Escapade dans le Fahs algérois : Hydra ou Haïdra de Ness el H’dar

23/04/2023 mis à jour: 01:01
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(la Colonne Voirol et le Marabout de Sidi Yahia à droite de l'image)

Hydra dépendait primitivement du territoire de Bir El Khadem lequel était au temps des Turcs, l’un des sept cantons les plus peuplés du fahs algérois. Plus tard, à l’issue de l’organisation administrative du 22 avril 1835, les collines verdoyantes d’Hydra furent rattachées à la commune de Bir Mourad Raïs qui conservait, jusqu’ici, son aspect campagnard. Avant l’occupation française, son espace géographique se résumait à la campagne vallonnée et boisée qui bordait la rive droite de l’oued El Kniss et qui s’étalait au départ de l’aqueduc turc, jusqu’au marabout et cimetière de Sidi Yahia, au sud.  Elle n’aura sa toute première mairie qu’en 1984, constituée alors  de quelques anciens et nouveaux quartiers tels que le Val d’Hydra, Le Paradou, Saïd Hamdine, La Colonne Voirol, Djenane El Malik et Sidi Yahia en souvenir d’un illustre saint personnage. Son véritable nom est «Haïdra» (*), tel qu’il était autrefois prononcé par les banlieusards. L’expression tire vraisemblablement son origine du qualificatif hadri, qui se traduit en langue française par «citadin». Difficilement prononçable par les Européens, le mot Haïdra avait été au fil du temps altéré en Hydra. Les anciens habitants du fahs ou la proche campagne d’Alger étaient surnommés «Ness zarb el m’dina» ou «Ness El H’dar», littéralement «les citadins».

 

Pour Il faut rappeler qu’à l’époque ottomane, seuls les gens de la haute société, pouvaient se payer le luxe de s’offrir des maisons de plaisance tout aussi spacieuses que luxueuses, dans cette zone peu éloignée de la Casbah. Les familles qui pouvaient se permettre un luxe pareil éprouvaient surtout le besoin de gouter au calme et au plaisir de la nature, loin des remparts de la vieille médina et ses ruelles étroites. 

La campagne algéroise était renommée pour ses charmantes collines arrosées par des sources d’eau fraiches, ses bois peuplés d’une variété d’essences forestières et ses vallées parcourues d’une multitude de petits ruisseaux.
 

La ville n’existait pas encore au temps des Turcs, seules quelques demeures de rêve oriental dominaient jadis les lieux. Les ménages les plus fortunés de l’époque pouvaient se réserver une vie de luxe, en bâtissant des palais dans les magnifiques vallons d’Hydra. Au nombre de ces familles algériennes richissimes figurent les Ben El Kadi, Ben Merabet, Chekiken, Ali Raïs, Mouhoub, Goucem et El Baldji.

Ce n’est que vers 1930 que le village commençait à prendre forme, on lui choisit un terrain plat que l’on désignait par plateau d’Hydra. Quelques centaines de mètres seulement séparent le noyau urbain initial de l’ancien palais mauresque qui s’y trouve encore maintenant et qui portait lui aussi le nom de bordj Hydra. Cette superbe villa de style hispano-mauresque, à laquelle on attribue également la dénomination de bordj Hydra, est bâtie en surplomb sur une colline dominant la vallée de l’oued El Kniss, au milieu de splendides jardins arrosés autrefois par des fontaines à profusion. 

Celle-ci avait été construite en 1779 sur les ruines d’une vieille résidence romaine par son fondateur Ali, agha des spahis, un des premiers qui commandaient le corps de cavalerie du Dey d’Alger. Ce chef militaire s’illustra au temps du Dey Mohamed, notamment lors de la bataille qui s’est déroulée près de l’oued El Harrach, au cours de laquelle fut défaite l'expédition espagnole qui était commandée par O'Reilly.

L’un des plus illustres personnages, qui ont occupé ce château, serait très probablement Yahia Ben Mustapha qui exerça la fonction d’agha entre 1818 et 1828. Originaire de Kara Daniz en Turquie, celui-ci avait débuté sa carrière à Alger comme janissaire, à  Dar mt’à inkicharia, autrement dit, à la caserne des janissaires qui se trouvait jadis au quartier de Beb Lahzoun, porte du deuil en français (Bab Azzoun actuellement).

A quelques encablures de ce superbe palais, se nichait autrefois dans le décor d’une végétation luxuriante, un agréable café maure surnommé Qahwet Hydra. Ce modeste établissement autochtone était aménagé dans un petit ouvrage carré, coiffé d’une coupole badigeonnée à la chaux percée de trois arcades. D’énormes saules pleureurs au pied desquels sourdait une fontaine le couvraient de leur ombre.

