Guedioura Nacer : «Equipe nationale : un mal pour un bien»…

10/02/2022 mis à jour: 23:47
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Photo : D. R.

«Donner, recevoir, partager : ces vertus fondamentales du sportif, sont de toutes les modes, de toutes les époques. Elles sont le Sport.» Aimé Jacquet

Nacer est un artiste, mais aussi un formidable artisan, qui sans arrêt sur le métier de footbaleur, polissait son ouvrage, en marquant des buts, au grand bonheur des supporters, tout en galvanisant ses équipiers par sa fougue et sa hargne de gagner. Les caractéristiques essentielles de la carrière de cet attaquant racé, c’est qu’il a eu le privilège d’avoir marqué le premier but, au stade du 5 Juillet, qui venait à peine d’être inauguré, lors de la finale juniors, en 1972, remportée par l’USM Alger face au RC Kouba.

Nacer avait mené son équipe à son premier sacre, en coupe d’Algérie, après maints déboires et déconvenues, à Sidi Bel Abbès le 19 juin 1981 contre l’ASC Oran en offrant le premier but à la 95e minute, suivi du regretté Fodil Djebbar à la 107e minute, contre un penalty de Tasfaout Hamida 118 min. Enfin, Nacer a eu l’honneur de porter le maillot des équipes nationale juniors, universitaire, civile et militaire, avec la même explosivité.

De son enfance, il aura gardé le goût de la famille et celui du quartier où il a grandi. La preuve, lors de son récent séjour à Alger, il n’a pas manqué d’effectuer un «pèlerinage» dans les lieux de son enfance pour revoir ses amis. Nacer est aussi simple et sincère que démonstratif. Empathique, il a le contact facile et c’est aisément qu’il déroule le fil de sa vie qui a pris un tournant important, il y a presque quatre décennies. «En 1984, j’ai décidé d’aller jouer à l’étranger Je ne suis pas parti comme ça à l’aveuglette.

J’étais marié, avec un gosse. J’avais des propositions, mais il fallait faire le bon choix. J’ai demandé conseil à mon ami Mustapha Dahleb, et j’ai fini par signer à la Roche sur Von. La présentation s’est faite lors du match de ma nouvelle équipe contre Matra Racing Paris avec ses vedettes, Lachi, Benmabrouk, Francescoli. J’ai joué 2 saisons à la Roche, puis Beauvais m’a sollicité.

Le journaliste et ami Hamel Hedi m’a proposé d’aller jouer au Portugal, précisément à Penafiel, club de seconde division près de Porto, que j’ai rejoint et avec lequel on a joué l’accession. J’ai dû retourner en France en 1988 pour ne pas perturber la scolarité de mes enfants. C’est à cette date que j’ai entamé ma reconversion, en tant qu’entraîneur en passant mes diplômes, en entraînant des clubs amateurs ou semi amateurs et en intégrant les commissions techniques, chargées surtout de la détection et de la formation des jeunes catégories. Je suis formateur de cadres de football depuis 1992.»

LES CLUBS NE PRODUISENT RIEN

Quand il évoque son domaine, le sport en général,qui l’a tant bercé depuis sa tendre enfance, Nacer avance toujours en terrain sûr. Sa passion, son altruisme et sa volonté de servir l’ont amené à répondre favorablement au vœu de ses amis de le voir chapeauter l’Association des sportifs algériens de France et d’Europe, relancée après une  regrettable mise en veilleuse.

«Je travaillais au consulat général d’Algérie, et il a été décidé de créer une dynamique, dans le mouvement associatif et de se pencher sur le rôle plus visible de notre communauté. On a mobilisé d’anciens internationaux pour les matches de commémorations de dates historiques comme Korichi, Djadaoui, Matmour, Boutabout, Belbey, Zarabi... Brami Fadel,Ghrib, Kraouche, Kerkar, Hamdoud, Saib, Tlemçani. Le but de l’association est de promouvoir le sport dans toute sa diversité, en accordant un soin au sport pour handicapés et en encourageant la pratique féminine. Il y a un potentiel non négligeable. C’est pourquoi, la nécessité s’impose de créer une cellule de détection des jeunes talents en relation avec le sport national». La pâte existe, les formateurs aussi.

