwan, selon des propos recueillis par l’AFP. «Nous constatons une coercition croissante de la part de Pékin. Nous avons assisté à une augmentation continue de l’activité militaire provocatrice et déstabilisante près de Taïwan», a déclaré le chef du Pentagone. «Cela inclut des avions (militaires chinois) volant près de Taïwan en nombre record ces derniers mois, et presque quotidiennement», a-t-il ajouté. «Nous nous opposons catégoriquement à tout changement unilatéral du statu quo de part et d’autre.» 

Néanmoins, il a évoqué l’importance de maintenir les «lignes de communication totalement ouvertes avec les responsables de la défense de la Chine» pour éviter les erreurs de calcul. «Ce sont des conversations profondément, profondément importantes», a-t-il soutenu. 
 

De son côté, le ministère des Affaires étrangères de Taïwan a déclaré rejeter les «affirmations absurdes» de Pékin. «Les Taïwanais ne céderont pas devant les menaces d’employer la force par le gouvernement chinois», a-t-il indiqué dans un communiqué. 
 

La Chine «n’hésiterait pas» à entrer en guerre si Taïwan déclarait son indépendance, a prévenu le ministre chinois de la Défense vendredi, lors d’une rencontre à Singapour avec son homologue américain, consacrée notamment à ce sujet. «Si quiconque osait séparer Taïwan de la Chine, l’armée chinoise n’hésiterait pas un instant à déclencher une guerre, quel qu’en soit le prix», a dit un porte-parole du ministère chinois de la Défense, Wu Qian, en rapportant des propos du ministre, Wei Fenghe, tenus lors d’une rencontre avec son homologue américain. Selon le ministère chinois de la Défense, Pékin, pour qui l’île constitue une partie intégrante de son territoire, «briserait en mille morceaux» toute tentative d’indépendance. 
 

De son côté, Lloyd Austin a dit à Wei Fenghe que Pékin devait «s’abstenir» de toute nouvelle action déstabilisatrice dans cette région, selon le Pentagone. Il a «réaffirmé l’importance de la paix et de la stabilité dans le détroit (de Taïwan), une opposition à des modifications unilatérales du statu quo et a appelé (la Chine) à s’abstenir de toute nouvelle action déstabilisante envers Taïwan», selon la même source. Les deux responsables, qui se sont entretenus au téléphone en avril, se sont rencontrés pour la première fois depuis la prise de fonction de L. Austin, en marge du forum de sécurité «Dialogue de Shangri-La,» qui prendra fin aujourd’hui. 
 

Le 30 mai, la Chine a ainsi procédé à sa deuxième plus grande incursion de l’année, avec l’entrée, selon Taipei, de 30 avions dans la zone d’identification de défense aérienne (Adiz, selon son acronyme en anglais) de l’île, dont 20 chasseurs. Le 23 janvier, 39 avions ont pénétré dans l’Adiz. Le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a vu dans ces incursions le signe «d’une rhétorique et d’une activité de plus en plus provocantes» de la part de Beijing. Lors d’une visite au Japon en mai, le président américain, Joe Biden, a indiqué que Washington pourrait défendre militairement Taïwan en cas d’invasion par Pékin. 

Il a cependant précisé depuis que «l’ambiguïté stratégique» de Washington, consistant à ne reconnaître diplomatiquement que la Chine continentale tout en s’engageant à donner à l’île autonome les moyens militaires pour se défendre en cas d’invasion, reste inchangée.
 

Depuis Tchang Kaï-chek
 

Le 1er octobre 1949, Mao Zedong proclame l’avènement de la République populaire de Chine à Pékin. Réfugiés sur l’île de Taïwan, les nationalistes du Kouo-Min-Tang emmenés par Tchang Kaï-chek forment un gouvernement le 7 décembre, et interdisent tout lien avec la Chine communiste. En 1950, Taïwan devient un allié de Washington en guerre contre la Chine, impliquée dans la guerre intercoréenne (1950-1953). Le 5 octobre 1971, le siège de la Chine à l’ONU, jusque-là occupé par Taïwan, est attribué à Pékin. En mars 1979, Washington rétablit ses relations diplomatiques avec Pékin. 

Depuis, comme l’ensemble de la communauté internationale, les Etats-Unis s’en tiennent à la politique d’une seule Chine, reconnaissant uniquement Pékin comme gouvernement légitime. Cependant, Washington entretient des relations étroites, économiques et militaires avec Taipei. En 1991, Taïwan abroge les dispositions instaurant l’état de guerre avec la Chine. Mais en juin 1995, Pékin suspend des négociations vers une normalisation pour protester contre un voyage du président Lee Teng-hui à Washington. 

Le 14 mars 2005, Pékin a adopté une loi antisécession à l’encontre de Taïwan. Les Etats-Unis et la Chine s’opposent aussi au sujet de l’intervention russe en Ukraine. Washington accuse Pékin de soutien tacite à Moscou. La Chine a appelé à des discussions pour mettre fin à la guerre, mais n’a pas condamné la Russie et a plusieurs fois critiqué la fourniture d’armement américain à l’Ukraine. 
 

La mer de Chine méridionale constitue une autre source de tensions entre les deux puissances. L’Empire du Milieu revendique la quasi-totalité de cette mer, riche en gaz et pétrole ainsi qu’en ressources halieutiques, et par laquelle transite une grande partie du commerce maritime mondial. Il fonde sa légitimité sur ces territoires sur des cartes remontant aux années 1940. Washington prône un règlement multilatéral de ces conflits. Mais Pékin est plutôt favorable à des négociations bilatérales. 

Plusieurs pays voisins contestent les revendications chinoises, comme le Vietnam, la Malaisie, les Philippines et le sultanat de Brunei, qui désignent ces zones disputées selon leur vision de la région : Pékin les appelle mer de Chine ; Hanoï mer de l’Est ; mer des Philippines occidentales pour Manille.
 

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