Le parquet de Bruxelles a ouvert une information judiciaire relative à de possibles ingérences marocaines en Belgique, énième épisode d’une série de scandales dans lesquels le makhzen est embourbé en Europe, a rapporté hier le journal Le Soir d’Algérie.
Le quotidien qui cite une information publiée par des médias belges, la RTBF et Le Soir, a indiqué que cette nouvelle affaire n’est qu’un autre épisode de ce qui semble constituer un feuilleton des scandales d’espionnage et de corruption qui ont éclaboussé ces deux dernières années, en Europe, le makhzen. Selon les informations des deux médias belges qui citent le ministère public, l’Office central pour la répression de la corruption (OCRC) a rédigé, fin décembre, un procès-verbal initial.
Après un aller-retour du document entre le parquet de Bruxelles et le parquet général, «une enquête à l’information a été ouverte par le parquet de Bruxelles à la fin mars 2024». Le parquet de Bruxelles s’est refusé à tout autre commentaire à ce stade concernant notamment les mobiles de l’ouverture de cette information judiciaire.
Pour Le Soir d’Algérie, il s’agit d’un scandale de plus qui «ne manquera pas d’éclabousser le makhzen qui s’efforce de requinquer son image de marque ternie par la série de scandales de corruption et d’espionnage qui l’ont frappé ces derniers temps dans le vieux continent». Un lobbying, ajoute le journal, «teinté de corruption de la diplomatie et des services du makhzen pour faire admettre son plan d’autonomie au Sahara occidental et mobiliser, pour ce faire, des élus belges de ce niveau de responsabilité et les actionner au service du royaume marocain».
Pour rappel, en juillet 2021, une enquête mondiale, menée par des médias internationaux, a révélé l’utilisation, entre autres, par le Maroc du logiciel d’espionnage Pegasus mis au point par l’entreprise sioniste NSO Group. Des journalistes marocains et étrangers ainsi que des hommes politiques étrangers figurent parmi les victimes de ce logiciel.
Ce scandale international a été révélé par 16 rédactions coordonnées par l’organisation Forbidden Stories, avec l’appui technique d’Amnesty International, qui se basent sur une liste de plus de 50 000 numéros de téléphone, présélectionnés par certains clients de NSO Group pour une éventuelle mise sous surveillance.
Pegasus, qui permet de prendre le contrôle d’un téléphone, donne accès à l’intégralité du contenu de l’appareil ainsi qu’à son microphone et à sa caméra. En Espagne, le juge, qui avait classé l’enquête sur l’utilisation du logiciel d’espionnage Pegasus contre des membres du gouvernement de son pays, un scandale dans lequel le régime du makhzen marocain est fortement impliqué, a décidé de relancer ses investigations, après avoir reçu des documents des autorités judiciaires françaises.
Le juge en a ainsi décidé après «avoir reçu une décision d’enquête européenne», mécanisme de coopération entre Etats membres de l’UE dans les enquêtes pénales, «émise par les autorités judiciaires françaises», avait indiqué le tribunal de l’Audience nationale dans un communiqué publié le 23 avril dernier. En décembre 2022, le makhzen a été éclaboussé par un autre scandale de corruption au Parlement européen.
Dans le cadre de cette affaire, les enquêteurs belges ont mis la main sur 1,5 million d’euros en liquide, saisis aux domiciles de Pier Antonio Panzeri, ancien eurodéputé socialiste devenu dirigeant d’ONG qui fait figure de principal protagoniste dans des dossiers liés au Maroc, et de l’eurodéputée socialiste grecque Eva Kaili, ainsi que dans une valise transportée par le père de celle-ci.
L’ambassadeur du Maroc à Varsovie, Abderrahim Atmoun, était en contact étroit avec Pier Antonio Panzeri qu’il aurait rémunéré pour mener des opérations d’ingérence au Parlement européen. Par ailleurs, dans des révélations fracassantes dévoilées précédemment par Le Soir, Knack et La Repubblica qui ont mis la main sur des comptes rendus des auditions datées des 2 et 13 février 2023, ainsi que d’autres documents issus du dossier d’instruction, Panzeri a évoqué ses liens avec l’ambassadeur Abderrahim Atmoun. Selon ses aveux, le Maroc a versé au moins 180 000 euros -en plus de cadeaux et de voyages- à plusieurs eurodéputés pour les amener à s’aligner sur ses thèses lors de l’adoption de différents textes au Parlement européen.