Evocation à l’occasion du 5 juillet : Sauver le soldat Taleb Abderrahmane

05/07/2025 mis à jour: 22:28
1272
.

Mohamed-Ali Haroun, docteur en droit, moudjahid, ancien ministre, ancien membre du Haut Comité d’Etat, dans une récente sortie médiatique relative au drame des condamnés à mort pendant la guerre contre l’occupant français,  démontre qu’il demeure plus que jamais l’infatigable défenseur de la mémoire. 

Pendant la Guerre de libération, il avait côtoyé les plus grands, ceux du CCE et du GPRA, ceux qui ont mené l’Algérie à la victoire. Trois périodes de notre histoire récente l’ont marqué. L’année 1957, qu’il appelle l’année terrible. L’année de la torture généralisée et de la guillotine. L’année de la Bataille d’Alger, l’année de la répression à outrance et de l’exode des ruraux algériens, fuyant les douars en feu. Hélas, également l’année de la discorde dans les rangs avec la disparition tragique de Abane Ramdane. 

L’année qui a vu le réveil militaire français face à la pugnacité des unités de l’ALN, mieux organisées et mieux équipées depuis que le Congrès de la Soummam a doté la Révolution d’une direction politique, le Comité de coordination et d’exécution (CCE) et le Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA), qui aura comme priorité le renforcement du FLN. Mais aussi l’organisation de l’armée, l’acheminement des armes depuis les frontières jusqu’à l’intérieur du pays. Il y a également lieu de noter l’action diplomatique, ainsi que l’action politique en France même. 

C’est sur ce dernier volet qu’Ali Haroun va donner sa pleine mesure. La Fédération de France du FLN (**) affrontait de grands défis, une police française active et brutale, des militants messalistes, patriotes assurément dans leur grande majorité, mais qui rejetaient le slogan unitaire soumamien : «Tous unis pour la victoire», une émigration désorganisée et désorientée par la guerre fratricide (FLN-MNA). La seconde période qui a fait douter Ali Haroun du bon sens et du réalisme des leaders algériens est ce qu’il a appelé dans un long récit L’été de la discorde. Les événements de l’été 1962, quand la mésentente entre frères de combat, pour des raisons de pouvoir, a conduit à des affrontements sanglants. Enfin la décennie 1990, quand un véritable vent de folie a soufflé sur le pays et a failli l’emporter. Mais ce qui va être développé dans ce texte est l’action humanitaire de Ali Haroun pendant les années CCE pour humaniser la guerre et pour éviter la guillotine aux militants indépendantistes condamnés à la peine capitale par les tribunaux militaires français . 

Ce récit évoque la figure du jeune étudiant Taleb Abderrahmane, combattant de la Zone Autonome d’Alger, condamné à la peine capitale et ce qui a tout tenté pour lui épargner la guillotine.  Ali Haroun, voix écoutée dans les hautes sphères de la Fédération de France du FLN en contact régulier avec Abane Ramdane, une des têtes pensantes du CCE,   plaidera deux exigences : que le terrible mode d’exécution des traîtres – l’égorgement – soit désormais banni. On ne pouvait pas demander la clémence pour nos combattants et appliquer la peine de mort, d’horrible manière, pour ceux d’en face. 

Sur ce point précisément, Ali Haroun n’aura pas à argumenter longuement. Abane Ramdane était déjà convaincu que le châtiment atroce appliqué par les groupes de l’ALN aux membres de l’infrastructure humaine de l’administration coloniale, qui donnaient dans la délation, desservaient la Révolution en fournissant à la propagande ennemie des arguments difficiles à battre en brèche. Ali Haroun, après les attentats d’Alger qui ont fauché tant de vies humaines, commis par les milices ultras, mises sur pied, armées et protégées par des éléments fascistes présents dans les rangs de la police française, refusera de se plier aux ordres venus de la direction politique du Front qui demandaient l’application de la loi du Talion en France même. 

