La folie du carnaval de Rio de Janeiro reprend ses droits à partir de vendredi, avec un vent d’optimisme après la fin des restrictions du Covid et le changement de gouvernement au Brésil. Les rues sont déjà pleines depuis le week-end dernier, avec les cortèges musicaux des «blocos», tandis que les écoles de samba peaufinent les derniers détails de leurs somptueux défilés qui auront lieu les nuits de dimanche et lundi. Le spectacle s’annonce grandiose, avec des chars monumentaux hauts comme des immeubles de plusieurs étages et des milliers de danseurs costumés des écoles qui défilent tour à tour au sambodrome jusqu’au lever du jour.
«Nous donnons toujours le meilleur de nous-mêmes, nous ne comptons pas nos heures, même la nuit, juste pour voir les gens heureux», dit à l’AFP Rogerio Sampaio, qui a passé les derniers mois à confectionner des costumes pour l’école Viradouro dans un hangar du centre-ville. Cette année, les défilés au sambodrome auront bien lieu juste avant le mercredi des Cendres, comme le veut la tradition. Ils avaient été reportés de deux mois l’an dernier, en avril, en raison d’une hausse des cas de Covid.
En 2021, le carnaval avait été tout bonnement annulé en raison de la pandémie. L’édition de cette année est la première sans restrictions dues au Covid, mais aussi la première depuis le retour au pouvoir du président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, qui a battu son prédécesseur d’extrême droite Jair Bolsonaro à l’élection d’octobre. Les festivités débutent officiellement vendredi, au moment où le maire Eduardo Paes remet les clés de la ville au «Roi Momo», monarque jovial qui symbolise la folie d’une fête où (presque) tous les excès sont permis. Le sambodrome doit accueillir 100.000 personnes chaque nuit, entre les 70.000 spectateurs et les personnes qui défilent pour les 12 écoles de samba en lice pour le grand concours du carnaval. Chaque formation a entre 60 et 70 minutes pour défiler sur l’avenue Marques de Sapucai, une rue d’environ 700 mètres entourée de tribunes. Les écoles vont devoir séduire le public, mais aussi les jurés, qui les noteront sur des critères comme le thème du défilé, les percussions ou la qualité des chars et des costumes. Lors des dernières éditions, certains défilés ont critiqué de façon plus ou moins explicite le gouvernement Bolsonaro (2019-2022), accusé entre autres de discriminer les minorités et de sacrifier les budgets de la culture. Cette année, plusieurs écoles ont choisi de mettre en valeur les racines africaines du Brésil, les figures emblématiques de la samba ou les traditions culturelles des régions pauvres du nord-est. «Le carnaval est le miroir du Brésil», a déclaré Leandro Vieira, directeur artistique de l’école Imperatriz, au magazine Veja. «Après ces moments de ténèbres, autant dans la culture populaire que dans la politique, le Brésil doit réaffirmer ce qu’il a de meilleur. (Le choix des thèmes) n’est pas une coïncidence, c’est la lumière après les ténèbres», poursuit-il. Imperatriz racontera par exemple l’histoire de Lampiao, sorte de Robin des Bois du nord-est brésilien. Une figure controversée, à la fois héros populaire et bandit sanguinaire. Au-delà des critiques sociales, «cette année, le carnaval est une grande manifestation de joie, une célébration de la vie, des difficultés surmontées», dit à l’AFP Adair Rocha, directeur du département culturel de l’Université de l’Etat de Rio (Uerj). La mairie estime que le carnaval va injecter quelque 4,5 milliards de réais (environ 800 millions d’euros) dans l’économie locale. Les autorités tablent sur plus de 5 millions de personnes dans les cortèges qui déambulent dans les rues de la ville, avec des déguisements loufoques, la musique à fond et la bière qui coule à flots. Pas moins de 34 000 toilettes chimiques ont été installées. Chaque année, les éboueurs ramassent plus de 1000 tonnes de déchets durant le carnaval.