Aucune localité de la capitale n’échappe au phénomène largement décrié par les commerçants légaux.
Baisse de garde ou conséquence de la conjoncture sanitaire, le commerce informel reprend de plus belle à Alger, bravant les nombreuses mesures décrétées, au cours des dernières années, pour l’éradiquer et débarrasser l’économie nationale et, dans certains cas, la santé publique, de sa nuisance.
Désormais, même les grandes artères de la capitale ne sont plus épargnées par la vente à la sauvette. Pourtant, ce phénomène est largement décrié par les commerçants «formels», détenteurs de registre de commerce et payeurs assidus d’impôts, en étant les premiers à en faire les frais. Alignés les uns après les autres, tout au long des «arcades», à l’entame de la rue Mohamed Belouizdad, des étals de fortune exposent, au nez et à la barbe des autorités compétentes, tous types de marchandises.
On y vend des fruits et légumes, chaussures (hommes, femmes, enfants), accessoires de téléphonie (kit main libre, anti-choc...), effets vestimentaires et pain ordinaire ou traditionnel (galettes). Tout est matière à gagner sa journée ou, pour certains, arrondir les fins de mois. Les mêmes scènes se répètent dans d’autres quartiers de la capitale, à l’instar de Belouizdad, Bab El Oued, Bachdjerrah ou encore El Harrach, a-t-on constaté.
Dans une ruelle en pavés, mitoyenne au marché Clauzel et non loin de la rue Didouche Mourad, des denrées sont écoulées clandestinement, en toute quiétude. Des jeunes et moins jeunes proposent aux passants des fromages (dans l’irrespect total de la chaîne de froid), des produits cosmétiques, des ustensiles, des vêtements ou encore des appareils électroniques, étalés à même le sol ou sur des supports bricolés.
Tentés par les «bas prix», des habitués font le bonheur des marchands à la sauvette. Ils préfèrent s’approvisionner de l’informel, alors que le marché couvert, le formel, se trouve à quelques mètres de là. «J’habite au Télemly (sur les hauteurs d’Alger). Je viens ici (Clauzel) au quotidien pour faire mes emplettes en raison des prix abordables», a confié une mère de famille, pendant qu’elle achetait du fromage posé par terre sur une bâche en plastique, sous un soleil de plomb et tout près des poubelles du marché dégageant des odeurs nauséabondes.
Des efforts pour contrecarrer l’informel subsistent
D’autres consommateurs, plus prudents, préfèrent ne pas prendre le risque d’acheter des produits périssables par crainte des conditions d’hygiène, jugées mauvaises ou peu fiables. «Je ne m’aventure jamais à acheter ces produits, dont j’ignore la date de péremption et la traçabilité», témoigne Ahmed, qui dit bouder les marchandises proposées aux marchés informels, malgré leurs prix attractifs.
A quelques encablures de la rue Hassiba Ben Bouali, des marchands informels étalent leurs produits, dès les premières heures de la matinée, à proximité de l’hôpital Mustapha-Pacha. L’étroite ruelle Ayoub Sedik (ex-Bichat), menant vers le quartier de Meissonnier est un marché clandestin, à ciel ouvert, où l’on trouve de tout. Même les vieilles pièces détachées, notamment pour automobile, y sont proposées.
Collés les uns contre les autres, des étals, une centaine environ, longent les abords de cette ruelle rétrécie, surplombant la cour principale du Lycée Omar Racim. Ces commerçants d’occasion justifient le recours grandissant à la vente informelle par le «chômage» et «l’absence d’espaces commerciaux aménagés». Le même constat a été établi au marché informel de fruits et légumes de Bab El Oued, qui ressuscite après avoir été éradiqué. Idem pour la place des Martyrs où le phénomène de l’informel s’est intensifié de nouveau à compter du mois de Ramadhan dernier.
«La bataille contre le commerce informel est loin d’être gagnée sur le terrain», regrette un commerçant, qui déplore l’invasion des marchands improvisés. Moins fatalistes, des commerçants détenteurs de registre de commerce au marché Clauzel ont confié avoir saisi, à travers une requête accompagnée d’une pétition, les autorités concernées pour mettre un terme à ces pratiques illicites, nuisant à leur activité.
Pourtant, des marchés de proximité devaient permettre la résorption de l’informel à travers le lancement en 2012 de l’opération d’éradication des marchés anarchiques. Une partie de ces derniers a été supprimée ou régularisée, mais d’autres ont fait leur réapparition.
Dans le cadre des mesures palliatives visant à assurer une large disponibilité des produits alimentaires de large consommation, 500 marchés de proximité dits «parisiens», ont été ouverts ces dernières années à travers le pays. Le secteur informel représente 45% du Produit national brut (PNB), avait relevé une étude réalisée par l’Office national des statistiques (ONS).