Au moment où il était engagé à plaider la cause de son pays auprès de personnalités françaises du monde des médias ou de la politique, il ne voulait pas que des innocents soient atteints par ricochet. Il ne voulait pas que l’opinion publique française devienne perméable au narratif des tenants de la répression à outrance. Il obtiendra longtemps gain de cause. Il faut dire que de nombreux responsables politiques dans les structures élevées du Front étaient du même avis, Saad Dahleb, M’Hamed Yazid, Réda Malek, Ahmed Boumendjel, Mohamed Harbi, Ahmed Francis, Tayeb Boulahrouf (à Rome), Hafidh Kéramane (en Allemagne), pour ne citer que quelques-uns. La Fédération de France du FLN ne se résoudra à passer à l’action armée sur le territoire français même qu’une fois la répression en Algérie et en France est passée à un stade insoutenable.  

L’année terrible

L’année 1957, l’année terrible, l’année de la Bataille d’Alger, l’année du constat affolant fait par l’occupant que le soulèvement algérien était autre chose que les  «jacqueries» qu’il avait facilement réduits dans le passé. La machine répressive ennemie était confrontée  à   un mouvement de libération intelligent,   pragmatique, conscient de la faiblesse de ses moyens et de la force de l’ennemi,  déterminé, confiant dans les ressorts du peuple et qui a  inscrit  son action dans le long terme. Au sommet de l’Etat français, les états-majors politique et militaire, pour tenter de venir à bout de cette Révolution à laquelle ils ne s’attendaient pas, s’engagèrent dès lors sans nuance dans un tout-sécuritaire de plus en plus violent : responsabilité collective appliquée aux villageois, recours dans les djebels à des armes prohibées par les lois de la guerre et usage généralisé de la torture. 

Les attaques à la bombe perpétrées dans la capitale, par les combattants de la Zone Autonome d’Alger, étaient une réponse aux exactions de l’armée coloniale et de «la justice» colonialiste avec l’exécution des peines capitales prononcées par les tribunaux d’exception. Ajoutons à cela, les attentats des enragés de «l’Algérie française», qui avaient leur quartier général chez l’activiste Joseph Ortiz (Joey pour les intimes) le mastroquet d’Alger – centre financé par les gros colons comme Abo et Borgeaud et les patrons de la presse ultra, l’ancien maréchaliste, repêché, Alain de Serigny, directeur de l’Echo d’Alger, singulièrement. L’attentat de la rue de Thèbes, à La Casbah, le 10 août 1956, qui provoqua un carnage parmi les Algériens, figure dans le sinistre bilan de Joseph Ortiz et de ses commanditaires. Avec cet attentat, on peut dire que les massacres commis dans les zones rurales avaient atteint les villes, jusque-là plus ou moins en marge de la guerre.  

                       ( Coupure du journal La Dépêche annonçant l’arrestation de Taleb Anderrahmane )


JE SUIS ALGÉRIEN !

Le Congrès du FLN, le 20 août 1956, s’ouvrira à Ifri, alors que l’écho de la bombe de la rue de Thèbes ne s’était pas encore complètement dissipé. Abane Ramdane qui exerçait un commandement de fait dans la capitale, commandement officialisé par le Congrès, s’attellera à créer, avec les militants déjà structurés à Alger, les groupes de combattants de l’ombre qui allaient semer l’effroi parmi la population pied-noire toute acquise à «l’Algérie française». Le CCE trouvera en la personne de Yacef Saadi le chef intelligent, courageux, organisateur et déterminé qui saura mettre en place les réseaux clandestins qui vont tenir la dragée haute aux polices françaises. D’héroïques jeunes femmes, sous son commandement, passeront à l’action sans craindre la mort. Ces groupes auront en Taleb Abderrahmane l’homme qui allait leur donner les moyens d’agir. Taleb Abderrahmane, étudiant en chimie, assemblera les produits qui entraient dans la composition des engins explosifs. Il en fabriquera des centaines. Il apprendra également à de jeunes compagnons comment fabriquer une bombe.  

