Après son opposition à l’entrée de la Finlande et de la Suède à l’OTAN : Ankara renouvelle ses menaces d’opération dans le nord de la Syrie

02/06/2022 mis à jour: 18:53
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Photo : D. R.

Depuis 2016, la Turquie a mené trois offensives dans le nord de la Syrie contre les YPG. Elle a lancé sa dernière offensive en Syrie en octobre 2019, au moment où le président américain d’alors, Donald Trump, a affirmé que les soldats américains ont accompli leur mission en Syrie et se retireraient.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a renouvelé hier devant le Parlement la menace d’opération militaire contre deux localités du nord de la Syrie, visant les combattants kurdes qu’il qualifie de terroristes. «Nous passons à une nouvelle étape dans l’instauration d’une zone de sécurité de 30 km le long de notre frontière sud. Nous allons nettoyer Tell Rifaat et Manbij», à l’ouest de l’Euphrate, a-t-il indiqué, selon des propos recueillis par l’AFP.

Il a promis de procéder «étape par étape dans d’autres régions». Le chef de l’Etat turc menace depuis une semaine de lancer une opération contre les combattants kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), classé comme mouvement terroriste par Ankara et ses alliés occidentaux.

Il vise aussi les Unités de protection du peuple (YPG) au nord de la Syrie soutenues par les Etats-Unis et la coalition occidentale contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI). «Qui va soutenir ces opérations légitimes de sécurité conduites par Turquie et qui va tenter de s’y opposer, on verra bien» a-t-il ajouté. «ça fait un moment déjà que les FDS s’attendent à une possible bataille», a déclaré de son côté, le porte-parole des Forces démocratiques syrienne (FDS, coalition militaire anti-EI dominée par les YPG) Farhad Shami.

«Si elle se produit, nous suspendrons notre guerre contre l’Etat islamique pour nous opposer à l’invasion turque», a-t-il soutenu. Plus tard dans la journée, le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken a prévenu à Washington lors d’une conférence de presse qu’une nouvelle offensive de la Turquie en Syrie «saperait la stabilité régionale» et «donnerait l’occasion aux acteurs malveillants d’exploiter l’instabilité».

Ainsi, «nous nous opposons à toute escalade dans le nord de la Syrie et nous soutenons le maintien des lignes de cessez-le-feu actuelles», a-t-il indiqué aux côtés du secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg. Et de soutenir : «Nous ne voulons rien voir qui mette en péril les efforts que nous faisons pour maintenir l’EI dans la boîte où nous l’avons enfermé».

Dimanche, le président Erdogan a prévenu que la Turquie «n’attendra pas la permission» des Etats-Unis pour lancer une nouvelle offensive en Syrie. Il a également rappelé mardi à son homologue russe, Vladimir Poutine, qu’un accord signé en 2019 entre Ankara et Moscou prévoit la création d’une telle zone «nettoyée du terrorisme», le long de la frontière turco-syrienne. «Sa création est impérative», a-t-il affirmé.

Depuis 2016, la Turquie a mené trois offensives dans le nord de la Syrie contre les YPG. Elle a lancé sa dernière offensive en Syrie en octobre 2019, au moment où le président américain d’alors, Donald Trump, a affirmé que les soldats américains ont accompli leur mission en Syrie et se retireraient.

Il est revenu sur sa décision et quelque 900 soldats américains demeurent officiellement en Syrie, en tant que membres de la coalition contre l’EI. Le vice-président Mike Pence s’est déplacé en Turquie et a conclu un accord avec Erdogan pour une pause aux combats.

De leur côté, les combattants kurdes ont cherché protection auprès du président syrien Bachar El Assad et de la Russie. Moscou et Ankara ont ensuite négocié un cessez-le-feu qui a tenu jusqu’ici en grande partie.

Un «allié important»

L’annonce turque d’une opération au nord de la Syrie intervient alors qu’Ankara s’oppose à l’entrée de la Suède et de la Finlande dans l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), les accusant d’héberger des «terroristes» du PKK et des YPG. Elle dénonce aussi la présence sur leurs sols de partisans du prédicateur Fethullah Gülen, qu’elle accuse d’avoir orchestré la tentative de coup d’Etat de juillet 2016.

Hier, Jens Stoltenberg a annoncé qu’il réunirait «dans les prochains jours» des responsables de la Suède, de la Finlande et de la Turquie pour tenter de surmonter l’opposition d’Ankara à l’adhésion des deux pays nordiques en amont du sommet de l’Alliance atlantique.

«Nous sommes en contact étroit bien entendu avec la Turquie, un allié important au sein de l’Otan, et avec les deux pays qui ont déposé leur candidature pour entrer dans l’Otan, la Finlande et la Suède», a déclaré Jens Stoltenberg, lors d’une conférence de presse avec le chef de la diplomatie américaine à Washington. Il compte d’aboutir à un résultat «avant le sommet de l’Otan» prévu du 28 au 30 juin à Madrid.

«La Finlande et la Suède ont dit clairement qu’elles étaient prêtes à discuter pour répondre aux inquiétudes soulevées par la Turquie», «notamment au sujet des menaces posées à la Turquie par le PKK», a expliqué Jens Stoltenberg. Antony Blinken a apporté son «soutien» aux efforts diplomatiques de Jens Stoltenberg. Mais il a récusé tout lien entre les négociations pour fournir des avions de combat américains à la Turquie et la levée du blocage turc aux candidatures des deux pays scandinaves. «Il s’agit de deux questions distinctes», a-t-il observé. 

 

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