Dans les Carpates ukrainiennes, skier pour oublier la guerre

11/03/2023 mis à jour: 02:15
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Loin des sirènes d’alerte et de la peur des frappes russes, Svetlana Kocievska savoure le calme de Bukovel, une station de ski nichée dans les sapins des Carpates à l’extrême-ouest ukrainien. 

Ses deux petits batifolent à l’air pur dans la neige, un rare moment de joie offert par leurs grands-parents. «Ils subissent de plein fouet l’impact psychologique du conflit», raconte cette dentiste de 33 ans, originaire de la région centrale de Vinnytsia. «Faire l’école à la maison, sans contact avec leurs camarades, c’est mauvais pour leurs cerveaux», dit-elle à l’AFP. Liliya, qui préfère taire son nom de famille pour des raisons de confidentialité, salue elle aussi ce répit bienvenu après une année de tourments. 

A ses côtés, sa fille de huit ans et son mari militaire, qui profite de quelques jours de permission. Tous trois viennent de la région de Soumy, à 20 km à peine de la frontière avec la Russie. «Ici, nous essayons d’oublier la guerre», confie la jeune femme fébrile, un oeil sur son téléphone qui lui signale «trois à quatre fois par jour» les alertes à la maison. Interprète d’anglais, elle s’était réfugiée en Allemagne après l’invasion russe, mais elle est rentrée au bout de trois mois pour retrouver son époux. Perché à 1300 mètres d’altitude au-dessus du village de Polyanytsya, le domaine huppé de Bukovel s’étend sur 75 km de pistes et compte 17 remontées mécaniques. Cette station réputée attirait avant la guerre une foule de visiteurs, dont de nombreux touristes étrangers. 

Désormais, ils se font rares et de nombreux projets immobiliers, qui avaient poussé au fil de la rapide expansion des lieux, sont à l’abandon. «L’ambiance est très différente maintenant», raconte, veste rouge et casque vissé sur la tête, le moniteur de ski Bogdan Nakonechniy. A 26 ans, il en est à sa troisième saison et se souvient de l’affluence passée. «Nous avons moins de monde cette année et ceux qui sont là sont très émotifs, à fleur de peau. Ils apprécient chaque moment volé à la guerre», souligne l’instructeur. Sur les pistes, femmes et enfants côtoient des hommes trop âgés pour combattre. «99% de nos clients sont Ukrainiens», confirme Taras Humenyuk, employé dans une boutique de vêtements de ski. «Auparavant 30% venaient d’autres pays, maintenant cela se limite aux visites occasionnelles de Roumains ou Moldaves voisins». Pour ce magasin, le défi est aussi logistique. 

Quasiment tout le stock d’équipements, des anoraks aux chaussures de l’entrepôt central, situé en banlieue de Kiev, a été anéanti au début du conflit par un tir de missile russe. «Nous avons encore du mal à être approvisionnés. Les marques étrangères ne veulent pas nous envoyer de marchandises par peur de ne pas être payées», explique le jeune salarié à lunettes. Devant la chute de la fréquentation, Natalia Havrylenko, 48 ans, a choisi de transformer son hôtel-restaurant en un lieu «au service de la société». 

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