Ces dernières décennies, les constructions à Hydra semblent avoir surgi de toutes parts, notamment aux abords d’une place baptisée El Qods. Les lieux de culte et les services d’utilité publique y occupent quelques édifices à l’image  de la Banque arabe, la mosquée El Qods avec son style amazigh inaugurée le 02 juillet 1982, l’Office central de la répression de la corruption, ainsi que l’ancienne chapelle avec son presbytère. Des petits commerces dont un revendeur de pâtisserie traditionnelle installé depuis 1963, voisinent avec ces bâtiments.
 

A quelques pas du centre de l’agglomération, il existe le grand carrefour de la place Salvador Allendé, ex-Colonne Voirol, qui dessert simultanément cinq destinations : Alger, Bir Mourad Rais, El Mouradia, Hydra et El Biar. Par le passé, ce dernier était considéré comme le point de départ pour le calcul des parcours dans tout le pays. Sur un tableau anciennement placardé à cet endroit, se lisait les distances kilométriques entre les villes d’Algérie et même d’Afrique. Le monument dont ce quartier tient le nom avait l’aspect d’une colonne qui se dressait à proximité d’une station de tramway ainsi que l’hôtel du bois de Boulogne qui avait été remplacé par un commissariat de police.
 

C’est dans le vieux quartier du val d’Hydra qu’on peut voir l’une des rares antiquités qui existent encore aux portes d’Alger. Il s’agit d’une portion d’un ancien ouvrage d’adduction d’eau toujours visible à la cité Châabani, derrière l’imposant immeuble du ministère de l’Energie. Celui-ci témoigne d’un savoir-faire des tribus andalouses qui se sont réfugiées en Algérie au lendemain de la chute du dernier Emirat de Grenade. Cette conduite d’eau s’amorçait autrefois au quartier d’Aïn Ezzebboudja, littéralement la fontaine de l’olivier sauvage. Elle passait par Hydra, El Biar, Les Tagarins, pour arriver au terme d’un parcours de 19 km à La Casbah. 

Sa construction a été réalisée entre 1619 et 1639. Sous le règne ottoman, l’agent auquel étaient confié la surveillance et la gestion de ces ouvrages, y compris les fontaines, était nommé par le Pacha d’Alger, en qualité de Caïd el aïoune.

Hydra est renommée dans l’Algérois pour son nouveau grand boulevard franchissant le quartier chic de Sidi Yahia, qui a été  aménagé sur le lit d’un ancien ruisseau où se précipitaient par le passé les eaux pluviales. 

Depuis cette avenue, on peut observer dans la direction du sommet d’une colline ombragée majoritairement de pins ancestraux, le mausolée de Sidi Yahia Ettiar, blotti sous son petit bois d’oliviers sauvages.

Le lieu où s’implante la blanche qubba de Sidi Yahia, était à une certaine époque très fréquenté. Les pèlerins y affluaient de toutes parts munis de leurs offrandes, souvent des volailles qu’on sacrifiait dans l’espoir de voir leur vœu exaucé. Les fidèles y étaient jadis accueillis pour une durée pouvant atteindre quinze jours dans de petites baraques en bois installées autour d’un puits où l’on pouvait faire ses ablutions.
 

Le marabout et ses dépendances sont environnés d’un groupe de sépultures qui s’étalent en désordre. Les plus anciennes d’entre celles-ci se confondent littéralement avec le sol. Les tombes récentes se font distinguer par deux stèles en marbre blanc plantées à leurs deux extrémités; celle qui arbore l’épitaphe du défunt  est placée du côté de la tête, la seconde affichant un verset du Coran est plantée du côté des pieds.

Le terrain affecté à ce lieu funéraire est formé de collines très abruptes agrémentées d’une flore très diversifiée, dominée de gigantesques pins et oliviers touffus aux gros troncs noueux évidés, plusieurs fois centenaires.

D’après une source légendaire, Sidi Yahia serait originaire d'Anatolie, il était venu en Algérie vraisemblablement au XVIIe siècle. Un corsaire de grand renom nommé Mourad Raïs qui se sentait en danger de mort lors d’un long séjour en haute mer,  jura s’il aurait la vie sauve, d’honorer la mémoire du saint homme. Chose promise, chose due ; il lui fit élever, dès son retour, un dôme qu’on peut voir jusqu’au jour d’aujourd’hui. A l’époque, ce célèbre marin avait fait construire un puits qui perpétue son souvenir dans la ville voisine de Bir Mourad Raïs.

Hydra est désormais connue pour être le lieu où sont implantés les ministères, les consulats, les ambassades, l’Ecole nationale de l’administration et le siège de la prestigieuse compagnie pétrolière algérienne (Sonatrach).  Ses anciens et ses nouveaux lotissements comptent parmi les quartiers les plus prospères de la capitale. Le village africain et le parc d’attractions d’Alger avec sa vaste région boisée ainsi que sa remarquable vallée d’El Qadous couvrent à eux seuls près de la moitié de la superficie de la commune d’Hydra.
 


 

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