Amazonie équatorienne : Des guerriers indigènes disent non au pétrole

06/08/2023 mis à jour: 23:17
AFP
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Les Waorani, tribu indigène comptant quelque 4.800 membres et qui possèdent environ 800.000 hectares dans les provinces amazoniennes d’Orellana, Pastaza et Napo

La jungle est ma maison, et je ne veux pas que des étrangers viennent sur mon territoire.» Armé d’une longue sarbacane et de dangereuses fléchettes imbibées de curare, Kominta se dit prêt à combattre les compagnies pétrolières qui exploitent et convoitent l’Amazonie équatorienne. 

A l’instar de ses ancêtres nomades, ce vieux chasseur Waorani vit dans un village de 200 âmes de la réserve naturelle de Yasuni, dans le Nord-Est amazonien de l’Equateur. Le 20 août, à l’occasion d’élections générales, un référendum à l’échelle nationale doit décider de la poursuite de l’exploitation pétrolière dans une partie de ce parc, dont le million d’hectares de forêt humide constitue une réserve mondiale de biodiversité.
 

Vivre libre !  

Les habitants du village de Bameno, sur les rives du fleuve Cononaco (dans la province de Pastaza, frontalière du Pérou), ont, semble-t-il, déjà choisi leur camp : «Je ne veux pas d’une compagnie pétrolière sur mon territoire. C’est ainsi que je veux vivre, librement, dans un endroit sain», clame dans sa langue natale (wao terere) le vieux Kominta.Réclamée par un groupe environnemental depuis dix ans, cette consultation nationale, finalement autorisée en mai dernier par la plus haute juridiction du pays, doit décider de l’avenir du bloc Ishpingo, Tambococha et Tiputini (ITT), connu comme «bloc 43», dans le parc de Yasuni, d’où sont extraits 12% des 466 000 barils/jour produits en Equateur. Le gouvernement, qui s’oppose à cette consultation, estime les pertes à 16,47 milliards de dollars sur 20 ans si le bloc est révoqué.

 Les Waorani, tribu indigène comptant quelque 4800 membres et qui possèdent environ 800 000 hectares dans les provinces amazoniennes d’Orellana, Pastaza et Napo, sont divisés sur la question. Certains soutiennent les compagnies pétrolières, d’autres les rejettent, comme à Bameno, pour l’instant épargné par l’exploitation des hydrocarbures. La Constitution équatorienne reconnaît aux peuples indigènes «la propriété collective de la terre, en tant que forme ancestrale d’organisation territoriale», mais maintient le pouvoir de l’Etat sur le sous-sol. L’industrie pétrolière «détruit l’environnement où je vis», tranche le vieux chasseur, dont les propos sont traduits par Elisa Enqueri, une jeune femme Wao de passage à Bameno en visite familiale, et qu’accompagne un groupe de journalistes dont l’AFP.
 

«Toujours plus brusque»  
 

Il faut près de 12 heures de pirogue sur plusieurs rivières pour rejoindre le village. «Ma grand-mère dit qu’elle va prendre sa lance. Elle a l’énergie et se sent encore jeune (...) pour interdire aux étrangers de venir», explique Elisa, une activiste en faveur de la défense du parc de Yasuni, où vivent deux tribus apparentées aux Wao et qui restent volontairement isolées. Les Taromenane et les Tagaeri évitent tout contact avec les étrangers, sont rivaux et s’affrontent régulièrement de façon sanglante. Ils ont déjà attaqué des travailleurs pétroliers et des bûcherons avec des lances. 
 

L’activité pétrolière «affecte leur mode de vie et met leur vie en danger. Il y a un risque sérieux d’ethnocide, d’extermination totale de ces communautés», a déclaré à l’AFP à Bameno Pedro Bermeo, avocat et porte-parole de «Yasunidos», un groupe environnemental à l’origine de la requête pour la tenue du référendum sur l’ITT. Dans la réserve en théorie protégée de Yasuni, 2000 espèces d’arbres, 610 espèces d’oiseaux, 204 de mammifères, 150 d’amphibiens, 121 de reptiles et 100 000 espèces d’arthropodes ont été identifiées, selon l’université privée San Francisco de Quito.Moi Guiquita, un autre jeune Wao, soutient que «chaque fois», l’entrée des compagnies pétrolières à Yasuni, où d’autres gisements que l’ITT sont actuellement exploités, a été «plus brusque». 

«Il y a 60 ans, ils étaient beaucoup plus loin, mais ils se rapprochent de plus en plus de Bameno. Face à l’avancée de l’activité pétrolière et de l’extractivisme, nous n’avons plus nulle part où aller», s’alarme le jeune homme.

 

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