Alors que les négociations sur la 2e étape de l’accord pourraient commencer mardi prochain : 3 otages israéliens remis en échange de la libération de 182 palestiniens

02/02/2025 mis à jour: 01:26
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Photo : D. R.

En contrepartie de trois otages israéliens relâchés par le Hamas, 182 prisonniers palestiniens ont été libérés hier, par Israël, et pour la majorité,  c’était la première fois qu’ils voient le ciel depuis plus de 20 ans. Parmi eux, 150 ont été expulsés vers Ghaza et 32 transférés à Ramallah, en Cisjordanie occupée. Le poste-frontière de Rafah, reliant Ghaza à l’Egypte, a été ouvert, pour la première fois depuis la guerre, pour permettre aux malades et blessés palestiniens de se faire soigner à l’étranger.

Alors que des informations font état de la programmation du mardi 4 février, pour reprendre les négociations pour poursuivre la première étape de l’accord de cessez-le-feu, et entamer la seconde,  le port de Ghaza et le centre de Khan Younès (au sud de Ghaza) ont vécu hier une journée de folie.

Dès le matin, des colonnes interminables de 4X4 flambant neufs, à bord desquels, des combattants armés, vêtus de treillis militaires, le visage cagoulé et le front entouré d’une bande verte, avec une inscription en arabe «brigade d’Al Qassam» sont arrivés de nulle part, aussi bien à Khan Younès qu’au port de Ghaza, où les images de dévastation laissent sans voix. Des milliers de Palestiniens étaient là, pour les accueillir et surtout assister aux opérations de remise des otages aux membres du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Comme lors des deux précédentes opérations de libération, hier aussi le choix des sites pour la cérémonie,  n’a pas été fortuit. Alors qu’Israël affirmait qu’il avait anéanti le Hamas, voilà que ce dernier montre au monde entier qu’il est là, au nord, au centre et au sud de Ghaza, en nombre, en armes et plus organisé qu’avant. Au port de Ghaza, des dizaines de combattants des brigades d’Al Qasam préparaient la scène de remise de l’otage israélo-américain Keith Shmonsel Segal, âgé de 65 ans, atteint de plusieurs maladies.

Fortuite ou pas, l’apparition sur les images, transmises en direct par la chaîne qatarie Al Jazeera, du commandant du bataillon de plage, Abu Omar Al Hawajri, annoncé par l’armée israélienne, comme étant tué dans une des opérations, a fait l’effet d’une bombe sur les chaînes de télévision israéliennes. Personne ne savait par où la «brigade de l’ombre» appartenant aux unités d’Al Qasam, qui détient Segal, allait arriver.

Subitement, une colonne de 4X4 arrive, et Segal, qui apparaît très fatigué sort d’un des véhicules, tenant un papier entre les mains. Encadré par des hommes en uniforme, il marche doucement jusqu’à atteindre  l’immense scène installée au milieu du port, décorée par des portraits géants de plusieurs dirigeants de la résistance, à leur tête «Al Dheif», dont la mort au combat a été annoncée vendredi dernier.

Une foule impressionnante suit de près la cérémonie. Les membres du CICR arrivent avec leurs véhicules tout-terrain, et l’un d’eux se met sur l’estrade pour signer les documents de remise de l’otage, après une série de prise de photo. Segal s’en va avec ses accompagnateurs du CICR. Les mêmes scènes sont perceptibles à Khan Younès, au sud de Ghaza,  où une foule immense attendait, depuis des heures, l’arrivée de deux autres otages israéliens, Yarden Bibas et Ofer Calderon, détenus par les «brigades de l’ombre».

Escorté par de nombreux véhicules tout-terrain, transportant des combattants bien armés de cette phalange, un 4X4 noir arrive au lieu de la remise, au centre de la ville avant que les deux otages en sortent. Le véhicule en question va alimenter les débats sur les plateaux des chaînes de télévision juives, qui ont révélé qu’il appartenait à l’armée israélienne avant qu’il ne soit pris par la résistance.