Bien que vivant de loin, les péripéties du foot national, Nacer se dit déçu. «Au niveau des structures, le déficit est énorme. Les stades sont complètement délabrés et ne répondent certainement pas aux normes. J’étais triste de voir l’état du stade Hamadi de Bologhine, avec ses vestiaires, son terrain, ses tribunes, qui sont loin de répondre au minimum requis pour un club qui se dit professionnel, ayant des sponsors et une grande entreprise derrière. Dans le foot comme ailleurs, il faut les hommes qu’il faut, à la place qu’il faut des compétences avérées et non se suffire, de joueurs qui ont joué et se sont reconvertis  avec des formations sommaires, voire qui ne répondent nullement aux exigences d’une formation sérieuse. Aujourd’hui, l’équipe nationale est l’arbre qui cache la forêt.

C’est bien d’arriver à avoir une EN comme on l’a aujourd’hui avec un entraîneur compétent, un staff et des joueurs de très haut niveau qui jouent dans les meilleurs clubs du monde. Il ne faut pas cracher dans la soupe ! Comment voulez-vous que les clubs locaux produisent des joueurs pour l’équipe nationale, s’il n’y a pas une formation de base et une réelle volonté de changer les mentalités de bazar. On ne peut avancer avec un championnat, de faible niveau, marqué de surcroît par des contestations à répétition et des gestions hasardeuses des équipes dirigeantes».

LA FORMATION, CLEF DE VOÛTE

Aussi, je persiste à dire que les fondamentaux sont les premières armes, pour arriver à avoir des équipes compétitives, capables de rivaliser avec les meilleurs. On peut considérer, à juste titre, que les clubs ont failli, puisque à ce rythme, ils ne seront jamais les pourvoyeurs de l’équipe nationale.

Et puis, quand on dit club pro, la première chose essentielle qui s’impose est d’avoir un centre de formation. Personne n’en a. Regardez les jeunes, il n’y a presque pas de compétition, sans compter que ces catégories sont lésées, et n’ont que peu de considération et peu de chance de trouver un terrain pour l’entraînement, souvent barrés par les seniors. De plus, ces catégories doivent être soumises à un entraînement spécifique dirigé par un entraîneur formé pour.

Pourquoi je dis ça, parce qu’on s’est rendu compte qu’un gamin de 12 ans a une mémoire vide. Tout ce qu’on lui transmet, il l’emmagasine, comme un ordinateur. On a compris qu’un jeune a des difficultés de transmission, d’espace, de course, le terrain étant très grand. On a donc réduit le terrain pour un foot à 7. Puis à 14 ans à un foot à 9 puis à 11. Ainsi, le jeune apprend la lecture du jeu, l’utilisation des espaces et la polyvalences dans des postes spécifiques.

Arrivé à maturité, le jeune est un intellectuel du foot. Tout le monde sait que la France prodigue la meilleure formation. C’est pourquoi ses footballeurs sont champions dans toutes les catégories. J’ai visité de nombreux centres, leurs installations et je me suis enquis des programmes dispensés, je peux dire qu’ils sont au top.

C’est pourquoi, ils ont réussi à toujours flirter avec la réussite. Nacer ne tarit pas d’éloges sur le rôle que pourrait jouer le sport scolaire qui est indispensable pour l’équilibre d’un gamin, qui est sous tension durant toute la semaine, il lui faut une activité sportive. Le sport est un facteur destressant qui rapproche les gens qui suscite les amitiés, les solidarités et le savoir-vivre ensemble dans une société harmonieuse. L’ancien goléador des Rouge et Noir se rappelle des belles années du sport scolaire du temps de la FASSU.