Le proconsul Robert Lacoste, l’homme du «dernier quart d’heure»  à répétition, devant l’impuissance des polices classiques  à réduire les commandos du FLN qui mettaient le feu à Alger, fera appel à la 10e division parachutiste du général Jacques Massu, un reître brutal et sans état d’âme. Il avait la gueule de l’emploi. Les Français, une fois l’explosif et ses effets analysés, eurent la certitude que les bombes qui explosaient étaient de la même main.  L’engin, quoiqu’artisanal, démontrait chez son faiseur des connaissances avancées en chimie. Il sera facile aux enquêteur de tracer le profil de l’homme qu’ils recherchaient et qui se cachait derrière le nom de guerre Mohand Arezki. Les hommes de Massu chargés d’annihiler l’organisation clandestine du FLN responsable du «terrorisme», redoublèrent de férocité pour retrouver Taleb Abderrahmane déclaré ennemi public numéro 1. Ils ne feront pas dans le détail.  

Le principe était le suivant : puisqu’une omerta hermétique protégeait les activistes, il fallait simplement ramasser en grand nombre, au hasard, dans la rue, des hommes et des femmes, lesquels soumis à la question, allaient nécessairement se mettre à table. «Mathématiquement, il doit bien se trouver un militant FLN dans le lot» qu’a ramené le filet. Sinistre et simplissime loi des probabilités.  La gégène, la baignoire, le goulot de la bouteille utilisé comme pal, le nerf de bœuf feront le reste. C’est ainsi qu’ils remonteront jusqu’à Taleb Abderrahmane. 

Taleb Abderrahmane soumis à la torture, le corps brisé, sanglant, pantelant, sera condamné à la peine capitale. Il tiendra tête aux juges militaires, leur lançant : «Lorsque vous me tuerez, un autre frère prendra ma place.» A la question : «Mohand Arezki, tu es Kabyle ?» il répondra : «Je suis Algérien !» 

SAUVER LE SOLDAT TALEB ABDERRAHMANE

Le Comité de coordination et d’exécution (CCE) fera tout pour sauver le jeune Taleb de la guillotine. Un groupe d’hommes se met au travail. Réda Malek, Ahmed Boumendjel (les deux principaux rédacteurs de l’organe central du FLN, El Moudjahid). Le groupe s’élargira à M’hamed Yazid, Saad Dahleb, Mustapha Ferroukhi, Me Bentoumi et le docteur Pierre Chaulet qui venait d’ouvrir Avenue de Paris, à Tunis, un centre de documentation qui s’avérera très utile pour développer la campagne mondiale qui dénonçait la torture et les exécutions capitales. La première réunion se tiendra au 26, rue Sadikia à Tunis dans les bureaux de ce qu’on appelait «la base», dirigée par le commandant Hamane Kaci secondé par Arezki Bouzida, à l’époque jeune et fringant avocat. Les autres réunions se tiendront au 17, rue des Tanneurs, siège du service de presse du FLN, à Tunis toujours. 

Il est confié à Me Ali Haroun, déjà dans la clandestinité en France, mais en contact avec tous ceux qui en Europe montraient de la sympathie pour la cause algérienne, la tâche de faire connaître le nom de Taleb Abderrahmane et de plaider pour qu’il ne soit pas exécuté. Des avocats tels Me Jacques Vergès, Gisèle Halimi, Jacqueline Guerroudj, des journalistes tels Claude Bourdet, entre autres, seront sensibilisés par Ali Haroun. De grands Tunisiens comme El Bahi Ledgham, vice-président de la République tunisienne et Mohamed Mestiri, ministre des Affaires étrangères, mobilisèrent leurs représentations diplomatiques à travers le monde. L’avocat Jacques Vergès se battra tous azimuts pour faire aboutir le dossier Taleb Abderrahmane, comme il le fera pour la courageuse Djamila Bouhired, avec Georges Arnaud auteur du best-seller Le Salaire de la Peur, François Mauriac, ainsi que Simone de Beauvoir et beaucoup d’autres encore. Le général Charles de Gaulle finira par gracier Djamila en 1959. Ali Haroun se déplacera en Belgique pour contacter des personnalités du monde de la presse et de la politique. En 2019, l’ambassadeur du Royaume de Belgique donnera une réception en l’honneur de certains de ces Justes venus en Algérie à l’invitation d’Ali Haroun. 

