Ce fut une véritable démonstration de force à l’orée de l’année électorale en Espagne. Quelque 30 000 personnes ont participé à un rassemblement, place de Cibeles, à Madrid, selon les estimations de la délégation du gouvernement central dans la capitale espagnole, pour protester contre le gouvernement de gauche de Pedro Sanchez, notamment sa politique catalane, avec le soutien de l’opposition de droite et de l’extrême droite. Les organisateurs avançant le chiffre de 700 000 personnes. Les participants, dont beaucoup brandissaient des drapeaux espagnols rouge et jaune, ont réclamé la démission du Premier ministre, certains exhibant un portrait de Pedro Sanchez barré de la mention «traître». La manifestation, organisée à l’appel d’organisations de droite de la société civile, a reçu le soutien du Parti populaire (PP), principal parti d’opposition, et de la formation d’extrême droite Vox, sachant que les élections générales sont prévues pour la fin 2023. La droite est outrée par la décision du gouvernement d’abolir le délit de sédition, principal chef d’inculpation ayant visé neuf dirigeants indépendantistes catalans condamnés à des peines allant de 9 à 13 ans de prison pour leur rôle dans la tentative de sécession de la Catalogne en 2017. Ce délit de sédition a été remplacé par un autre délit passible de peines de prison moins lourdes. Les conservateurs critiquent également une loi contre les violences sexuelles qui alourdit les peines pour viol tout en allégeant les sentences pour les autres délits sexuels.
«Le pire gouvernement de l’Histoire »
S’adressant à la presse au début du rassemblement, le dirigeant de Vox, Santiago Abascal, a dénoncé «le pire gouvernement de l’histoire» qui a «divisé les Espagnols et libéré les violeurs et les auteurs des coups d’Etat». «Nous avons besoin d’une mobilisation permanente et massive jusqu’à ce que l’autocrate Pedro Sanchez soit chassé du pouvoir», a-t-il lancé. Antonio Orduna, 67 ans, déclare à l’Agence France-Presse (AFP) être venu manifester contre un gouvernement qui «laisse se tirer d’affaire ceux qui veulent disloquer l’Espagne». Cet expert-comptable à la retraite dénonce la suppression du délit de sédition et la décision en 2021 de Pedro Sanchez de gracier les neuf dirigeants séparatistes condamnés à des peines allant de 9 à 13 ans de prison pour leur rôle dans les événements de 2017.Avec Carles Puigdemont à sa tête, le gouvernement régional catalan avait tenté en octobre 2017 de faire sécession de l’Espagne en organisant un référendum d’autodétermination, interdit par la justice, avant que le Parlement local ne déclare unilatéralement l’indépendance de la région. Cette tentative de sécession a suscité l’une des plus graves crises politiques que l’Espagne ait connues depuis des décennies. Les dirigeants séparatistes avaient été incarcérés ou avaient fui à l’étranger, comme Carles Puigdemont. Le président du Parti populaire, Alberto Nunez Feijoo, qui a tenté de faire évoluer le PP vers le centre depuis son accession à sa tête en avril, n’a pas assisté au rassemblement tout en encourageant ses membres à y participer. La plupart des sondages donnent le PP vainqueur aux élections générales prévues à la fin de l’année, mais ils montrent aussi que les conservateurs auront besoin du soutien de Vox pour gouverner. Des élections locales et régionales sont aussi prévues en mai. L’un des principaux dilemmes d’Alberto Nunez Feijoo est de savoir si le PP doit continuer sa politique d’alliance avec Vox, comme il l’a fait dans certaines régions, ou y mettre fin pour élargir sa base. Vox a fait scission du PP en 2013 et constitue à présent la troisième force au Parlement. Dépourvu de majorité parlementaire, le gouvernement de Pedro Sanchez a de son côté été obligé depuis sa formation de négocier avec les indépendantistes basques et catalans pour faire adopter ses lois, ce qui a suscité la colère de la droite. Les conservateurs accusent Pedro Sanchez d’avoir supprimé le délit de sédition pour s’assurer le soutien du parti indépendantiste catalan ERC au Parlement. Le gouvernement rétorque que cette disposition de la loi, archaïque, devait être remplacée par une autre plus conforme aux normes européennes. Lors d’un rassemblement du Parti socialiste samedi à Valladolid (Nord), Pedro Sanchez a défendu son bilan, affirmant que le gouvernement a dû prendre des mesures pour apaiser le conflit en Catalogne.