Crise politique en Tunisie : Polémique de fond entre un Saïed conquérant et une opposition divisée

13/06/2022 mis à jour: 17:36
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Photo : D. R.

Poursuite des travaux de la commission économique et sociale consultative de la Constitution de la Tunisie de demain. Difficultés de l’opposition à se faire écouter dans la rue et avec le pouvoir. Tractations souterraines entre le pouvoir et la centrale syndicale ouvrière.

Le Pr Sadok Belaïd poursuit les travaux de sa commission consultative, économique et sociale, pour la nouvelle République. Il a reçu les propositions des participants et des experts. Il a écouté le programme socioéconomique du gouvernement, annoncé jusqu’en 2035.

Et il a surtout indiqué à la centrale syndicale UGTT que «l’objectif des travaux de la commission, c’est de proposer une nouvelle Constitution, pas le traçage d’une feuille de route pour la Tunisie». L’opposition cherche plutôt une autre voie pour la Tunisie et n’arrive pas à se faire écouter par le pouvoir, qui a le vent en poupe.

Le camp du président Saïed s’est clairement mis en marche, depuis une dizaine de jours, pour réussir son objectif du Référendum du 25 juillet. Une équipe d’une quinzaine de nouveaux gouverneurs a été installée.

Le gouvernement a présenté son programme économique et social jusqu’en 2035. Il y a clairement plus de communications concernant les objectifs du nouveau pouvoir et les moyens de les réaliser. Il y a même des annonces favorables du Fonds monétaire international concernant ses négociations avec la Tunisie. L’UE, la France et l’Italie ont confirmé ces bons échos du FMI.

Les réserves demeurent toutefois concernant la réticence de l’UGTT par rapport à d’éventuelles mesures douloureuses. Le ministre tunisien de l’Economie, Samir Saied, a assuré que «la subvention ne sera pas touchée et le salaire des fonctionnaires ne sera pas diminué», pour tranquilliser la centrale syndicale.

Le camp Saïed veut se présenter soucieux des intérêts du peuple. Du côté de l’opposition, il y a surtout ce rejet de la décennie écoulée que les partis politiques, anciennement au pouvoir, contestent. «Il y a un Etat et une Constitution qui ont été écartés d’un revers de main. Nous cherchons à les restituer», insiste Néjib Chebbi, le président du Front de salut, réunissant Ennahdha et certains partis dans sa mouvance. Ce front n’a pas de véritable présence sur le terrain, à part quelques rares manifestations dans la rue.

Même chose pour la coalition contre le Référendum, qui n’est parvenue qu’à faire une manifestation de quelques centaines de personnes à Sfax. Reste la centrale syndicale l’UGTT, qui soutient le 25 Juillet mais veut être écoutée pour l’avenir de la Tunisie. L’UGTT est prudente dans ses démarches. Elle évite la confrontation mais ne veut pas se faire piétiner par la machine Saïed. Les échos disent que des tractations sont en cours pour installer un nouveau partenariat.

Tiraillements

Pour certains dans l’opposition et sur les plateaux, tous les moyens sont bons pour nuire au président Saïed. Ainsi, le journaliste Salah Attia s’est permis le luxe de faire une déclaration, vendredi 10 juin à Al Jazeera, prétendant que «le président Saïed a ordonné la fermeture de certains locaux de l’UGTT et la mise sous résidence surveillée de certaines de ses directions».

Lesquels propos ont engendré des poursuites systématiques de la part du parquet militaire, qui a convoqué le soir-même, le journaliste et lui a demandé de révéler ses sources. «La révélation des sources est nécessaire dans pareils cas, puisqu’il s’agit de mensonges, comme l’a assuré le lendemain, samedi 11 juin, Noureddine Taboubi, le secrétaire général de la centrale syndicale», selon l’avocat et militant des droits de l’homme, Abderrahmane Jabnouni, qui a ajouté que «l’on ne saurait remplir les plateaux de mensonges et d’incitations aux violences, en se cachant derrière la protection des sources». Me Jabnouni n’est pas qualifié de soutien au président Saïed.

La polémique bat son plein ces dernières 24 heures en Tunisie concernant la révélation des sources par les journalistes, lorsqu’il s’agit de propos pouvant perturber l’ordre public, comme dans le cas de ce journaliste.

La question a pris de l’ampleur après le placement en garde à vue du journaliste, décidée suite à son audition par le parquet militaire et son refus de révéler ses sources. Le prévenu a opposé les termes du décret 115 prévalant la protection des sources.

Le parquet lui a, semble-t-il, appliqué la loi sur le terrorisme et les risques de perturbation de l’ordre public, selon Me Jabnouni, qui a ajouté que «la liberté d’expression est protégée, en gros en Tunisie, si l’on se réfère aux plateaux télévisés ; la polémique sur cette question de protection des sources refait surface, malheureusement, à chaque fois qu’il y a recours à de ‘prétendues révélations’». «Les secteurs des médias et la magistrature n’ont pas été épurés après la chute de Ben Ali ; les lobbies continuent à les dominer et la Tunisie entière subit les conséquences», a conclu amèrement cet avocat. 

 

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