Deux gouvernements se disputent le pouvoir depuis mars en Libyeb: l’un basé à Tripoli et dirigé par Abdelhamid Dbeibah depuis 2021, et l’autre conduit par Fathi Bachagha et soutenu par le camp du maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’Est. Les affrontements se sont soldés par la mise en échec de la tentative de Fathi Bachagha de déloger le gouvernement de son rival, reconnu par la communauté internationale.
Le calme est revenu hier à Tripoli après deux jours d’intenses combats entre l’armée du gouvernement d’Union nationale (GNA) et des milices de Fathi Bachagha, chef du gouvernement parallèle formé illégalement par le parlement de Toubrouk et établi à Syrte.
Aidé par le seigneur de la guerre Khalifa Haftar, Fethi Bachagha a voulu s’emparer de la capitale libyenne par la force. Le ministère libyen de la Santé a déploré 32 décès et 152 blessés. Le chef du gouvernement Abdelhamid Dbeibah a annoncé la formation de deux commissions, l’une pour l’évaluation des dégâts et l’autre pour la compensation.
Il a rappelé qu’il ne cédera le pouvoir qu’après la tenue d’élections crédibles et démocratiques. Pour lui, il n’y a pas de place pour la force. Les incidents vécus par les habitants de Tripoli montrent toutefois le niveau d’instabilité que vit la Libye.
Les observateurs s’attendaient au pire lors du déclenchement des hostilités, dans la nuit du jeudi 25 au vendredi 26 juillet dernier à Tripoli, entre l’armée libyenne qui soutient Abdelhamid Dbeibah, le chef du gouvernement libyen reconnu par la communauté internationale, et les milices pro-Bachagha, vu l’intensité des combats et les lourdes pertes au centre de Tripoli. Des riverains ont rapporté que c’étaient les hommes de Kekli (pro-Dbeyba) qui avaient lancé le conflit, protestant contre le virement vers l’autre clan de deux de leurs milices.
Et comme tous les groupes armés de la capitale libyenne étaient aux aguets, la réponse ne s’est pas faite attendre et la situation s’est embrasée en moins d’une heure. Le pire a été évité, puisque les incidents ont été limités aux deux milices concernées de l’intérieur de la capitale, sans entraîner les autres milices présentes dans le conflit. Il faut dire que le clan de Bachagha a multiplié, ces derniers jours, les provocations. Il a régulièrement menacé de marcher sur Tripoli et de prendre le pouvoir par les armes.
Le conflit qui a éclaté vendredi rappelle d’ailleurs celui de mai dernier, lorsqu’on avait parlé d’une tentative d’incursion de Fathi Bachagha dans la capitale libyenne. Ceci dit, Fathi Bachagha est parvenu ces derniers temps à rallier plusieurs milices de l’intérieur de Tripoli comme «les révolutionnaires de Tripoli», «Nawassi» et la «777».
Il a également rallié les groupes armés de Zentene et Ouerchfana, dirigés par Oussama Jouili, l’ex-chef des renseignements généraux libyens du temps du gouvernement Al Sarraj. C’est ce qui explique son attitude de défiance vis-à-vis du GNA. Le clan Dbeyba n’est parvenu qu’à sauver le soutien des miliciens d’Ezzaouia, en dehors de Tripoli.
Usure
Le politologue Ezzeddine Aguil a expliqué la rapidité avec laquelle le calme est revenu à Tripoli, par «le désir du clan de Fathi Bachagha d’éviter l’effusion de sang». Aguil a souligné que «le clan de Bachagha domine également les forces armées de l’Ouest, celles qui avaient délogé Daech de Syrte en 2017».
Toutefois, le politologue a mis l’accent sur le fait que «Tripoli est une grande ville et il faut lui épargner les combats de rue». Il s’agit donc d’un retour, sous une autre forme, sur le scénario de reddition de Tripoli du temps de Gueddafi, toujours selon Ezzeddine Aguil, pour qui «l’entrée de Bachagha à Tripoli n’est qu’une question de temps». Il est vrai qu’il n’y avait pas eu de bataille de Tripoli lors du renversement par l’Otan de Mouammar El Gueddafi en 2011.
Certains observateurs et politologues, comme Ezzeddine Aguil et Jamel Bennour, sont convaincus que le clan de Fathi Bachagha est en train d’opter pour la stratégie de l’usure.
Pour Bennour, la désignation de Ben Gdara à la tête de la Compagnie nationale de pétrole était une autre étape vers la limitation des pouvoirs de Dbeyba. Mais cela ne veut nullement dire que la prise de pouvoir par Bachagha est acquise.
L’équation libyenne est très complexe, notamment avec la présence des troupes étrangères, les Turcs à l’Ouest et les Russes de Wagner à l’Est. Le nombre colossal d’armes aux mains de milices privées est également à craindre, sans parler de l’implication de plusieurs puissances sur ce terrain, rendant la solution très complexe. Donc rien n’est véritablement acquis pour Bachagha.