Face à une lame de fond qui lézarde l’establishment militaire et politique : Netanyahu promet de poursuivre la guerre

21/04/2025 mis à jour: 00:54
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PHOTO : D.R.

Alors qu’une procédure de révocation a été engagée par l’armée contre des médecins militaires ayant signé une pétition appelant au retour des otages et à la fin de la guerre, plus de 300 pilotes de ligne, soit le tiers de ceux qui exercent dans de grandes compagnies aériennes israéliennes privées, comme Arkia, Isra Air, Challenge Airlines, Air Haifa et d’autres, ont rejoint l’appel en paraphant la pétition exigeant le retour des otages «même si c’est au prix de la fin de la guerre à Ghaza», parce que, ont-il averti, «chaque jour qui passe met leur vie en danger». 

Cette lettre intervient une semaine après l’annonce du chef de l’état-major de l’armée, le lieutenant-général Eyal Zamir, et du commandant de l’armée de l’air, le général de division Tomer Bar, de leur intention de licencier des centaines de réservistes de l’armée de l’air signataires d’une pétition similaire. 
 

Depuis que des réservistes de l’armée ont pris la même initiative, il y a une semaine, pour les mêmes revendications, de profondes divergences sont apparues au sein de l’establishment militaire sur la poursuite de la guerre à Ghaza mais aussi parmi la société civile, notamment les universités, les artistes et hommes de culture. 

Selon des médias hébreux, jusqu’à hier, plus de 140 000 Israéliens ont apposé leurs signatures sur une quarantaine de pétitions pour la restitution des otages «même si c’est au prix de la fin de la guerre». Parmi ces derniers, trois anciens commandants du Mossad, deux anciens commandants de la marine, des milliers d’officiers de réserve, de soldats, des parachutistes, de l’infanterie, de l’aviation et de la cyberintelligence Unité 8200, ainsi que 39 anciens ambassadeurs et professeurs d’université. 

Pour être plus précis, les médias ont fait état d’un récapitulatif non exhaustif de la collecte des signatures en affirmant que les pétitions ont été paraphées par 10 000 soldats de réserve et des vétérans, 310 vétérans du Mossad, 200 médecins militaires, 200 unités cyber-offensives, 200 diplômés du programme Talpiot des forces aériennes, 62 909 civils, 3500 enseignants, 3500 établissements universitaires, 364 avocats, 258 femmes médecins, 1300 membres de la haute technologie, 350 écrivains et poètes, 131 artistes et intellectuels, 472 ingénieurs et urbanistes, 1200 familles de soldats décédés, 14 687 mères et 2000 tuteurs. Parmi les signatures les plus connues et les plus influentes, celles de Ehud Barak, ancien Premier ministre, Dan Halutz, ancien commandant de l’armée, du Mossad et du Shin Bet, qui ont tous plaidé, à travers les médias lourds, la récupération des otages par un accord et la fin de la guerre. 

Pour l’ancien chef de l’état-major de l’armée, Dan Halutz, «Netanyahu est un ennemi et doit être arrêté». 
Cette cascade de pétitions, notamment celle des médecins militaires, a fait tâche d’huile et suscité des attaques acerbes du Premier ministre, Benyamin Netanyahu. La première fois, c’était pour répondre à la pétition de centaines de médecins militaires. «Les mêmes lettres reviennent sans cesse, parfois au nom des pilotes, parfois au nom d’anciens combattants de la marine, parfois au nom d’autres», a-t-il déclaré, puis d’ajouter : «Cette lettre n’est pas écrite au nom de nos braves soldats mais par un petit groupe de racailles financé par des organisations étrangères dont le but est de faire tomber le gouvernement de droite.» 

Ces propos n’ont cependant pas stoppé cette lame de fond très critique qui soutient les mouvements de protestation populaires contre son gouvernement et l’accuse de «privilégier la préservation» de sa coalition d’extrême droite messianique «au détriment de la vie des otages». 

«Arrêtez les combats et ramenez tous les otages… !»

Mais au fur et à mesure que le gouvernement exerce des pressions sur les pétitionnaires pour les obliger à retirer leurs signatures par les menaces de révocation, le nombre de personnalités militaires et civiles qui apposent leurs signatures sur de nouvelles pétitions se multiplie. C’est ainsi et contre toute attente que des centaines de soldats démobilisés de la brigade Golani, une des brigades d’élite, ont exigé eux aussi la récupération des otages et la fin de la guerre à Ghaza, avant d’exprimer leur soutien aux 200 pilotes de l’armée de l’air qui ont appelé à un accord pour la libération des otages et à la fin de l’offensive militaire à Ghaza. 

Parmi les signataires de la pétition, d’anciens chefs de cette brigade, Uri Sagi, Ilan Biran, Emmanuel Hart et Giora Inbar, des personnalités connues et respectées par leurs pairs et écoutées par le commandement de l’armée. La présence de leurs noms sur de telles pétitions laisse apparaître une lourde divergence autour de la stratégie militaire du gouvernement. 

En ripostant rapidement contre les pilotes et les réservistes par des mesures disciplinaires, Netanyahu n’a fait qu’élargir les appels au retour des otages et à l’arrêt de la guerre. Ainsi, 254 vétérans et réservistes de l’unité de commando d’élite Shayet et 13 de la marine israélienne ont publié une déclaration appelant à la libération des otages restants «même si cela nécessite de mettre fin à la guerre à Ghaza», comme l’exige le mouvement de résistance Hamas. «Arrêtez les combats et ramenez tous les otages chez eux, chaque jour qui passe met leur vie en danger», ont-ils déclaré dans leur lettre publiée par les médias hébreux. Ces derniers ont précisé que 69 des 254 signataires servent actuellement en service actif de réserve au sein de l’unité. 

D’autres pétitions ont été signées par des centaines de membres de l’Unité 8200 de renseignement et de cybernétique offensive, les diplômés du programme d’officiers d’élite d’intelligence «Telviot», l’unité des opérations spéciales et des corps blindés, majoritairement impliqués dans la guerre à Ghaza. Ces initiatives se sont vite étendues à la communauté civile. Il y a quelques jours, 3000 membres du système de santé israélien ainsi que plusieurs lauréats du prix Nobel ont publié une lettre exigeant «un accord» avec le Hamas, «pour mettre fin à la guerre et restituer les otages». 

Parmi les signataires figurent de nombreux professeurs de renommés, tels que Aaron Ciechanover et Avram Hershko, qui ont remporté conjointement le prix Nobel de chimie en 2004, et la professeure Ada Yonath, cristallographe qui a remporté le même prix en 2009, et le président de l’Académie israélienne des sciences et des lettres, le professeur David Harel. Ils ont été suivis par 1700 artistes et plusieurs centaines d’écrivains et poètes, a écrit le site d’information hébreu  Maariv.   Salima Tlemçani

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