«J’ai gagné deux coupes d’Algérie, une avec le lycée Thaalibya à Hussein Dey avec une pléiade de joueurs du NAHD, dont Ighil, Guenoun, notamment et une autre avec le lycée Hamia à Kouba, avec mes amis Boumaraf Hocine, Bouzama Rachid, Safsafi, Badek, Benachour. Les stades étaient pleins il y avait les lycéens mais aussi les supporters, car les équipes renfermaient des joueurs de clubs connus. Aujourd’hui,  le sport scolaire a hélas disparu. Force est de constater que les structures sportives ne sont que rarement sous l’autorité de cadres aux qualités reconnues.

Pourtant,  il y a sûrement des compétences mais elles sont étouffées ou marginalisées. A mon sens, il faut tout revoir et repartir avec une copie vierge en se basant sur les gens qui connaissent leur métier. Les clubs doivent absolument se structurer à travers des centres de formation, des cellules de détection de jeunes talents qui seront pris en charge en marge de leurs études, dans les domaines de l’hébergement, de la restauration et du suivi médical, jusqu’à leur éclosion pleine et entière, en veillant à ce qu’ils ne soient pas, «volés» en chemin par des marchands d’illusions.

MEDIAS : POURQUOI EXACERBER LES TENSIONS

Nacer est vacciné contre la versatilité mais s’insurge contre la cruauté de certains médias, qui ne se rendent pas compte du mal profond qu’ils instillent dans le cœur de certains. Chez lui, l’aigreur des défaites, y compris sportives, ne coule jamais dans ses veines. Ce qui est sûr, et il le laisse entrevoir à travers ses dires, c’est qu’aucun sentiment d’hostilité ne l’anime à l’endroit de qui que ce soit. Il faut dire que Nacer appartient à une époque de loyauté, de fidélité et de durée.

C’est pourquoi, son discours plein de bon sens, mais avec un tel accent de sincérité, dévoile une bonne partie de sa personnalité où en plus de ses charges habituelles, il est toujours là pour tendre une main où apporter discrètement son soutien et son aide. «C’est un devoir pour moi. On ne peut renier les gens qu’on a connus et qui sont dans la difficulté, parfois dans des conditions très pénibles, on essaye de les soutenir financièrement, moralement, selon nos moyens, c’est la moindre des choses». Sobrement et sereinement, Nacer, dissèque l’élimination précoce de notre équipe nationale en coupe d’Afrique. «Ce n’est qu’un accident de parcours.

La qualité existe, les joueurs aussi. Cet échec survient après 3 années sans la moindre défaite. Il faut se préparer psychologiquement et se dire qu’un jour, on tombera sur des équipes de moindre niveau, mais qui nous ramèneront à la réalité. En principe, cette amère élimination va nous amener à être meilleurs. Les joueurs et le staff sont plus conscients que nous pour une réhabilitation à venir. Moi, je pense que c’est un mal pour un bien. Cela dit, on doit souligner que l’organisation de cette coupe au Cameroun est un fiasco, un énorme gâchis qui est loin d’être à la mesure des équipes participantes... On voit de loin comment cela se passe et ce n’est pas fameux. Vraiment.» 

Parcours

Guedouira Nacer est né à Alger le 4 novembre 1954. Attiré par le ballon au quartier avec les gamins de son âge, il a fini par rejoindre l’USM Alger en pupilles en 1965 pour y rester presque 20 ans. Il a été le détonateur et le déclencheur, en remportant la première coupe d’Algérie en 1981, une compétition qui tournait le dos au club depuis des années, taxé de finaliste malheureux.

Après une vaine tentative de s’expatrier en 1976, Nacer ira en 1984 évoluer en France et au Portugal, notamment. Il décrochera ses diplômes  d’entraîneur et compte parmi les formateurs de la direction technique dans la région parisienne. Marié à une handballeuse internationale, Nacer est fier de ses 4 garçons, universitaires y compris Adlene, international lui aussi, et qui évolue actuellement à Sheffield, en deuxième division anglaise.

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