Arabie saoudite : Les jockeys aveugles sautent les obstacles

21/02/2023 mis à jour: 14:07
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Les jockeys saoudiens Badr Al-Charari (devant) et Abderrahmane Al-Otaïbi (derrière), tous deux aveugles, en train de s’entrainer dans le centre équestre de Medhal, à l’est de la capitale Ryad, le 8 février 2023

Du galop au saut d’obstacles, en selle sur un pur-sang arabe, Badr Al Charari a tout du jockey professionnel. Mais, aveugle de naissance, ce jockey saoudien a dû se frayer son propre chemin pour gagner la reconnaissance de ses pairs.

Agé de 35 ans, il s’est entraîné au moins trois fois par semaine pendant près de deux ans avant d’être accepté dans ce sport si prestigieux dans les pays du Golfe : il est récemment devenu le premier membre aveugle de la Fédération équestre saoudienne.  Et pour l’athlète, cette ascension en tant que jockey professionnel compte autant que le chemin qu’il a dû parcourir pour atteindre son autonomie personnelle.  «J’étais introverti. Je ne sortais pas beaucoup de chez moi», confie à l’AFP Badr Al-Charari, après une course d’obstacles avec son cheval «Star» sur une piste de sable entourée de palmiers, en périphérie de la capitale Ryad. «Ma relation avec les chevaux a brisé cet obstacle», poursuit le jockey derrière ses lunettes noires, avant de remonter sur son cheval à la robe marron, une petite tache blanche entre les yeux. «Si je peux apprivoiser un cheval, alors je peux tout faire», se réjouit ce passionné, atteint de cécité depuis la naissance, comme sa mère et son frère cadet.  Badr Al Charari parcourt 140 km par jour depuis son domicile dans l’ouest de Ryad jusqu’au centre équestre de Medhal, où il s’entraîne avec Abou Mahmoud, un résident égyptien qui l’a vu progresser au saut d’obstacles.  «Vous voyez comment il saute sans les toucher ?», lance Abou Mahmoud pendant un entraînement matinal. «C’est comme s’il voyait.»

«S’intégrer»

Comme au Qatar ou aux Emirats arabes unis voisins, l’équitation est une pratique à la fois populaire et prestigieuse en Arabie saoudite qui compte la plus importante population de pur-sangs arabes.  Mais les personnes handicapées, qui représentent environ 7% des 34 millions d’habitants du riche royaume du Golfe, ont longtemps été mises à l’écart.  Les écoles d’équitation ont récemment lancé des programmes conçus spécialement pour les cavaliers aveugles ou autistes afin de les aider à développer leurs capacités motrices et sensorielles.  Parmi eux, Abderrahmane Al-Otaïbi, qui dit être devenu plus «autonome» depuis qu’il a rejoint le centre Medhal il y a trois mois. «Aujourd’hui, je considère les chevaux comme des frères», dit à l’AFP cet homme de 31 ans, qui souffre d’une grave déficience visuelle. Lui aussi assure que les chevaux et l’équitation l’ont rendu «plus sociable» et lui ont permis de «s’intégrer» davantage dans la société.

«Je me suis fait plus d’amis et j’ai développé de nouvelles relations», raconte Abderrahmane Al Otaïbi. Ayant du mal à distinguer les obstacles sur la piste, il se souvient qu’à ses débuts, il craignait les chutes. «J’avais peur des sauts, mais avec le temps, j’ai vaincu cette peur», confie-t-il. Les personnes souffrant de déficiences visuelles «sont capables, persévérantes et déterminées à apprendre», affirme à l’AFP le directeur de Medhal, Machari Al-Dhiyabi. «Mais la société leur donne l’impression d’être des incapables.» 

Pour lui, l’équitation est le meilleur moyen «d’améliorer les capacités mentales et physiques de tous les cavaliers, quelle que soit leur situation.» Après son entraînement matinal d’une heure, Badr Al Charari redescend de son cheval, sans assistance, avant de serrer l’équidé dans ses bras et l’embrasser.

Fin février se tiendra la Saudi Cup, une compétition annuelle totalisant des récompenses à plus de 35 millions de dollars (environ 33 millions d’euros), la course hippique la plus chère au monde, selon les organisateurs.  Pour Badr Al-Charari, y participer est évidemment un «objectif», assure-t-il, en essuyant la sueur de son front. «Pourquoi pas ?»

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