Création de l’instance d’enquête sur les signes d’enrichissement illicite : Appels à la protection des dénonciateurs de la corruption

22/03/2022 mis à jour: 01:34
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L’annonce de la création d’une instance d’enquête sur les signes extérieurs de richesse est diversement appréciée par les députés de l’Assemblée populaire nationale, entre ceux qui considèrent qu’il s’agit d’une énième instance de lutte contre la corruption et ceux qui insistent pour que l’Etat assure tranquillité et protection aux dénonciateurs qui pourraient faire l’objet de représailles. 

Le ministre de la Justice a fait état, dimanche dernier, de la création, en vertu des lois visant la lutte contre la corruption, «d’une instance d’enquête» sur les signes d’enrichissement illicite chez les fonctionnaires publics. Azzedine Zahouf, député du Mouvement de la société pour la paix (MSP), précise qu’il s’agit là d’une instance consultative et non pas judiciaire, réclamant la protection des auteurs de signalement de faits de corruption. 

En effet, l’article 5 du projet de loi stipule que le dénonciateur de faits de corruption doit dévoiler son identité. Ledit projet stipule que «la Haute autorité peut être saisie par une personne physique ou morale sur des informations, des données ou des preuves liées aux faits de corruption, à condition que la plainte ou la dénonciation soit écrite et signée, de même qu’elle doit contenir assez d’éléments liés aux faits de corruption ainsi qu’à l’identité du dénonciateur», mais il ne détaille pas avec précision la protection dont le dénonciateur de ces faits doit bénéficier. «Nous comprenons la démarche du gouvernement, qui consiste à mettre fin aux signalements anonymes. Mais il est tout aussi important d’assurer la protection du dénonciateur d’alerte contre toutes les manœuvres d’intimidation dont il peut faire l’objet. L’Etat doit lui assurer tranquillité et protection. 

Ce n’est qu’à cette condition que l’on pourra ouvrir une enquête. Il est essentiel d’encourager les personnes à signaler les cas de corruption, renforçant la confiance envers l’Etat», nous explique-t-il. Azzedine Zahouf note, par ailleurs, que la composition des membres de ladite instance est désignée par le pouvoir exécutif, soulignant l’impératif d’assurer «l’indépendance de l’autorité» et de limiter les mandats de son président. 

Le fait est que la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption est composée d’un président nommé par le chef de l’Etat pour un mandat de cinq ans, renouvelable une fois, tandis que les membres, au nombre de 12, sont nommés par décret présidentiel pour un mandat de cinq ans non renouvelable.

Ahmed Rabhi, député du Front de libération nationale (FLN), estime, pour sa part, que le problème réside dans la multiplication des instances et des mécanismes contre la corruption. 

A ses yeux, la création d’une multitude d’instances parallèles ne peut pas participer à lutter efficacement contre le phénomène. Il souligne également que l’instance d’enquête annoncée par le ministre de la Justice ne devrait pas se focaliser uniquement sur les hauts fonctionnaires, élargissant ses prérogatives au secteur privé. 

Il rappelle qu’il y a, d’ores et déjà, un cadre législatif protégeant les auteurs de signalements, que ce soit dans les différentes conventions internationales paraphées par l’Algérie ou dans la loi 06-01 et même dans le code pénal. Mais il considère qu’il est possible d’aller encore plus loin en mettant en place un système de «code-barres» afin de protéger l’identité des dénonciateurs. 

Lors d’une plénière consacrée à l’examen du projet de loi fixant l’organisation de la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption, les députés ont émis des réserves par rapport aux zones d’ombre liées à la protection des auteurs de signalements. «Même s’il met, effectivement, un terme aux dénonciations calomnieuses, l’article 5 du projet de loi ne rend pas justice aux personnes auteurs de véritables dénonciations», ont-ils jugé, ajoutant que ce projet «ne contient aucune facilitation ou motivation encourageant à dénoncer les faits réprimés par le législateur dans ce domaine». 

Le député Messaoud Kerma, du parti FLN, cité par l’Aps, a insisté sur l’importance de «protéger le dénonciateur et réhabiliter l’accusé s’il est innocent». Abdellah Haraychia du parti MSP a estimé que les dispositions de l’article 5 peuvent «dissuader les citoyens à dénoncer la corruption par peur de représailles». 

Les députés ont proposé également la désignation des délégués de la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption à travers le territoire national, soulignant l’importance de «publier le rapport annuel de l’Autorité sur son site électronique après sa présentation au président de la République».

La protection des lanceurs d’alerte en question

Plusieurs pays ont revu leur législation afin d’assurer la protection de ce qui est appelé «les lanceurs d’alerte», soit toutes les personnes qui en alertant leur direction, les pouvoirs publics et les médias sur des faits immoraux, prennent des risques et, parfois, subissent de graves conséquences. Le terme, très utilisé ces dernières années, désigne toute personne physique qui signale ou divulgue, sans contrepartie financière directe et de bonne foi, des informations portant sur un crime, un délit, une menace ou un préjudice pour l’intérêt général. Plusieurs affaires dénotent néanmoins du combat difficile, à l’échelle mondiale, des dénonciateurs….

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