Ces grands amis de la Révolution algérienne iront se recueillir devant la façade du Cercle Taleb Abderrahmane avant de se rendre au monument dédié aux martyrs pour y déposer une gerbe de fleurs. Mohamed Seddik Benyahia, Bélaïd Abdeslam, Messaoud Ait Chaâlal, anciens de l’Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA), activèrent auprès d’Irji Pelican, président de l’Union internationale des étudiants. La presse des pays socialistes, grâce à Irji, Hochmann, rédacteur en chef de Rudé Pravo, l’organe central du parti communiste tchécoslovaque, se joindra à la bataille. Egalement Zeri I Populit, le grand journal albanais. La Yougoslavie de Josip Broz Tito, dans les écoles et dans la presse, scanda le nom de Taleb Abderrahmane. 

La presse égyptienne fera connaître le nom de Taleb Abderrahmane, comme elle le fera pour l’héroïque Djamila Bouhired. Irji Hochmann, deviendra un grand ami du président Houari Boumediène pour avoir rejoint l’état-major de l’ALN à Ghardimaou. Les centrales syndicales de gauche donnèrent de la voix, ainsi la Roha auprès de laquelle Ahmed Attar, à Prague, activera avec patience et efficacité. Le parti communiste français, du moins beaucoup de cadres de ce parti, depuis la mise à mort de Fernand Yveton, l’ouvrier communiste, qui était passé à l’acte, bombe à la main, contre le système colonial agiront pour donner de l’écho, dans la presse et dans les réunions publiques, aux protestations contre les agissements de l’armée française en Algérie et particulièrement la torture et les exécutions capitales. Hélas, pour le jeune Taleb, cette mobilisation restera sans effet.       


ET LE BOURREAU FIT SON ŒUVRE...  

Le 24 avril, à l’aube, le couperet trancha le cou de Taleb Abderrahmane.  Ceux qui attendaient leur tour dans les cellules du couloir de la mort entonnèrent l’appel à la Mémoire : «Ikhouani latenssou chouhadekoum...». Afin que leur peuple ne les oublie jamais. Le grondement de la sinistre prison et les stridents youyous des femmes de la vieille cité réveillèrent la Casbah et, de proche en proche, tout Alger fit écho à la voix des emmurés vivants des catacombes de Serkadji. Ikhouani latenssou chouhadekoum...  Quelques mots à la densité extraordinaire par le martyr de ceux qui les chantèrent.  Joseph Ortiz, le mastroquet qui avait pignon sur rue à quelques dizaines de mètres de l’escalier monumental du GG, offrit gratis le champagne toute la journée du 24 avril. Beaucoup d’estaminets de la ville lui emboîtèrent le pas. Les excités de «l’Algérie française» se congratulaient dans la rue. Les mêmes scènes de liesse et d’excès vinassiers que celles qu’avait vécu, la rue pied- noire le 9 octobre 1957, quand la veille, Ali «La Pointe», Hassiba Ben Bouali, Mahmoud Bouhamidi et l’adolescent P’tit Omar (Omar Yacef neveu de Saadi) sont tombés armes à la main au cœur de La Casbah. Joseph Ortiz, devenu célèbre grâce à un discours haineux, un comportement de fier à bras et un zinc généreux, bénéficiant des conseils politiques de Jacques Soustelle à la recherche d’un nouveau souffle politique, décide de créer le Front national français. C’est la matrice et l’âme du futur Front National de Jean-Marie Le Pen et de sa chérubine, celle qui a pris le relais d’Ortiz, de Pierre Lagaillarde et de leurs émules et qui, depuis quelques années, gravit patiemment les paliers qui mènent à l’Elysée. 


