Différend maritime entre la Chine et les Philippines : Manille dénonce «le niveau d’agression» de Pékin

02/05/2024 mis à jour: 08:26
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Photo : D. R.

Ces derniers mois, les tensions entre la Chine et les Philippines ont atteint des niveaux inégalés depuis des années, et les incidents se sont multipliés. Ce nouvel accrochage intervient alors que soldats philippins et américains mènent jusqu’au 10 mai des exercices militaires conjoints.

Les garde-côtes chinois «ont élevé le niveau de tension et d’agression» envers les navires philippins en mer de Chine méridionale, avec l’usage de canons à eau pouvant mettre en danger la vie des équipages, a déclaré hier un porte-parole officiel à Manille. «Les garde-côtes chinois ont élevé le niveau de tension et d’agression envers les garde-côtes philippins», a déclaré Jay Tarriela, officier supérieur des garde-côtes philippins et porte-parole de Manille pour la mer de Chine méridionale, selon des propos recueillis par l’AFP.

Plusieurs militaires philippins ont été blessés ces derniers mois dans une série d’incidents en haute mer impliquant les deux pays, en rivalité pour la souveraineté des eaux et de récifs dans ce secteur maritime stratégique. Dernier accrochage en date, Manille a accusé mardi les garde-côtes chinois d’avoir tiré au canon à eau sur deux de ses navires, et bloqué l’accès à un récif disputé en mer de Chine méridionale.

Pékin de son côté a affirmé avoir «repoussé» les bateaux philippins. La pression de l’eau projetée était cette fois bien plus puissante que lors d’incidents précédents, parvenant à tordre ou déformer des pièces et équipements métalliques des navires philippins, a précisé J. Tarriela. «Cela pourrait évidemment être très meurtrier», a-t-il ajouté, en précisant que la pression atteignait 14 kg par cm2. Il a toutefois précisé qu’il n’y a cette fois-ci pas eu de blessé, les équipages ayant reçu l’ordre de se réfugier à l’intérieur des navires.

La Chine revendique la souveraineté sur la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale, malgré les prétentions rivales des pays voisins : Philippines, Vietnam, Malaisie, entre autres. En 2016, les Philippines ont remporté une requête contre la Chine devant la Cour permanente d’arbitrage (CPA) de La Haye, mais Pékin a refusé de prendre part à la procédure et a ignoré le jugement.

La Chine fonde sa légitimité sur ces territoires sur des cartes remontant aux années 1940. Washington prône un règlement multilatéral et pacifique de ces conflits. Pékin est plutôt favorable à des négociations bilatérales.

En juillet 2020, le secrétaire d’Etat américain à l’époque, Mike Pompeo, a déclaré «illégales» les revendications territoriales de Pékin en mer de Chine méridionale. Il a rappelé la décision de la CPA indiquant que la Chine n’a pas de base légale pour revendiquer des «droits historiques» sur cette zone.

Ces derniers mois, les tensions entre la Chine et les Philippines ont atteint des niveaux inégalés depuis des années. Ce nouvel accrochage intervient alors que soldats philippins et américains mènent jusqu’au 10 mai des exercices militaires conjoints.

A son arrivée au pouvoir en juin 2022, le président philippin, Ferdinand Marcos Jr., a prévenu qu’il ne laisserait pas la Chine piétiner les droits de son pays en mer, et s’est rapproché des Etats-Unis. Ainsi, il a œuvré à améliorer les relations avec Washington, un allié de longue date des Philippines, mises à mal par son prédécesseur Rodrigo Duterte.

Les deux pays sont liés par un accord de coopération militaire qui remonte à 1951. Début avril 2023, Manille a mis à disposition de Washington quatre nouvelles bases militaires, dont une base navale non loin de Taïwan.

Le 11 avril dernier, aux Etats-Unis, s’est tenu un sommet trilatéral entre le président Joe Biden, son homologue philippin, Ferdinand Marcos Jr., et le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, qui ouvre une nouvelle page dans les alliances entre les trois pays afin de faire face collectivement à la Chine dans la région de l’Asie-Pacifique.

A cette occasion, J. Biden a déclaré que «toute attaque contre un avion, un navire ou les forces armées philippines en mer de Chine méridionale déclencherait la mise en œuvre du traité de défense mutuelle» qui lie Washington et Manille.

Un peu plus tard, les trois dirigeants ont exprimé, dans un communiqué commun, leur «vive inquiétude face au comportement dangereux et agressif de la République populaire de Chine en mer de Chine méridionale». Ils se sont dits «préoccupés par la militarisation des territoires gagnés et par les revendications maritimes illégales» dans cette région.

Plus tôt, le Premier ministre japonais a estimé, devant le Congrès américain, que les actions militaires de la Chine «représentent un défi sans précédent, et le plus grand défi stratégique pas seulement pour la paix et la sécurité du Japon, mais pour la paix et la sécurité de l’ensemble de la communauté internationale».
 

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