Aussi loin que l’on remonte dans le temps, le Ramadhan a toujours été une période à statut spécial dans l’année.
Si on admet généralement que la pratique religieuse doit être plus dense ce mois-là, on considère paradoxalement que l’organisme doit être mieux alimenté sans tenir compte des excès en tous genres. Et c’est là où le bât blesse. Depuis toujours, aucun sermon bien pensant n’a pu renverser la vapeur et faire admettre que l’islam considère que ce qui doit prévaloir durant ce mois sacré c’est la piété, et le jeuneur doit se comporter comme un pauvre. Tout le monde s’est résigné à cette donne, y compris les gouvernants. Aussi, à chaque époque sa recette. Quand les caisses de l’Etat sont remplies par l’argent du pétrole et du gaz, cap vers les importations tous azimuts de produits agricoles et carnés. Mais en temps de disette financière, moment le plus redouté, les pouvoirs publics sont tenus de se débrouiller comme ils peuvent avec la production locale et le peu d’importation de produits. Les aînés se rappellent des fameux Souk el fellah, de leurs chaînes de citoyens dès l’aube, des ventes concomitantes et des passe-droits. Ils avaient cependant le mérite d’exister, comme le furent les souk errahma et les soupes populaires. Mais au fil des années, le Ramadhan s’est confondu avec la spéculation et la flambée des prix, et les experts imputent cela à la montée de l’inflation. Depuis plus d’une année, elle a explosé du fait de la hausse à l’échelle mondiale des prix des biens et des services suite à la guerre entre la Russie et l’Ukraine.
Et également du fait de la désorganisation du marché national et de la prolifération du nombre d’intermédiaires attirés par les surprofits que génère le commerce des produits alimentaires. Pour contrer cette poussée inflationniste du Ramadhan à venir, le gouvernement a pris plusieurs mesures administratives, dont la restriction des importations des céréales et des légumes secs et leur transfert à l’organisme public l’OAIC. A été également décidé la vente directe de produits agricoles du producteur au consommateur. Un plafonnement des prix des viandes blanches au niveau des points de vente de l’ONAB a été programmé ainsi que l’importation de grandes quantités de viandes rouges d’Amérique latine. Il y aura également le déstockage progressif des fruits et légumes ainsi que la mise sur le marché de quantités supplémentaires d’huile de table et de céréales.
En 2022, l’inflation des produits alimentaires a concerné l’ensemble des consommables industriels et agricoles frais.
Les prix des produits alimentaires ont connu une hausse de +10,1% en 2021 à +13,4% en 2022. Le gouvernement bute sur un sérieux problème : celui des chiffres et statistiques, évoqué par le président de la République lui-même, en prenant l’exemple du chiffre du bétail. Le pays ne dispose que de 19 millions de têtes alors que le chiffre officiel est de 29 millions. Comment, dans ces conditions de statistiques aléatoires, approvisionner correctement le marché en fruits, légumes et viandes et de ce fait améliorer la disponibilité et peser sur les prix ? Pour l’heure, l’Etat a mis en place un dispositif répressif contre les spéculateurs, dont il s’agira de connaître l’impact car la spéculation revêt une multitude de formes à tous les niveaux. Des récoltes entières sont achetées par de gros affairistes souvent bien avant les saisons de production.
Des intermédiaires dotés de camions de lourd tonnage se chargent eux des acheminements vers les grossistes, lesquels stockent une partie dans d’immenses entrepôts frigorifiques. Viennent s’y approvisionner une multitude de revendeurs installés dans les marchés ou aux abords de toutes les villes. Tous ces maillons de la chaîne prennent chacun leur commission financière. Ajouté à cela la petite fraude au niveau de la vente au détail des fruits et légumes. Elle concerne la manipulation de la balance et la vente avec les tiges et les feuilles. Même la pomme de terre est parfois vendue avec un amas de terre, ce qui augmente son poids et donc son prix. Enfin, les marchés de gros sont insuffisants au niveau des wilayas. Quand ils existent, ils manquent cruellement de contrôle des opérations de vente des marchandises, au grand bonheur des spéculateurs.