L’ŒIL ÉTAIT DANS LA TOMBE ET REGARDAIT FRANCOIS

La campagne mondiale pour obtenir la grâce pour Taleb Abderrahmane avait peu de chance d’aboutir.  Le contexte sécuritaire et politique était en ébullition. Des combats très durs se déroulaient dans l’Est algérien sur l’axe Souk Ahras - Guelma, en Kabylie où se trouvait de nouveau Amirouche après son bref périple tunisien, dans l’Aurès et aussi dans l’Algérois avec des attaques de commandos au bilan douloureux pour les forces ennemies et où s’illustrera à jamais le nom du Commandant Azzedine. L’embuscade qui verra la capture d’une demi-douzaine de soldats français, non loin de la frontière tunisienne, déclenchera l’attaque par l’aviation française de la ville tunisienne de Sakiet Sidi Youssef, au mois de février 1958. Cette agression démontrera la soumission du pouvoir politique français aux lobbies de l’Algérie française. Elle fera également la preuve que le haut commandement de l’armée, épousant le narratif des milieux colonistes, disait son mot à haute et distincte voix dans les décisions de Paris. L’armée française politique, c’étaient surtout les colonels défaits par Vô Nguyen Giap dans les entrelacs collinaires du Vietnam. La raclée de Diên Biên Phu leur brûlait encore l’épiderme. 

Ces officiers à la tête de régiments parachutistes aguerris par les combats dans les djebels, ou d’unités chargées de basses besognes comme celle commandée par le sadique Aussaresses  qui a étranglé de ses propres mains Larbi Ben M’hidi et Ali Boumendjel et qui s’est déplacé à Constantine pour garroter à mort le professeur Tewfik Khaznadar, à la ferme Améziane,  ces «centurions» jouaient de plus en plus ouvertement aux maîtres à penser pour toute l’armée. L’alignement des militaires sur la ligne maximaliste des lobbies «Algérie française» tétanisait les élites politiques parisiennes et les conduisait, pour survivre, à faire dans la surenchère.  L’acte de piraterie  du 22 octobre 1956 ( rapt de l’avion où se trouvaient les leaders du FLN ) fait accompli couvert, après coup,   par le  président du Conseil  des ministres Guy Mollet,  a été  le premier  exemple de la veulerie du gouvernement face aux ukases des casernes et de la rue algéroise. Les décapitations des combattants algériens étaient censées «inspirer l’effroi et paralyser les mains des terroristes». 

C’était un choix politique assumé et d’une certaine façon, une fuite en avant, un signe d’impuissance. François Mitterrand, sempiternel ministre de la IVe République, en charge du portefeuille de la Justice et à la tête du Haut Conseil de la Magistrature au moment où se développait l’opération : sauver le soldat Taleb Abderrahmane, se trouve sur la même ligne dure que celle des partisans de la guillotine à outrance. Sa voix pouvait faire la différence. La mort pour Taleb Abderrahmane ! Se détermina François Mitterrand. Plus tard, l’abdomen rongé par le cancer de la prostate, mourant malgré les soins du professeur Thierry Flam, le célèbre urologue, François Mitterrand confiera qu’il était torturé par le remord d’avoir laissé Taleb Abderrahmane et des dizaines de patriotes algériens mourir sous le couperet. Le fait d’avoir aboli la peine de mort dans son pays en 1981 n’y fera rien. L’œil était dans la tombe et regardait François...  

Les campagnes mondiales pour sauver Taleb Abderrahmane, Djamila Bouhired et les autres combattants promis à la guillotine, rendront les opinions publiques sensibles à ce qui se passait en Algérie. Ces campagnes décidées par le CCE, mises en place et animées par le comité créé à cet effet, feront avancer la cause algérienne. 

