Calme prudent dans la marche vers le référendum du 25 juillet 2022 en Tunisie. Exigence de la part de l’UGTT d’un impact plus significatif du dialogue sur le calendrier. Attachement du président Saïed à son calendrier. Incertitudes.
Le chronomètre est trop serré sur la voie du référendum du 25 juillet 2022 en Tunisie. La page des islamistes d’Ennahdha et de leurs alliés dans les institutions de l’Etat d’avant le 25 juillet 2021 est certes déjà tournée, mais un différend commence à apparaître dans le camp favorable au 25 juillet 2021, notamment sur le rôle du dialogue annoncé avant le référendum.
«Non à un dialogue de vitrine, nous sommes actionnaires dans ce pays, pas des passagers», lance Sami Tahri, porte-parole de la forte centrale syndicale UGTT, qui demande que le dialogue annoncé ait de l’impact sur l’avenir de la Tunisie. Or, le président Saïed a un calendrier figé, articulé autour du référendum du 25 juillet 2022 sur la nouvelle Constitution et des élections parlementaires le 17 décembre. Blocage ou engrenage ?
L’UGTT a refusé la formule de dialogue proposée par le président Saïed. «Nous ne sommes pas des conseillers du Président», a commenté Sami Tahri, le porte-parole de l’UGTT, suite à la commission administrative de la centrale syndicale.
Tahri faisait ainsi référence au caractère consultatif des commissions formées par le Président à la veille du référendum du 25 juillet. Rachida Enneifer, ex-chargée de la communication de la Présidence et toujours dans les rangs du Président, explique ce caractère consultatif par la multiplication des avis que le doyen constitutionnaliste en chef Sadok Belaïd, président coordinateur du Haut Comité national consultatif pour la nouvelle République, aura à synthétiser. Mais ce rôle ne semble pas suffire à la centrale syndicale.
Les organisations nationales des employés (UGTT), des patrons (Utica), des agriculteurs et des pêcheurs (UTAP), des femmes (UNFT) et des militants des droits de l’homme (LTDH), membres du comité des affaires économiques et sociales, pourraient avoir des idées contradictoires et, comme le temps presse, c’est à Sadok Belaïd d’en faire ressortir la crème.
Par ailleurs, et jusqu’à hier, seule l’UGTT a refusé la formule proposée de ce dialogue, alors que la LTDH a accepté d’y participer. Les autres organisations ne se sont pas encore prononcées. En tout état de cause, la centrale syndicale UGTT n’a pas cherché la confrontation dans son communiqué.
Elle ne s’est pas, non plus, alignée sur l’opposition proche d’Ennahdha, regroupée au Front du salut et appelant au retour des institutions d’avant le 25 juillet 2021. Pour les syndicalistes, les anciennes institutions, c’est une page tournée à jamais. Il s’agit seulement de négocier le comment de la nouvelle Tunisie.
Pour ce qui est de l’Ordre des avocats et connaissant les divisions qui caractérisent la corporation, il est clair que le président Saïeda préférera nommer le bâtonnier Brahim Bouderbala à la tête du comité des affaires économiques et sociales, pour contourner les dissensions, le bâtonnier étant élu directement par la corporation, non pas par le conseil de l’Ordre.
Prudence
Certains parmi les anciens bâtonniers, d’obédience politique opposée à Saïed, comme Abderrazek Kilani, Béchir Essid ou Chawki Tabib, ont appelé leur collègue bâtonnier à se retirer. Mais, peine perdue. Me Bouderbala défend, corps et âme, les choix du président Saïed. Le camp du 25 juillet est appelé à mieux se ressouder, pour ne pas servir les intérêts des islamistes d’Ennahdha, misant sur ces possibles désaccords dans le camp présidentiel pour en tirer profit.
L’étranger observe avec prudence ce qui se passe en Tunisie. Américains et certains Européens ont au départ demandé la restitution rapide de la démocratie en Tunisie, avant de se taire, une fois publiée la feuille de route du président Saïed. Néanmoins, la prudence est encore de mise face à ce qui continue à se passer en Tunisie, avec ce référendum dont les suites sont loin d’être claires.
La Commission de Venise vient de demander aux autorités tunisiennes d’avancer les législatives. La constitutionnaliste Rachida Enneifer n’y a vu qu’un feu de paille. «Ils auraient pu donner des recommandations plus sérieuses pour l’après-référendum, non intervenir sur des questions souveraines», a-t-elle dit. Le président algérien a dit «partager les problèmes de la Tunisie» et «être prêt à l’aider à trouver une solution», lors de sa récente visite à Rome. C’est dire que les amis très proches de la Tunisie considèrent qu’il y a problème.
L’Algérie, à travers Sonatrach, a récemment prêté main-forte à la Tunisie en reconduisant un contrat de vente de gaz à la STEG à un prix préférentiel. La stabilité de la Tunisie est recherchée par tous les pays de la région et, en premier lieu, l’Algérie, le «grand frère», appellation préférée des pouvoirs successifs en Tunisie. Mais, c’est d’abord aux Tunisiens de trouver la bonne recette pour sortir de la crise traversée par le pays.