Les formalités de remise des deux otages au CICR ont eu lieu devant une foule gigantesque et un dispositif militaire de la résistance impressionnant. Les deux cérémonies sont suivies en direct sur des écrans géants mis en place à la place des otages au centre de Tel-Aviv, où des milliers de personnes attendaient depuis des heures.

Les images des otages remis au CICR sont suivies de cris de joie, de sanglots et d’embrassades. En Cisjordanie occupée, les deux premiers bus de prisonniers palestiniens sont déjà pleins. Des tracts sont lancés par des hélicoptères militaires appelant les Palestiniens venus accueillir leurs proches de s’éloigner de la prison Ofer, l’une des plus sinistres, où les détenus libérables ont été regroupés.

Les prisonniers palestiniens racontent les affres de la torture et de la maltraitance

Dès l’arrivée des otages en Israël, les deux bus prennent la route, escortés par des véhicules de la police et de l’armée, vers Beitunia, près de Ramallah, en Cisjordanie occupée. Ils sont reçus par des scènes de liesse de dizaines de milliers de personnes qui les attendaient.

Ils sont 32 à avoir été transférés dans cette région, alors que 150 autres ont été transférés, dans trois bus, vers Ghaza,  via le terminal de Kerem Shalom. Vêtus d’uniformes gris de prison, ils sont accueillis par des milliers de Palestiniens rassemblés autour des bus à l’approche de l’hôpital européen de la ville. En tout, 183 prisonniers sont libérés, dont 111 arrêtés à Ghaza, après le 7 octobre 2023,  en contrepartie de la remise de 3 otages israéliens.

Si ces derniers sont en bonne santé, selon  les rapports du CICR et des hôpitaux vers lesquels ils ont été évacués dès leur arrivée à Tel-Aviv, la majorité des prisonniers palestiniens n’arrivaient même pas à tenir sur leurs jambes, et souffraient de nombreuses maladies, mais aussi de graves lésions provoquées par le mauvais traitement et la torture subis durant leur détention. Le Hamas a condamné, hier, la «laideur de la torture» à laquelle ils sont soumis dans les prisons de l’occupation.

Dans son communiqué il affirme que «la libération de nos prisonniers des prisons de l’occupation vers les hôpitaux à la suite de tortures confirme la laideur de ce à quoi ils sont soumis dans les prisons israéliennes»  et averti que «les violations horribles et continues contre nos prisonniers sont des crimes de guerre qui nécessitent une intervention internationale pour les arrêter et demander des comptes à leurs auteurs».

Même si officiellement, le CICR n’a pas évoqué, dans son communiqué d’hier, l’état des prisonniers palestiniens, le journal israélien de gauche The Haaretz, cite une source sécuritaire sans la nommer : «Le CICR  a exprimé sa colère face à la manière dont les services pénitentiaires israéliens ont traité les prisonniers de sécurité lors de leur libération de la prison de Ketziot, située au désert de Neguev, hier.»  Tous les témoignages des prisonniers palestiniens libérés se rejoignent pour raconter l’horreur vécue dans les centres de détention, qualifiés de «mouroir».

Bon nombre de prisonniers sont devenus méconnaissables, et portent sur leur visage le poids de la douleur et de la maltraitance. Vêtus d’uniformes gris de prison, ces détenus, dont 118 condamnés à des peines lourdes (54 ), la perpétuité (11) ou non encore jugés ( 111),  arrêtés après le 7 octobre 2023, sont rentrés chez eux, comme des loques humaines. Parmi eux  150 (les peines lourdes et la condamnation à vie) ont été  renvoyés, à Ghaza. Ils ont eu un accueil indescriptible de la population. Dès l’arrivée des trois bus qui les transportaient, une marée humaine les a réceptionnés, sur le chemin de l’hôpital européen de la ville. 
 

 

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