Les lacunes et les dysfonctionnements des systèmes de retraites dans la région Moyen-Orient- Afrique du Nord (MENA) ont fait l’objet d’une analyse récente de la Banque mondiale. Une analyse dans laquelle le directeur régional Croissance équitable, finance et institutions pour la région Mena, Nadir Mohammed, aborde principalement les défis majeurs des régimes de retraite contributifs.
D’emblée, l’étude fait ressortir que la couverture reste limitée. D’où la propagation de l’informel. «Dans la région MENA, la conception déficiente des systèmes de retraite a contribué à des taux élevés d’informalité», indique l’analyse situant ce taux entre 60% et plus de 90% de la population en âge de travailler. Ce qui entrave, selon la même source, l’inclusion dans les régimes de retraite. Autre indicateur et non des moindres comme c’est le cas en Algérie : «Les pensions versées sont insuffisantes pour garantir aux personnes âgées un niveau de vie minimal et décent, les exposant ainsi au risque de basculer dans la pauvreté.»
Il y a, par ailleurs, les enjeux de la viabilité. «Les réformes paramétriques, telles que le relèvement de l’âge de départ à la retraite, l’augmentation des taux de cotisation ou la réduction des prestations, se heurtent à une forte résistance politique», souligne la BM. Aussi, les efforts visant à élargir la couverture et à améliorer les prestations sont limités par une assiette fiscale restreinte. Une situation que la BM lie à «de nombreuses exonérations, une administration fiscale inefficace et de faibles recettes». Ce qui alimente «le risque de surendettement et accentue les vulnérabilités budgétaires des Etats».
Parmi d’autres conséquences, la même source estime que la fragmentation des systèmes de retraite freine la mobilité sur le marché du travail. De même qu’elle encourage les départs anticipés à la retraite. «Ce qui réduit la durée des contributions économiques. Cela contribue à alimenter l’emploi informel dans la région», explique la BM. Et de souligner que les gouvernements de la région MENA ont la possibilité de mettre en œuvre des réformes pour améliorer la situation, en s’appuyant sur des options de politique publique visant à renforcer les systèmes de retraite et à lutter contre la pauvreté chez les retraités.
L’impôt général pour partager les risques
«L’introduction d’une pension de base ou sociale, garantissant un niveau de vie décent à toutes les personnes éligibles, repose sur le principe selon lequel les risques partagés par l’ensemble des citoyens doivent être financés par l’impôt général», préconise-t-on à ce sujet, citant le modèle mexicain. «Une telle mesure permettrait d’accroître la générosité du système et d’élargir la couverture aux populations actuellement exclues», note l’étude. Comme option, il est suggéré le remplacement des régimes contributifs par des pensions sociales. Comment ?
«En maintenant les droits acquis des cotisants actuels, en transférant les actifs restants à la propriété de l’Etat, et en instaurant un versement mensuel fixe pour les nouveaux retraités.» Concernant la garantie de la viabilité budgétaire, la proposition porte sur la mobilisation des impôts directs pour financer cette pension sociale. Ainsi, la BM recommande l’instauration ou l’augmentation modérée de l’impôt sur le revenu (ou d’autres impôts directs) et l’affectation des recettes supplémentaires à un fonds spécial dédié au financement des pensions sociales.
Il s’agit aussi de transférer à ce fonds à toutes les contributions de l’Etat destinées aux nouveaux entrants, à utiliser après 40 ans d’application du nouveau régime. De même pour le renforcement de la gestion et la performance des systèmes existants. «Une autre option consiste à introduire des régimes individuels de retraite (IRA) accompagnés d’incitations fiscales pour encourager une épargne supplémentaire, favorisant ainsi le lissage de la consommation à la retraite», préconise par ailleurs la BM en énumérant les avantages de l’adoption de telles politiques.
Ce qui se résume ainsi : «Une couverture universelle garantissant justice et équité, sans exclusion» permettra, selon la BM, «une augmentation de la générosité, de l’équité et de la confiance dans les prestations sociales, soutenant un contrat social renouvelé. De même qu’elle assurera l’allongement de la vie active et une mobilité accrue de la main-d’œuvre, notamment entre secteur privé et public». S.Imadalou