Les relations entre la Chine et le Japon restent marquées par les atrocités commises par l’armée impériale nippone pendant son occupation d’une partie de l’Empire du Milieu (1931-1945).
Pékin a protesté contre Tokyo après la tournée d’îles disputées en mer de Chine orientale effectuée par des députés japonais, l’ambassade chinoise au Japon dénonçant une «action provocatrice», selon l’AFP.
Une délégation de cinq membres, conduite par l’ex-ministre de la Défense, Tomomi Inada, connue pour ses positions nationalistes, s’est jointe à des responsables gouvernementaux lors d’une inspection maritime samedi autour de ces îlots inhabités, appelés îles Senkaku au Japon et Diaoyu en Chine.
«Je trouve cela difficile d’oublier que les gardes-côtes chinois pénètrent dans ces eaux territoriales comme si elles leur appartenaient», a déclaré Mme Inada à des médias japonais depuis le navire d’inspection.
«Diaoyu Dao et les îles associées font partie de manière inhérente du territoire de la Chine», a déclaré de son côté un porte-parole de l’ambassade de Chine à Tokyo dans un communiqué publié hier sur son site internet. «En réponse aux actions illicites et provocatrices du Japon, la Chine a présenté des doléances solennelles à la partie japonaise», a-t-il ajouté.
Ces îles sont de longue date l’une des sources de tension entre les deux pays, qui revendiquent chacun leur souveraineté sur cet archipel. Les incursions de bateaux chinois, notamment des gardes-côtes et de pêcheurs, se sont intensifiées depuis quelques années à proximité de ces îlots, contrôlés par le Japon.
Des actions condamnées par Tokyo. Entre-temps, les relations entre la Chine et le Japon restent marquées par les atrocités commises par l’armée impériale nippone pendant son occupation d’une partie de l’Empire du Milieu (1931-1945).
Le passé est ressuscité pour nourrir les frictions entre les deux pays : en décembre 2013, le Premier ministre nippon, Shinzo Abe, s’est rendu au sanctuaire de Yasukuni, consacré aux Japonais morts au combat et considéré par la Chine et la Corée du Sud comme un symbole de l’impérialisme japonais.
La Chine a immédiatement exprimé «sa vive colère à l’égard des dirigeants japonais pour leur mépris affiché envers les sentiments du peuple chinois», par le biais d’un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
«L’essence des visites des responsables japonais au sanctuaire Yasukuni est de magnifier l’histoire de l’agression militariste et de la domination coloniale du Japon», a-t-il poursuivi, ajoutant que le Japon «devra en assumer les conséquences».
L’inspection de samedi, qui a duré plusieurs heures, a été organisée par la ville japonaise d’Ishigaki (Sud), située dans la région d’Okinawa. Les députés ont utilisé un drone pour examiner l’une des îles, selon la télévision publique japonaise NHK.
Des frictions récurrentes
Le Japon a annexé les Senkaku en 1895 après la première guerre sino-japonaise. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, les îles ont été placées sous administration américaine avant d’être restituées au Japon en 1972, au terme d’un accord qui ne les mentionne toutefois pas explicitement.
Sachant qu’en mai 1971, les autorités chinoises les ont déclarées comme partie intégrante de leur territoire en vertu du principe du prolongement naturel du plateau continental. Ce différend territorial comporte un enjeu important : la délimitation des zones d’économie exclusive et l’exploitation des hydrocarbures qui pourraient s’y trouver.
A l’automne 2010, une crise diplomatique a éclaté entre le Japon et la Chine à propos de ces territoires, suite à la collision entre un chalutier chinois et des gardes-côtes japonais près des îles Senkaku. En septembre 2011, la secrétaire d’Etat américaine, à l’époque Hillary Clinton, a affirmé au gouvernement japonais que ces îles relèvent de la compétence du Traité de sécurité nippo-américain.
Le 31 juillet 2012 est publié le Livre blanc sur la défense du Japon, qui consacre la priorité à la protection des îles Nansei (du Sud-Ouest), dont font partie les Senkaku. En septembre, la situation a encore dégénéré après la nationalisation définitive de trois des quatre îles, dont la plus grande Uotsurijima, par le Japon.
La tension a culminé le 13 décembre, avec le survol de cet archipel par un avion chinois, dénoncé par le Japon comme la première violation de son espace aérien depuis l’aggravation de ce conflit territorial en septembre.
Début 2014, Tokyo a annoncé une révision de ses manuels scolaires afin d’affirmer ses revendications sur les territoires en litige avec Pékin. «En matière d’éducation, il est naturel pour un Etat de donner à ses enfants des enseignements sur des parties intégrantes de son propre territoire», a expliqué le ministre nippon de l’Education, Hakubun Shimomura.
Les manuels destinés aux professeurs de collèges et lycées présenteront désormais comme «partie intégrante du territoire japonais» les îles Senkaku de mer de Chine orientale.
En réaction, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying, a réaffirmé que l’archipel en question avait toujours été chinois. En mars, un tribunal pékinois a accepté pour la première fois d’instruire une plainte déposée contre des entreprises japonaises par des Chinois forcés de travailler dans des usines et mines pendant la Seconde Guerre mondiale.
Etroitement contrôlée par les autorités, la justice chinoise rejetait jusque-là systématiquement ce genre de plainte, en vertu de la déclaration commune des deux pays de 1972 qui a consacré la normalisation de leurs relations, où la Chine a déclaré «renoncer à demander au Japon des indemnités de guerre».
Fin avril, le président américain, Barack Obama, avait effectué une tournée en Asie sans passer par la Chine. Après le sommet avec le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, le président américain a affirmé que les îles Senkaku sont «couvertes» par le traité de défense liant Washington et Tokyo. «L’article 5 couvre tous les territoires sous administration japonaise, y compris les îles Senkaku» en mer de Chine orientale, a-t-il relevé.
Durant la période d’avril 2015 à mars 2016, des chasseurs japonais ont dû décoller 571 fois pour mettre en garde des appareils chinois volant près de l’espace aérien nippon. Les tensions entre les deux pays sont montées d’un cran depuis le début du rejet en mer par le Japon de l’eau traitée de la centrale nucléaire endommagée de Fukushima, le 24 août 2023.
La Chine a accusé Tokyo de traiter la mer comme un «égout» et suspendu en réponse toutes ses importations de produits de la mer japonais.
Le 27 janvier dernier, les deux puissances asiatiques ont mutuellement accusé leurs navires d’incursions dans leurs eaux territoriales respectives : Pékin affirme qu’un bateau de pêche japonais et plusieurs navires de patrouille ont «pénétré illégalement» dans les eaux territoriales des îles Diaoyu, Tokyo rapporte que ce sont deux navires des gardes-côtes chinois qui sont entrés dans les eaux japonaises autour des îles Senkaku.