The Crimson, journal quotidien des étudiants de la plus célèbre université des Etats-Unis, s’est rallié cette semaine à la campagne BDS de boycott du régime de l’apartheid israélien. Considérée comme la «meilleure» université du monde dans divers classements des établissements d’enseignement supérieur, Harvard affiche un palmarès de 160 lauréats du Prix Nobel et s’enorgueillit d’avoir compté parmi ses étudiants 8 futurs présidents des Etats-Unis, dont Franklin Roosevelt et John Kennedy.
Jusqu’à présent, le conseil éditorial du Crimson («Le cramoisi», couleur de l’université), qui compte 90 membres se réunissant plusieurs fois par semaine, avait refusé de rejoindre la campagne BDS, tout en défendant le droit des défenseurs de la cause palestinienne à s’exprimer librement.
Il n’a pas été simple de franchir le pas, reconnaissent les auteurs, tant les pressions du lobby israélien sont permanentes, à tous les niveaux des institutions du pays. «Israël a toujours été l’angle mort de la liberté d’expression, pourtant garantie par le 1er amendement de notre Constitution», écrivent-ils, selon Capjpo EuroPalestine qui rapporte l’information.
«Osez remettre en question la politique d’Israël et appeler à la libération de la Palestine, et vous vous exposez tout de suite à une série de sanctions : par exemple, le licenciement si vous êtes journaliste, ou l’inscription sur une liste noire si vous êtes étudiant», ajoutent-ils, au bas du titre sans ambiguïté de leur éditorial : «Soutien à BDS et à une Palestine libre».
Les récentes prises de position de deux des plus fameuses ONG au niveau mondial, Amnesty International et Human Rights Watch (HRW), qui ont qualifié d’apartheid le régime infligé au peuple palestinien par Israël, ont contribué à la prise de position du Crimson, un quotidien lu par les 30 000 étudiants de Harvard et leurs 2000 enseignants. L’activité courageuse des militants du campus engagés dans le comité local de solidarité avec la Palestine, qui vient d’organiser une «Semaine de l’apartheid israélien», a aussi joué son rôle. «C’est avec fierté que nous avons finalement décidé d’apporter notre soutien à BDS et à la libération de la Palestine, et nous appelons tout un chacun à faire de même», conclut l’éditorial.
Le texte, comme c’est la coutume depuis que le journal a vu le jour au XIXe siècle, n’est pas signé, et ses auteurs indiquent qu’ils sont conscients du privilège que leur confère un tel anonymat. «Ce privilège est peut-être provisoire, étant donné qu’il faut s’attendre à des déchaînements du lobby. Mais en attendant, c’est un véritable coup de tonnerre qui vient d’éclater dans le monde universitaire, et nous ne pouvons que nous en féliciter.»