Où va le monde ? Présenté par la Fédération de Russie à la 77e session de la Commission des Affaires sociales, humanitaires et culturelles de l’Assemblée générale de l’ONU, communément appelé «troisième commission», un projet de résolution condamnant «la glorification du nazisme, du néonazisme et d’autres pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée» a été voté, ce vendredi, par 105 Etats, parmi lesquels l’Algérie, 52 voix contre et 15 abstentions. C’est la première fois dans l’histoire qu’une condamnation du nazisme qui a toujours fait le consensus de la communauté internationale divise le monde. Même au plus fort de la guerre froide, on n’a pas vu des fractures aussi profondes, des hésitations, des réticences, pour condamner l’innommable, parce que l’initiative vient de la Russie accusée, par les Occidentaux et leurs alliés dans la guerre russo-ukrainienne, d’instrumentaliser l’histoire et la mémoire des victimes du nazisme à des fins politiques. Le fait est inédit : parmi les pays ayant voté contre ou qui se sont abstenus, beaucoup ont souffert cruellement dans leur chair des affres du nazisme, une tragédie mémorielle qu’ils portent au plus profond de leur âme et qui est célébrée chaque année dans le souvenir et le recueillement. Comment peut-on imaginer que des pays effacés de la carte par les troupes hitlériennes en viennent à revisiter cette page noire de l’histoire de l’humanité avec des arguties politiques qui tendent presque à justifier et à absoudre les crimes nazis ? Le Japon, la France, l’Allemagne, l’ensemble des pays de l’Union européenne, les Etats-Unis, le Canada… ont voté contre le projet de résolution que la Russie soumet périodiquement, depuis 2005, devant l’Assemblée générale des Nations unies. Une résolution qui est toujours passée comme une lettre à la poste, votée à une écrasante majorité. L’année dernière, le 16 décembre 2021, le texte avait recueilli 130 voix pour, 2 contre (Etats-Unis et Ukraine) et 49 abstentions. La France, qui a voté cette année contre la résolution, s’est toujours abstenue lors des votes des années précédentes. Bien évidemment, ce vote très controversé, voire inattendu, au regard du contenu de la résolution, qui recueille, traditionnellement et naturellement, un très large consensus, pour ne pas dire l’unanimité des voix lors des délibérations de l’Assemblée générale des Nations unies sur ce dossier, a provoqué une réaction d’indignation et de réprobation du côté de la Russie, auteur de la résolution, et des pays qui co-parrainent le texte, à l’instar de la Chine, et plus généralement des Etats ayant appuyé l’initiative de Moscou. Réagissant aux résultats du vote, le représentant permanent adjoint de la Russie auprès de l’ONU, Guennadi Kouzmine, a qualifié l’attitude des pays hostiles à la résolution présentée par son pays de «tout simplement choquant», considérant que «pour la première fois dans l’histoire de l’ONU, les Etats anciennement membres de l’Axe ont voté contre un document condamnant le nazisme». A cet égard, le diplomate russe s’en est pris particulièrement à l’Allemagne, le Japon et l’Italie fustigeant leur «impiété flagrante à l’égard de la mémoire des victimes du nazisme allemand, du fascisme italien et du militarisme japonais». Pour sa part, l’Union européenne, qui a voté massivement contre la résolution, a tenté de justifier son vote en rappelant qu’elle milite «depuis des années pour que la lutte contre l«extrémisme et la condamnation de leidéologie méprisable du nazisme ne soient pas détournées et cooptées à des fins politiques qui cherchent à excuser de nouvelles violations et de nouveaux abus des droits de l’homme». Autrement dit, les 27 pays de l’UE ne voient rien d’autre dans cette résolution qu’une instrumentalisation, par la Russie de Poutine, de la dénonciation du nazisme pour légitimer la guerre ukrainienne engagée par Moscou au nom de la «dénazification» de l’Ukraine. L’avis est également partagé par le Canada ainsi que par les Etats-Unis (seul pays à avoir voté contre ces résolutions depuis dix ans) qui voient derrière cette résolution une tentative de la Russie de «légitimer un discours basé sur la désinformation». L’Ukraine dénonce le «comble de l’hypocrisie, un prétexte utilisé par la Russie pour justifier sa guerre brutale contre son pays et les crimes abjects commis contre l humanité».
Cette guerre mémorielle, qui sCest invitée à leONU autour de la condamnation du nazisme, a montré que si «la guerre est la continuation de la politique par dOautres moyens» pour paraphraser le spécialiste de la guerre, Carl Von Clausewitz, inversement, la politique est également le prolongement de la guerre par daautres moyens.