LES OUBLIETTES DE L’HISTOIRE

Le supplice de Taleb Abderrahmane marque le moment où le sismographe va s’affoler. Le CCE constate après l’exécution du jeune étudiant qu’aucun appel à la raison, aucun appel à l’humanisation de la guerre (démarche plaidée inlassablement par Habib Bourguiba auprès des deux belligérants) ne pouvait infléchir la politique française installée dans la répression à outrance, ordonne l’application de la réciprocité à tous les prisonniers de guerre aux mains de l’ALN et le renforcement des actions armées. 

Le quatrième bataillon de la Base de l’Est, qui était en attente d’affectation sur la frontière algéro-tunisienne, au nord de Ghardimaou, reçoit l’ordre de franchir les défenses françaises et de rentrer en Algérie. Ce passage en force donnera lieu à l’une des plus importantes batailles de la guerre d’Algérie, la bataille d’Oued Echouc près de Souk Ahras, qui dura huit jours et se solda par de lourdes pertes des deux côtés. Partout les katibas de l’ALN mieux organisées et mieux armées grâce aux efforts du CCE, attaquaient sans relâche les positions de l’ennemi. Le regain de mordant de l’armée algérienne va provoquer de grands remous dans le microcosme politique algérois. 

Chauffés à blanc par le discours ultra de la presse coloniale, les nervis Joseph Ortiz, Pierre Lagaillarde, leurs séides et leurs émules, qui dominaient le forum et lui donnaient le ton, commencèrent à chanter en chœur le couplet du sauveur providentiel : Charles De Gaulle. Piloté dans les coulisses, principalement   par Jacques Soustelle l’inconsolable ancien gouverneur général de l’Algérie, le complot contre la IVe République se met en place. Le forum, cette immense place aux pieds du bâtiment du Gouvernement Général, sera chaque jour en ébullition jusqu’au moment où l’acte de décès de la quatrième république sera acté. Les hommes de la  IVe République française, incendiaires de djebels, tueurs de villageois, se cramponnant bec et ongles aux lambeaux de l’Empire. Ils vont jusqu’à aller chercher en Egypte la solution à leur malheur algérien, offrant à Israël, par haine des Arabes, la bombe atomique et pour faire bonne mesure des dizaines d’ingénieurs pour mettre en place les canevas complexes de Dimona. Politiciens insensibles aux hurlements de douleur de centaines de milliers de torturés, les mains rouges du sang de Taleb Abderrahmane et de ses compagnons, vont bientôt basculer dans les oubliettes de l’histoire.  

La  IVe République est morte d’une overdose d’Algérie française, place à la  Ve République. La Ve République du dédoublement des barrages fortifiés aux frontières, des gigantesques opérations du général Challe qui vont, une fois de plus, mettre à feu et à sang les campagnes algériennes. 

La Ve République du massacre des innocents, du 11 Décembre 1960, du 5 Juillet 1961 et du 17 Octobre 1961, ordonné par le nazi Maurice Papon préfet de Paris, sous les fenêtres de l’Elysée. La Ve République des lobbies israéliens au summum de la puissance avec Bernard-Henry Lévy disciple de Giovanni Gentile BHL l’incendiaire de la Libye. La Ve République de Bruno Retaillau et de Marine Le Pen qui rêvent d’abattre l’Algérie. Mais qui donc a dit que la guerre d’Algérie a pris fin en 1962 ?    
 

Par Mohamed Maarfia
Moudjahid. Ecrivain.
Auteur de : 
- La Passion du Fellagha. La Pensée Universelle. Paris 1981
- Les Sept Remparts de la Citadelle : (tomes 1 et 2). Editions ANEP. Alger 2003.    
**Fédération de France, à laquelle Ali Haroun consacrera un livre qui demeure une référence pour les historiens et les chercheurs : « La Septième Wilaya ». Editions du Seuil. Paris 1986. 
Et Editions Rahma. Alger 1992.  
 

Copyright 2025 . All Rights Reserved.