Le chef du gouvernement de l’Union nationale libyenne, Abdelhamid Dbeyba, a fini par accepter de négocier avec le chef du gouvernement, nommé par le Parlement libyen avec l’aval du quota requis du Conseil de l’Etat, Fathi Bachagha, sous l’égide de l’ONU, en vue d’une solution concertée de l’impasse actuelle sur la légitimité de sa gouvernance après avoir raté sa principale mission, qui était la tenue des élections présidentielle et parlementaires, le 24 décembre 2021.
Dbeyba ne voulait pas, au départ, de négociations en assurant qu’il ne remettrait le pouvoir qu’à un gouvernement issu d’un nouveau Parlement. La délégation de l’ONU et la communauté internationale ont évité de prendre position dans l’actuel différend opposant Dbeyba à Bachagha, privilégiant une issue négociée, comme le reflètent les propos de l’ambassadeur américain, Richard Norland, sur Twitter. Norland a assuré que «les deux chefs de gouvernement sont disposés à tenir des pourparlers en urgence concernant la gestion des phases finales de la transition et la tenue d’élections législatives et présidentielle le plus tôt possible». Il a salué «l’intérêt de Bachagha à des négociations rapides en vue d’un compromis politique avec Dbeyba, sous le contrôle de l’ONU».
L’ambassade américaine a souligné, pour sa part, que «l’objet des pourparlers portera sur la manière de gérer la dernière phase transitoire». Leur lieu sera décidé d’un commun accord entre les deux parties, la délégation de l’ONU et la communauté internationale. L’ambassade américaine a assuré de son respect le «droit des Libyens à décider de leur avenir, par les voies pacifiques», en soulignant que «seules des élections générales, libres et transparentes peuvent assurer la stabilité en Libye».
Concernant le différend actuel, l’ambassade s’est refusée à tout alignement sur l’une ou l’autre des parties. «L’unique solution, c’est la médiation pacifique», a-t-elle conclu. Il est à rappeler que Abdelhamid Dbeyba est venu au pouvoir en Libye en mars 2021, par le biais du Dialogue de Genève, suivi du vote de confiance du Parlement libyen, dans une réunion tenue à Syrte. Le principal objectif de Dbeyba était de tenir des élections générales, présidentielle et parlementaires, le 24 décembre 2021. Le chef du gouvernement d’unité nationale et les trois membres du Conseil présidentiel étaient tenus, par la plateforme du Dialogue politique de Genève, de ne pas se présenter aux élections. Toutefois, il n’a pas suffi que le gouvernement n’était pas parvenu à tenir les élections, Dbeyba s’est porté candidat à l’élection présidentielle.
Suite à cet échec à atteindre les objectifs fixés par le dialogue libyen de Genève, et après le cautionnement de 52 membres du Conseil de l’Etat, le Parlement libyen a retiré sa confiance au gouvernement Dbeyba et désigné le 10 février dernier Fathi Bachagha pour le remplacer. Dbeyba a refusé son éviction et il multiplie les initiatives, jugées populistes par ses concurrents, d’accorder des dotations aux Libyens pour se marier ou s’approprier des logements. «Dbeyba cherche à s’attirer la sympathie des Libyens par de tels programmes et s’assurer de gagner les prochaines élections», selon le politologue libyen Ezzeddine Aguil.
Enjeux
Il s’affirme, selon les observateurs, que Dbeyba cherche à gagner du temps au pouvoir. Bachagha l’accuse de dilapider l’argent de l’Etat pour soigner son image auprès des électeurs. Le chef du gouvernement, récemment nommé, Fathi Bachagha, insiste sur le fait que «l’aide de l’Etat doit se limiter aux citoyens nécessiteux» et qu’il «faut investir pour préserver l’avenir des générations futures». «L’argent de l’Etat n’est pas celui de Dbeyba ou de quiconque pour le dilapider à gauche et à droite», a assuré Bachagha dans une intervention transmise par sa page Facebook. Il est donc clair que Bachagha et les autres politiciens en Libye refusent de laisser Bachagha exploiter sa présence à la tête du pouvoir pour préparer sa propre relève.
La délégation de l’ONU propose une commission mixte du Parlement et du Conseil de l’Etat pour préparer une assise constitutionnelle aux prochaines élections. Si le Conseil de l’Etat accepte cette proposition de Stéphanie Williams, le Parlement émet l’objection qu’il avait déjà amendé l’article 12 de la petite Constitution, concernant les élections et donné son accord pour la formation de ladite commission. «C’est déjà acquis et il n’y a pas à refaire un accord déjà mis en route», répondent 93 membres du Parlement dans une motion adressée à Stéphanie Williams.
Le Parlement avait déjà accepté cette proposition, le jour même de la destitution de Dbeyba. La crise libyenne semble se prolonger.
Tunis
De notre correspondant Mourad Sellami