Si elle est une terre de forte émigration, notamment en direction de la France et depuis trois décennies vers d’autres contrées, spécialement le Canada, l’Algérie est également une terre d’immigration. Avec son immense territoire qui jouxte plusieurs pays, elle attire régulièrement des milliers d’étrangers, notamment du Sahel, qui vit depuis plusieurs années une situation de forte précarité du fait du sous-développement économique aggravé par la sécheresse, le terrorisme et l’instabilité politique. L’Algérie attire également des citoyens fuyant essentiellement les conflits, tels les Syriens, venus nombreux depuis 2012. Cet afflux d’immigrés, l’Algérie l’a toujours géré conjoncturellement, mais au vu de l’ampleur que ce phénomène a pris et des problèmes rencontrés, elle a jugé opportun de mettre en place un nouveau dispositif juridique, d’autant qu’elle a souscrit à des conventions internationales qui protègent contre les abus, surtout de la traite souvent pratiquée par des exploiteurs agissant en bandes organisées et ciblant plus particulièrement les mineurs. Les autorités procèdent régulièrement à des rapatriements de migrants vers leurs pays d’origine. En 2022, près de 4000 Subsahariens ont été concernés par cette procédure. Ces derniers jours, pas moins de 152 personnes en situation irrégulière à Oran ont été refoulées vers les frontières du Niger. Les migrants subsahariens, qui franchissent les frontières sud en provenance de nombreux pays africains, font souvent de l’Algérie un pays de transit vers l’Europe. Mais face aux problèmes qu’ils rencontrent pour rejoindre la rive sud de la Méditerranée, nombreux finissent par s’installer durablement en Algérie. Récemment, le Conseil des ministres a adopté un avant-projet de loi visant à lutter contre le phénomène de la traite.
Selon Abdelmadjid Sellini, avocat au barreau d’Alger, cité par le quotidien Horizons, cette adoption vient à point nommé puisqu’«il y a l’apparition du phénomène d’exploitation des êtres humains par des réseaux criminels ciblant essentiellement les femmes et les enfants, suite à la dégradation de la situation socioéconomique et sécuritaire dans les pays du voisinage, notamment au Sahel, ce qui a entraîné le déplacement des personnes à la recherche de meilleures conditions de vie». Il explique que par ce texte de loi, le pays aura à «protéger les enfants, les femmes et les migrants, quelles que soient leurs nationalités, des réseaux criminels». De son côté, Nadia Aït Zaï, avocate également au barreau d’Alger, citée aussi par le journal Horizons, estime qu’il faut protéger les femmes et les enfants victimes de cette traite. De son avis, il faut une reconnaissance du droit de ces enfants et femmes au travail et à la liberté, arguant que «dès qu’ils sont exploités, ils sont dépourvus de droits et perdent leur liberté». L’avocate soutient la nécessité de bien définir ce phénomène, rappelant qu’il s’agit d’une exploitation des femmes et des enfants par le travail. Plus précise à cet égard, elle note que «ce sont des femmes et des enfants auxquels on enlève les papiers d’identité, qu’on fera travailler sans leur donner de salaire», soulignant que cette traite peut même aller «jusqu’à l’exploitation sexuelle». Aussi, et tout en saluant l’initiative de ce projet de loi, elle indique que «nous espérons voir dans ce texte de loi des articles particuliers en rapport avec la traite des femmes et des enfants pour mettre fin à cette exploitation et cette dérive qui portent grandement atteinte aux droits de l’homme».