En dépit de certaines réussites réalisées dans cette filière : L’oléiculture toujours en quête de qualité et d’ouverture à l’exportation

02/06/2022 mis à jour: 05:28
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Le Pasa - Pôle Soummam élargira, à compter d’aujourd’hui, la contribution des conseillers formés dans ce cadre à cinq autres wilayas, en plus de Bouira, Béjaïa et Tizi Ouzou. Il s’agit de Médéa, Sétif, Bordj Bou Arréridj, Boumerdès et Jijel. Ces huit wilayas à elles seules assurent 60% de la production nationale d’huile d’olive. Mais il n’y pas de voie à l’exportation, selon Olivier Rives, coordinateur du programme. L’essentiel de la production est dédié à la consommation, mais reste de faible qualité.

Le troisième Salon international de l’olivier  Algerolivia 2022, qui prend fin aujourd’hui au Palais des expositions des Pins maritimes, après trois jours de débats et d’exposition, a surtout permis aux principaux acteurs de cette filière de se rencontrer et de discuter des défis de la filière. Une filière en quête de développement, d’innovation, de préservation du patrimoine oléicole, d’amélioration de la qualité et d’ouverture sur le marché international.

Et ce, en plus de l’adaptation aux changements climatiques. Ce sont donc autant de défis qui appellent à recourir aux experts de manière à appuyer les oléiculteurs, dont l’activité est loin de répondre aux normes en vigueur à l’échelle mondiale, avec la déperdition des anciennes pratiques dans la filière, notamment en Kabylie où le savoir-faire se perd.

«Il y a à peine une vingtaine d’opérateurs qui travaillent aux normes», nous dit à ce sujet Olivier Rives, coordinateur et expert principal du Programme européen d’appui au secteur de l'agriculture (PASA) - Pôle Soummam, un programme mis en œuvre par Expertise France (EF) et l’Institut national de la recherche agronomique d’Algérie (Inraa) dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de voisinage entre l’Union européenne (UE) et les pays voisins.

Il a démarré en 2019 et prendra fin en 2023. Doté d’un budget de 5,85 millions d'euros alloué par l’UE, le programme intervient dans trois wilayas connues pour leur potentiel oléicole, à savoir Bouira, Béjaïa et Tizi Ouzou.

Les premiers résultats sont très significatifs, selon Oliviers Rives. Jusque-là, les actions menées se sont concrétisées par la mise en place d’un réseau d’appui et de conseil, avec la création de 34 référentiels de formation sur toutes les étapes de la filière en amont et en aval. 18 formateurs ont été identifiés en plus de 45 conseillers, qui interviennent sur le terrain pour accompagner les acteurs oléicoles et les encourager à adopter les bonnes pratiques.

«La formation en Algérie est un levier très fort et il y a de l’adhésion du côté des acteurs de la filière. Il y a tellement de choses à faire. On aimerait prolonger le programme. L’UE accompagnera, mais la partie algérienne doit le manifester parce que c’est une grande filière qui a un impact sur l’économie», nous dit Oliver Rives. Et ce, d’autant plus que le pays compte de belles variétés, notamment dans les trois wilayas concernées par le programme.

Ce dernier se penche actuellement sur l’analyse. Le Pasa - Pôle Soummam investit sur la réalisation de quatre laboratoires d’analyse à Takertiez (Sidi Aïch), où se situe la station de l’Institut  technique de l’arboriculture et de la vigne (ITAFV), qui compte «la plus belle collection» de 150 variétés, dont 71 algériennes, et parmi lesquelles 35 sont inscrites au catalogue du patrimoine génétique.

Le choix a donc été porté sur la zone de production pour mettre en place un laboratoire pour les analyses de base ainsi qu’ un autre pour le phénol et le polyphénol. Le troisième labo pour mesurer les contaminants (inédit en Algérie) va permettre de fournir un bulletin zéro résidus (en remplacement d’une certification bio). Le dernier laboratoire sera dédié à l’analyse sensorielle. Les premières opérations seront effectuées dès novembre prochain.

Ces actions seront suivies par d’autres sur la valorisation des grignons et des margines. C’est là le grand défi. Il s’agit, pour Olivier Rives, de récupérer ces déchets d’un côté pour leur apport économique et de l’autre pour éviter la pollution.

