L’Egypte fait face à ce qui semble être la pire crise économique de son histoire. Un tableau noir est dressé, par de nombreux observateurs, pour décrire l’état du pays le plus peuplé du monde arabe.
Un niveau de dette extérieure très lourd à supporter, une inflation qui a même frôlé les 40% et une dévaluation importante de la monnaie locale, avec en prime une crise énergétique qui a poussé le pays à instaurer depuis une année un régime de délestage de l’électricité sont autant de plaies asphyxiant actuellement l’Egypte d’Al Sissi.
La colère gronde dans le pays des pharaons, et les autorités multiplient les déclarations visant à calmer une opinion éreintée par les conséquences de la crise économique aux multiples facettes. Alors que Le Caire promettait de renforcer les investissements en vue de développer le secteur énergétique, le poids de la crise est tel que le pays a dû suspendre ses exportations de gaz depuis mai dernier et a lancé des appels d’offre pour l’achat de quantités importantes de GNL pour l’aider à faire face à la surconsommation locale en été. Pour la première fois depuis six ans, l’Egypte a été contrainte à reprendre les importations de gaz. L’interruption des exportations depuis mai dernier a fait chuter le volume exporté de ce pays de 80,3% en glissement annuel. Les exportations de GNL sont passées de 2,74 millions de tonnes en 2023 à 540 000 tonnes en 2024. Les exportations de GNL avaient déjà baissé de 51% en 2023 alors que le volume de production de gaz naturel avait chuté de 11,5% en 2023 et s’est établi à 59,32 mds de mètres cubes, contre 67 mds de m3 en 2022.
«L’Egypte souffre d’une baisse d’approvisionnement en gaz en raison du déclin de la production du plus grand gisement du pays, Zohr, entraînant une baisse significative des exportations du pays», indique un rapport de l’Energy Research Unit, basé à Washington. La production du champ Raven, exploité par BP, a également baissé de moitié au cours des 18 derniers mois. «La crise est sans aucun doute complexe et est principalement due à des problèmes liés à la planification énergétique, ce qui n’est malheureusement pas nouveau pour un pays habitué depuis 40 ans à des cycles de déficit et d’excédents, et le cycle de déficit actuel s’est fait sous la pression des priorités de dépenses pour les finances publiques égyptiennes», explique Mohamed Fouad, économiste et ancien membre du Parlement égyptien, dans une contribution publiée par Attaqa.
L’économiste estime que ce qui complique davantage la situation, c’est l’incohérence des chiffres sur lesquels les fonctionnaires sont censés fonder leurs plans de sauvetage. «A l’heure où l’on déclare de plus en plus qu’une solution imminente à la crise de l’électricité est en vue, les chiffres et les faits montrent qu’il n’y a pas de solution radicale à l’horizon proche concernant la problématique de la production gazière», doute le même économiste.
Délestages
Le 21 juillet dernier, les autorités égyptiennes avaient décidé de mettre fin au délestage de l’électricité pour les réseaux domestiques, après une année de coupures quotidiennes, en période estivale, allant jusqu’à deux et parfois trois heures par jour. La situation dans les usines n’est, quant à elle, pas arrivée à connaître une amélioration à ce jour. Des entreprises dans le secteur industriel, dont cinq compagnies pétrochimiques, ont déclaré la suspension de leur activité à cause de ces coupures. Entre 15 et 20 cargaisons de GNL ont été importées par l’Egypte en juin dernier pour couvrir la demande locale et faire face à une surconsommation de l’énergie entre juillet et octobre 2024, avec des températures dépassant les 40°C.
La société égyptienne Electricity Holding Compagny a justifié, dans un communiqué, les délestages en raison du manque de carburant fourni aux centrales électriques, à l’augmentation de la consommation quotidienne d’électricité par les ménages, au non-respect des méthodes de rationalisation de la consommation et à l’élévation du taux de vol de courant électrique.
L’entité sioniste a contribué aussi à l’asphyxie de l’économie égyptienne en arrêtant les livraisons de gaz à l’Egypte, en invoquant des menaces sécuritaires. Le ministre des Finances égyptien a invoqué, quant à lui, la raison de la hausse des prix du pétrole combinée à la libéralisation du prix de change et l’augmentation de l’utilisation des climatiseurs. Devant le constat, les solutions manquent d’efficacité. «Jusqu’à présent, le gouvernement n’est pas en mesure de déterminer avec précision les chiffres de la consommation et du déficit, ni de justifier les raisons du retard dans la passation des contrats de livraison de GNL, alors qu’il connaît parfaitement la durée de la crise… Il n’est pas non plus en mesure de déterminer dans quelle mesure il pourra mettre fin aux délestages de manière sérieuse, ni quand le gaz nécessaire à l’industrie sera disponible», regrette Mohamed Fouad en prenant exemple sur les chiffres officiels de la consommation, qui sont de l’ordre de 162 millions de mètres cubes de gaz par jour pour la production de l’électricité, soit 5,67 mds de pieds cubes par jour, ce qui est loin des 3,3 mds de pieds cubes annoncés en mai dernier.
Selon les mêmes données, le secteur industriel consomme 2,2 milliards de pieds cubes de gaz par jour, alors que le besoin total du pays est d’environ 7,9 mds de pieds cubes par jour durant la période estivale.