Crise libyenne : Bach Agha menace d’entrer dans Tripoli par la force de la loi

10/03/2022 mis à jour: 17:35
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Le nouveau Premier ministre libyen, Fathi Bach Agha / Photo : D. R.

Maintien des divergences entre Dbeyba et Bach Agha sur la légitimité de gouverner la Libye. Entrée imminente de Bach Agha à Tripoli. Appui de la communauté internationale à la recherche d’une assise constitutionnelle aux prochaines élections.

Huit ministres, parmi les 30 composant le gouvernement de Fathi Bach Agha, ont été empêchés jeudi dernier (3 mars) d’arriver à Tobrouk pour le serment devant le Parlement. Ils se sont finalement rendus avant-hier à Al Gobba, où ils ont prêté serment  devant le président du Parlement, et devenir ainsi éligibles à exercer leurs fonctions.

Sitôt ce devoir accompli, le ministre désigné de l’Intérieur, le général Issam Abou Zriba, a assuré que «des dispositifs sécuritaires sont en cours pour permettre la transition pacifique des pouvoirs». Abou Zriba a adressé des notes explicatives aux divers corps sécuritaires de Tripoli pour leur expliquer que «le Parlement a destitué le gouvernement d’unité nationale et installé un nouveau gouvernement, auquel tout le monde doit obéir».

La réaction n’est pas garantie puisque l’actuel chef du gouvernement, Abdelhamid Dbeyba, n’a cessé d’exprimer son rejet de cette décision de le mettre à l’écart. Plusieurs sources ont même parlé de fonds versés aux milices afin qu’ils défendent Dbeyba, comme l’a assuré le chef du gouvernement nominé, Fathi Bach Agha.

Les spéculations vont bon train concernant le potentiel armé des deux camps à Tripoli. Si une chose est certaine, c’est que Bach Agha connaît très bien les arcanes du ministère libyen de l’Intérieur pour y avoir exercé pendant près de six ans, et il a une idée précise sur tous les groupes armés de Tripoli.

Bach Agha était auparavant au Conseil militaire de Misrata. Ses contacts sont donc très développés avec les révolutionnaires. Il compte néanmoins accéder à Tripoli par la force de la loi.

Par contre, Abdelhamid Dbeyba ne possède pas de pareil avantage. L’actuel chef du gouvernement dispose, pour sa part, du soutien d’une frange des Frères musulmans, en plus des groupes islamistes radicaux du mufti destitué Sadok Ghariani.

Il est néanmoins vrai que 52 membres du Conseil supérieur de l’Etat, dominé par les islamistes, ont signé en faveur de la destitution de Dbeyba, ce qui a permis à Bach Agha d’obtenir la présidence du gouvernement après le vote favorable de confiance du Parlement.

Lequel Parlement ayant respecté les consignes de vote de la délégation de l’ONU. Aussi bien le président du Parlement, Aguila Salah, que le chef du gouvernement nominé, Fathi Bach Agha, ont montré les vidéos de la séance de vote à Stéphanie Williams, l’envoyée du secrétaire général de l’ONU.

Tout semble réglementaire concernant la destitution de Dbeyba, sauf qu’elle a pris de court les puissances étrangères, puisqu’elle a été gérée par les Libyens, d’où les hésitations de Mme Williams, qui n’a retenu des décisions du Parlement que la création d’une commission mixte entre le Parlement et le Conseil supérieur de l’Etat afin de rédiger une base constitutionnelle aux prochaines élections.

Forces en place

Il est utile de souligner que l’actuel chef du gouvernement d’unité nationale n’a jamais approuvé la commission militaire «5+5», autorité indépendante composée par des hauts gradés de l’Est et de l’Ouest, de par sa constitution même à Genève.

Cette commission ne relève pas du gouvernement d’unité nationale et cela a déplu à Dbeyba, d’autant plus qu’elle a adopté des positions favorables à celles de Bach Agha et Haftar concernant le départ des mercenaires et des troupes étrangères, ainsi que la nécessité pour les miliciens «révolutionnaires» de faire des formations académiques avant d’intégrer la police ou l’armée.

Malheureusement pour Dbeyba, le gros des forces armées libyennes, à l’Est et à l’Ouest, est sous l’autorité des commandants de la commission militaire «5+5». Le chef du gouvernement d’unité nationale ne pourrait se prévaloir que de quelques groupes armés à Tripoli, qui ne feraient pas le poids en cas d’un éventuel conflit.

Les puissances étrangères, Turquie comprise, sont conscientes des équilibres des forces en place. Elles essaient de calmer les ardeurs des uns et des autres, afin d’éviter un conflit pouvant aboutir à des vainqueurs et des vaincus à l’image de ce qui s’est passé à Syrte en 2016 ou à Derna en 2018, lorsque Daech a été chassé.

L’Allemagne, l’Italie, la Grande-Bretagne, voire même la Turquie essaient de ménager leurs alliés islamistes. Mais, la position de cette dernière et celle du Qatar ne cessent d’évoluer ces derniers mois, pour devenir plus équilibrées. Les relations de la Turquie ont repris avec l’Egypte et les Emirats. L’Arabie Saoudite a renoué avec le Qatar.

Ces rapprochements vont se répercuter sur la scène libyenne, où la seule position officiellement affichée jusque-là est celle du soutien égypto-saoudien à la position du Parlement, «unique autorité pouvant accorder la légitimité du gouvernement en Libye», selon un communiqué commun de ces deux pays.

Les développements en Libye continuent d’attirer les regards, surtout avec la récente crise d’Ukraine et le potentiel gazier de ce pays, proche de l’Europe. 


 

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