Le parti nationaliste hindou du Premier ministre indien Narendra Modi est en pourparlers avec ses alliés pour former un gouvernement de coalition, hier, après avoir échoué à remporter une majorité absolue aux législatives pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir il y a dix ans, rapporte l’AFP.
Au lendemain de ce revers inattendu pour le Bharatiya Janata Party (BJP) de N. Modi, les dirigeants des différents partis politiques tentent de consolider leurs positions et de renforcer leurs alliances. Sans le raz-de-marée en sa faveur annoncé bien avant le début des élections législatives, N. Modi risque de se voir confier un troisième mandat beaucoup plus difficile que prévu.
Le BJP n’a plus la majorité absolue au Parlement, mais il devrait être en mesure de former un gouvernement, à la tête d’une alliance de petits partis. «L’Inde abat Modi» titrait, hier, en une le quotidien The Telegraph ; le journal en ligne Mint raillait «La coalition Karma». Quelque 642 millions d’Indiens ont voté dans ce scrutin qui s’est déroulé en sept phases étalées sur une période de six semaines.
Le dirigeant de 73 ans a célébré la victoire dès mardi soir, estimant que le résultat de l’élection lui permettait de poursuivre son programme, tandis que ses partisans fêtaient l’événement dans tout le pays. «Ce troisième mandat sera celui des grandes décisions. Le pays va écrire un nouveau chapitre de son développement. Je vous le garantis», a déclaré N. Modi devant une foule de partisans en liesse dans la capitale New Delhi.
Le BJP a remporté 240 sièges au Parlement, à 32 sièges de la majorité absolue et nettement en deçà des 303 sièges gagnés en 2019. Contre toute attente, le Congrès, principal parti d’opposition, a acquis 99 sièges, doublant presque son score de 2019 (52 sièges). «Le pays a dit à Narendra Modi: Nous ne voulons pas de vous», s’est félicité le chef de file de l’opposition, réélu haut la main dans la circonscription méridionale de Wayanad.
La plupart des analystes et les sondages de sortie des urnes ont prédit le triomphe de Narendra Modi, accusé par ses détracteurs d’instrumentaliser la justice avec l’emprisonnement de dirigeants de l’opposition et de bafouer notamment les droits des minorités religieuses, dont plus de 200 millions d’Indiens musulmans. Le Premier ministre a été réélu dans sa circonscription de Varanasi avec une marge bien plus faible qu’il y a cinq ans.
«Partenariat majeur»
Désormais dépendant des alliés de sa coalition, le BJP devra chercher le consensus pour faire voter ses textes au Parlement. «La possibilité qu’ils jouent de leur influence, encouragés par des propositions du parti du Congrès et d’autres membres de l’opposition, sera une source d’inquiétude constante pour le BJP», souligne le quotidien Times of India. Narendra Modi a renforcé l’influence diplomatique de l’Inde en dix ans au pouvoir. D’autant que l’Occident est à la recherche d’un allié puissant pour constituer un contrepoids à la puissance militaire et économique de la Chine.
Cinquième puissance économique mondiale et client important d’armes, l’Inde fait partie, avec les Etats-Unis, le Japon et l’Australie, du Quad, une alliance militaire informelle créée en réponse aux ambitions croissantes de la Chine dans la région Asie-Pacifique.
Le président Joe Biden a qualifié la relation avec New Delhi de «partenariat majeur du XXIe siècle» lors d’une rencontre à Washington l’an dernier avec N. Modi. En février, les Etats-Unis ont approuvé la vente de drones de haute technologie pour 4 milliards de dollars à l’Inde qui modernise sa défense face à la puissance des forces armées chinoises.
L’Inde se rapproche aussi des pays européens, notamment de la France avec qui elle négocie de nouveaux contrats de défense de plusieurs milliards d’euros, dont des avions de chasse Rafale et des sous-marins Scorpène.
Le chef de l’Exécutif indien a été d'ailleurs l'invité d’honneur du défilé militaire du 14 Juillet à Paris l’an dernier. En parallèle, la Chine est le grand rival de l’Inde, mais reste son deuxième partenaire commercial. Pékin et New Delhi sont aussi tous deux membres, aux côtés de Moscou et d’autres, de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), un groupe régional. Mais les relations entre les deux pays se sont envenimées depuis un affrontement sur leur frontière commune dans l’Himalaya en juin 2020, où 20 soldats indiens et au moins quatre militaires chinois ont été tués.
Les revendications territoriales restent une source constante de tensions dans cette zone où des dizaines de milliers de soldats se font face. Le gouvernement indien a investi des milliards de dollars pour ses frontières et a augmenté ses dépenses militaires de 13% l’an dernier. Aussi, N. Modi a qualifié cette semaine New Delhi de «voix forte et importante du Sud». Hôte l’an dernier du sommet du G20, l’Inde a œuvré pour qu’il accueille dans ses rangs l’Union africaine (UA), un signal fort pour l’Afrique qui a contribué à consolider la position du pays comme un leader des pays du Sud. L’Inde est aussi l’un des membres fondateurs des Brics, organisation représentant les puissances émergentes, avec notamment le Brésil, la Russie, la Chine et l’Afrique du Sud.
Avec Moscou, New Delhi entretient de bonnes relations. La Russie reste de loin son plus grand fournisseur d’armes.
Le pays de Gandhi, qui a évité de condamner explicitement la Russie pour son intervention en Ukraine et s’est abstenue lors des votes de résolutions à l’ONU visant Moscou, est également devenu un des principaux débouchés pour le pétrole vendu à prix réduit par la Russie. Narendra Modi a félicité, en mars dernier, le président russe Vladimir Poutine pour sa réélection, qualifiant les relations entre les deux pays de «spéciales». De son côté, le dirigeant russe a «chaleureusement félicité», hier, le Premier ministre indien pour la victoire de son parti lors des élections législatives en Inde, a indiqué le Kremlin dans un communiqué à l’issue d’un entretien téléphonique entre les deux dirigeants.
Avec le Pakistan, le gouvernement de N. Modi a refusé tout contact, après avoir accusé Islamabad de se livrer à du «terrorisme transfrontalier».