Avancée dans les débats sur le projet de la Constitution de demain en Tunisie, à soumettre au référendum du 25 juillet. L’opposition piégée par l’apport minimum des islamistes d’Ennahdha, suite à l’ouverture d’enquêtes concernant des réseaux terroristes.
L’absence des doyens des facultés de droit, préférant s’abstenir de toute action à connotation politique non consensuelle, n’a pas empêché Sadok Belaïd et sa commission consultative d’avancer dans l’élaboration de leur projet de Constitution de la nouvelle Tunisie.
Le schéma socioéconomique a reçu des propositions de la part d’éminents experts comme Radhi Meddeb, l’universitaire et PDG du groupe Comete, ou Taïeb Bayahi, président de l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE). Sadok Belaïd a insisté sur le fait que la nouvelle Constitution sera économique.
Entre réticences et espoirs
Les observateurs constatent qu’au moment où Sadok Belaïd, président de la Commission nationale consultative pour une nouvelle République, agit à son aise, bien que pressé par le temps, l’opposition paraît, de plus en plus, dépourvue de programme d’action.
Il y a, surtout, un constat de réserves assorties de craintes chez les islamistes, depuis l’ouverture des enquêtes concernant le réseau secret d’Ennahdha et le financement de certaines associations, liées aux islamistes.
«L’implication de membres dirigeants d’Ennahdha dans ce réseau est prouvée, encore faut-il que la justice le constate, maintenant que le dossier est en cours d’examen», a constaté Me Ridha Reddaoui, du collectif de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, qui a intenté quatre plaintes contre l’ancien juge d’instruction près le Tribunal de première instance de Tunis, Béchir Akremi.
Ce dernier est considéré comme le paravent ayant protégé les islamistes d’Ennahdha par la «manipulation» des dossiers de l’affaire des martyrs Belaïd et Brahmi et de dissimulation d’informations et de faits importants dans l’affaire de l’appareil secret d’Ennahdha.
Les islamistes d’Ennahdha, rattrapés par leur passé, l’opposition n’arrive pas à gagner du terrain, malgré des médias acquis à leur cause. «Ce sont des vendus qui occupent la majorité écrasante des plateaux.
Mais, personne ne leur accorde de crédit», estime l’ingénieur à la retraite, Abdelkrim Gheraïba. L’avis de Karim est partagé par ses amis, attablés à un café de la cité El Khadhra, une banlieue populaire de Tunis.
Ali, directeur général dans la Fonction publique, assure que «la Tunisie ne saurait vivre sous Saïed une situation pire que ce qu’elle a vécue durant la dernière décennie ; les Tunisiens n’ont rien à perdre».
Il est clair que la rue soutient le Président Saïed et ceci est facilement palpable dans les marchés, les stations de bus ou auprès des taxistes, malgré l’absence de mesures concrètes en faveur des classes populaires.
«Ces vendus continuent à mettre les bâtons pour bloquer les réformes voulues par le Président. Mais, il va réussir ; le peuple est avec Saïed», insiste Sonia, la cinquantaine passée, fonctionnaire. C’est, semble-t-il, cette catégorie désabusée par la décennie ayant suivi la chute de Ben Ali, qui prête main-forte à Saïed ; les jeunes en ont assez. «Nous observons, en attendant des lendemains meilleurs, il faut que ça change», crie un groupe de jeunes, occupés dans une partie de cartes.
Voie ouverte
Toutes les voies en Tunisie mènent au référendum du 25 juillet, malgré le discours dominant dans les médias, s’attaquant au président Saïed. «Il y a une véritable cassure entre ces intellos et la rue tunisienne, favorable au président Saïed, comme le montrent les divers sondages d’opinion», relève Sami Ben Slama, membre de l’ISIE.
Ben Slama avertit toutefois quant à la présence des lobbies dans toutes les institutions de l’Etat. «Saïed a eu, au moins, le mérite de déloger les islamistes, alors qu’ils s’étaient installés depuis 2012 avec l’idée de rester pour toujours», a-t-il constaté.
Pour ce notaire, «Ennahdha a cherché à asservir toutes les institutions, à commencer par l’ISIE et la Justice, pour pérenniser son pouvoir. Leur délogement ne saurait passer par les voies normales». La communauté internationale observe ce qui se passe en Tunisie, qui ne respecte pas les voies traditionnelles de la démocratie.
Le Département d’Etat américain a critiqué le limogeage par le président Saïed de 57 juges. Pourtant, la quasi-majorité des pétitions de la société civile tunisienne n’a cessé de parler durant la dernière décennie de justice aux ordres.
La partie d’étalage de linge sale sur les plateaux des médias, en 2020, entre le premier président de la Cour de cassation, Taïeb Rached, et le premier juge d’instruction près le Tribunal de première instance de Tunis, Béchir Akremi, ne constitue que ce qui jaillissait de l’iceberg.
Ces deux juges méritaient des traductions devant le Conseil de discipline depuis le lancement de l’affaire. «Donc, si le président Saïed a rétabli ce tort, en les radiant tout en omettant de respecter les procédures, c’est loin d’être à condamner», pense l’avocat et militant des droits de l’homme, Abderrahmane Jabnouni. La Tunisie est à la croisée des chemins.