«L’huile de grignon n’est pas de qualité, mais elle est très demandée dans l’industrie agroalimentaire, alors qu’actuellement une marge considérable de grignon et margine est stockée avec un grand impact pollueur», relève M. Rives, qui regrettera : «Dans les trois wilayas, nous comptons 1000 moulins, dont 600 traditionnels et 400 modernes, qui n’ont pas de solutions pour le grignon et le margine.» L’idée de réalisation d’unités de valorisation à raison de deux à trois par wilayas est en cours. Cinq moulins se sont déjà constitués pour le faire, mais font face au problème du foncier.

Exportations marginales

En attendant, Pasa - Pôle Soummam élargira, à compter d’aujourd’hui, la contribution des conseillers formés dans ce cadre à cinq autres wilayas. Il s’agit de Médéa, Sétif, Bordj Bou Arréridj, Boumerdès et Jijel. «Ces huit wilayas à elles seules assurent 60% de la production nationale d’huile d’olive. Mais il n’y pas de voie à l’exportation. L’essentiel de la production est dédié à la consommation.

Il y a certes de belles réussites dans ce cadre ces dernières années mais ça reste très modeste. L’exportation d’huile d’olive n’a jamais été une priorité pour l’Algérie ces deux dernières décennies», constate Olivier Rives. Et d’ajouter : «L’huile d’olive est également chère sur le marché national. Elle est aussi loin d’être de bonne qualité.» D’où la nécessité de déployer les efforts pour améliorer cet aspect.

L’huile consommée de faible qualité

Justement, à ce sujet, Olivier Rives nous précisera qu’une étude réalisée sur la consommation d’huile d’olive fait ressortir : «80% des huiles consommées en Algérie se situent dans les huiles courantes et certaines sont lampantes.

Très peu de place aux qualités extra vierge et vierge.» «Les consommateurs algériens se sont habitués à ces goûts parce qu’avant, entre 1970 et 1990, la meilleure huile était exportée et le résidu était laissé à la consommation nationale», nous expliquera-t-il, soulignant dans ce sillage : «Les bonnes pratiques ont également disparu avec l’exode rural. D’où le problème d’oxydation, qui est l’ennemi numéro un de l’huile d’olive. Donc même si vous avez la plus belle unité de trituration, la qualité reste la même quand les conditions de la récolte et de stockage ne sont pas dans les normes.»

C’est-à-dire qu’avec la dégradation observée dans les pratiques tout au long de ces années, la qualité a baissé et les goûts ont été modifiés. «Ce qui fait que l’écrasante majorité des Algériens sont satisfaits du goût alors que la qualité n’est pas correcte», note encore Olivier Rives, qui relèvera cependant un changement progressif dans ce cadre. «On estime à cinq ans le temps qu’il faut pour que le consommateur algérien arrive à maturation pour ce qui de la différentiation de la qualité», prévoit-il. 

Débat sur le rôle des femmes dans la filière oléicole

En mage de la troisième édition du Salon international de l’olivier Algeroliva 2022, une rencontre a regroupé le 31 mai des femmes activant dans cette filière. Organisée par le Programme européen d’appui au secteur de l’agriculture (PASA) - Pôle Soummam, en collaboration avec le Salon international de l’olivier, cette journée a permis aux actrices de l’oléiculture de se retrouver pour des débats intenses autour des moyens qui leur permettront de mieux s’organiser. Un événement dédié uniquement aux femmes de la filière oléicole, qui vise à poser le socle d’une future association féminine à l’échelle nationale.

«Cette initiative permettra, à terme, une meilleure représentativité des femmes dans le schéma décisionnel au cœur de la filière, tout en développant l’intégration de la femme algérienne dans le paysage oléicole international», ont expliqué les intervenantes durant les débats. Quelle est la place de la femme algérienne dans la filière ? Comment pouvons-nous partager et capitaliser au mieux nos expériences respectives ?

Quels sont nos droits ? Comment nous organiser pour répondre au mieux aux défis de demain ? Ce sont en somme autant d’interrogations qui s’imposent pour faire évoluer le statut des femmes, dont le rôle-clé constitue le maillon essentiel de cette filière, faut-il le souligner. S. I.

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