Accord pour la reprise des exportations ukrainiennes de céréale : Vers la fin de la crise mondiale du blé ?

23/07/2022 mis à jour: 01:29
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Avec 25 millions de tonnes de céréales et d’oléagineux bloquées dans les ports et dans les silos répartis à travers l’Ukraine, les exportations de céréales sont fortement perturbées depuis l’éclatement du conflit russo-ukrainien engendrant une perturbation de l’approvisionnement du marché mondial. Alors que la guerre entre les deux parties entame son sixième mois, les itinéraires ferroviaires et fluviaux alternatifs n’ont finalement pas réussi à compenser les exportations perdues par le transport maritime et du fait des goulots d’étranglement qui, le long des nouvelles chaînes d’approvisionnement potentielles, n’ont pas encore été résolus.

Etant l’un des cinq premiers exportateurs mondiaux de céréales, l’Ukraine, qui fournit, selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture ( FAO), plus de 45 millions de tonnes de céréales sur le marché mondial, s’attend à récolter jusqu’à 60 millions de tonnes de céréales. Mais, l’absence d’exportations ne permet pas d’ouvrir l’espace de stockage disponible pour la nouvelle récolte, puisque 30% de la capacité disponible des greniers restent encore remplis de la récolte de l’an dernier. Ainsi, les volumes des exportations bloqués s’annoncent en hausse d’ici l’automne prochain. Ils risquent même de tripler, selon les prévisions des spécialistes qui suivent le marché mondial des céréales. 

D’où les tentatives de débloquer la situation, notamment du côté de la Turquie, qui a annoncé début juin dernier un accord entre Kiev, Moscou à Ankara pour l’instauration d’un «corridor alimentaire». Le pas a été finalement franchi. La signature de ce texte majeur – âprement négocié sous les auspices des Nations unies et de la Turquie – a eu lieu hier dans le détroit du Bosphore, en présence du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, du président turc, Recep Tayyip Erdogan, ainsi que des ministres turc et russe de la Défense et du ministre ukrainien des Infrastructures. 

Et ce, lors d’une cérémonie inédite entre pays en guerre. Kiev et Moscou ont signé deux textes identiques mais séparés, à la demande de l’Ukraine, qui refusait de parapher tout document avec la Russie. Cet accord va soulager les pays dépendants des marchés russe et ukrainien. Le SG de l’ONU a remercié la Russie et l’Ukraine qui ont «surmonté leurs divergences pour faire place à une initiative au service de tous». Maintenant, l’accord «doit être pleinement mis en œuvre», a-t-il plaidé. M. Erdogan a reconnu qu’il n’avait «pas été facile» d’en arriver là, et espéré que la signature de cet accord, qui intervient près de cinq mois après le début du conflit, allait «renforcer l’espoir de mettre fin à cette guerre».

A quelques heures de la cérémonie, l’Ukraine a précisé qu’elle ne signerait «aucun document avec la Russie», mais uniquement avec la Turquie et l’ONU. Les Russes ont paraphé de leur côté un accord identique avec ces deux parties. M. Guterres a toutefois relevé le caractère «sans précédent» de cet accord conclu entre deux pays en guerre. L’Ukraine a suggéré que ses exportations commencent à partir de trois ports – Odessa, Pivdenny et Tchornomorsk – et espère pouvoir accroître leur nombre à l’avenir. La Russie a, de son côté, obtenu la garantie que les sanctions occidentales ne s’appliqueront pas, ni directement ni indirectement, à ses propres exportations de produits agricoles et d’engrais. «Même si les produits (agricoles) russes ne sont pas concernés par les sanctions, il y a des blocages concernant le transport maritime, les assurances et le système bancaire», expliquait jeudi le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, repris par les agences.

En attendant que les choses soient clarifiées sur ce dossier, notons que l’accord, salué par les Etats-Unis, prévoit la mise en place de couloirs sécurisés afin de permettre la circulation des navires marchands en mer Noire, dont Moscou et Kiev s’engagent à respecter la stricte neutralité. La mise en œuvre de l’accord sera pilotée par des délégués des parties impliquées : un Ukrainien, un Russe, un Turc et un représentant de l’ONU, assistés de leurs équipes respectives. Ils seront chargés d’établir le calendrier des rotations de navires en mer Noire. Selon les experts impliqués dans la négociation, trois à quatre semaines sont encore nécessaires pour finaliser les détails et le rendre opérationnel. L’accord en question a été initialement validé pour quatre mois, le temps de sortir ce qui s’est accumulé dans les silos d’Ukraine, puis sera automatiquement reconduit. Un centre de coordination conjoint (CCC) doit être établi dès ce week-end à Istanbul avec des représentants de toutes les parties et des Nations unies. 

Des inspections des navires au départ et en direction des ports ukrainiens auront lieu sous le contrôle du CCC, dans l’un des ports d’Istanbul, afin de répondre aux inquiétudes de Moscou, qui veut avoir la garantie que les cargos n’apporteront pas d’armes à l’Ukraine. 

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