Escapade dans le Fahs algérois : Ben Aknoun ou Djenane Ben Sahnoun (*)

16/04/2023 mis à jour: 19:25
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(Ben Aknoun, restaurant du "Petit-lycée")

Dans cette escapade, nous déroulons la rétrospective ou l’histoire de cette ancienne propriété rurale avec ses luxuriants jardins. Le territoire de Ben Aknoun dépendait anciennement d’Aïn Ezzebboudja, un canton d’une certaine importance, issu de l’ancien découpage administratif ottoman. Il faut reconnaître que le quartier d’Aïn Ezzebboudja avait acquis, en ce temps-là, une certaine renommée pour sa fontaine de l’olivier sauvage dont il porte le nom d’ailleurs. C’est à partir de là que l’eau fut transportée vers Alger via un aqueduc. 

Il y a plus de deux siècles, Ben Aknoun ne ressemblait pas à un village, mais plutôt à un immense jardin, émergeant en plein milieu de la nature. Les habitants de la banlieue le désignaient par Djenane Sidi Ben Sahnoun en allusion au marabout de ce nom, qui fut autrefois, un haut dignitaire occupant la fonction d’Agha. C’est au pied d’un olivier centenaire qu’on surnommait le marabout olivier, toujours debout à proximité de l’actuelle porte d’entrée du lycée El Mokrani, que les autochtones venaient, autrefois, témoigner leur vénération à ce saint personnage. Certains historiens pensent qu’après sa mort, sa dépouille aurait été inhumée en ce lieu.

 

Pour des raisons de difficulté de prononciation chez les Européens, la dénomination de Sidi Ben Sahnoun sera altérée et orthographiée de différentes manières : Ben Achnoun, Ben Akhnoun, et enfin Ben Aknoun d’où au demeurant, le nom de la ville éponyme.

L’antique propriété turque dont nous parlons n’est malheureusement aujourd’hui qu’un vieux souvenir. Elle appartenait à Ahmed Khoudja, secrétaire du Dey d’Alger qui en fit cession en 1805, à caïd el arabe le célèbre Sidi Ben Sahnoun. Implantée à deux kilomètres seulement d’El Biar, celle-ci était également, depuis longtemps connue dans le Fahs algérois sous la désignation de djenane Ben Ettaleb. Cette charmante campagne se nichait dans une zone qui était entièrement dominée par la brousse et une terre inculte peuplée jadis par une végétation abondante et une faune vivant encore à l’état sauvage. Un vieux chemin romain passant près du stade municipal et le cimetière Zedek la reliait jusqu’à Alger par El Biar.  

L’ensemble du territoire de l’haouch Ben Sahnoun abritait à l’origine un palais d’inspiration mauresque dont on n’a, plus tard, conservé que la partie centrale de l’édifice ainsi qu’un charmant patio. Les deux corps de logis qui se dressaient dans le voisinage de cette demeure de plaisance avaient été construits sur les vestiges de civilisations anciennes au milieu d’une cour protégée par une clôture. Entre 1830 et 1844, ceux-ci furent convertis en quartier de cavalerie.  

C’est là dans ce domaine qu’on avait mis au jour une superbe mosaïque représentant deux statues miniatures en marbre. Cet objet d’art fut détruit lors d’un exercice de tir, au quartier de la cavalerie de Sidi M’hamed (ex-Mustapha).  

Il y a longtemps, sur le bord de la route qui côtoyait la ferme et tout autour d’un puits doté d’une noria, s’étalaient des jardins séduisants renfermant quelques pieds d’orangers, citronniers, vignes et autres potagers. L’eau y était tellement abondante que tous les propriétaires qui s’y sont succédé pouvaient fournir en grandes quantités cette denrée précieuse à la ville d’Alger, en échange de redevances très élevées.

Sur le côté opposé au site où se trouve le lycée El Mokrani, il existait, en bordure de la route, une parcelle de terrain qui réunissait une écurie, un puits et un charmant café maure appelé «Qahwet Ben Aknoun».

En 1842, le Père Brumault décide de faire fonder à Ben Aknoun un établissement pour accueillir orphelins et enfants pauvres d’origines autochtone et européenne afin de 
leur prodiguer un enseignement agricole. Les pensionnaires pouvaient apprendre les métiers de labour, jardinage, menuiserie et  maçonnerie. Des potagers arrosés grâce à des norias avaient permis à l’époque d’y faire cultiver divers aliments tels que le blé, l'orge, l'avoine, les fourrages, les légumes, les agrumes et les bananiers. Bien plus tard vint l’idée d’y faire construire un lycée qui existe encore aujourd’hui.

Le 26 février 1866, par acte passé devant notaire, le cheikh El Mokrani, un des plus énergiques résistants de l’histoire d’Algérie, fit acquisition de la dite campagne dont il n’en jouira au reste, pas longtemps.  Il sera tué le 5 mai 1871 au combat d’Oued Souflat, dans la région de la wilaya de Bouira.

Le territoire de Ben Aknoun et la campagne alentour étaient dans le passé agrémentés de quelques maisons de villégiature turques, dont celle qui porte le nom de villa djenane Ali Rais. Nombreux sont ceux qui désiraient posséder ce remarquable djenane. Parmi ceux qui l’ont habité, l’on citera Salah Raïs souverain d’Alger, ou encore Ali el Euldj Fortas, renégat sicilien converti à l’Islam, qui deviendra plus tard amiral de la flotte algérienne, sous le nom d’Ali Raïs. Le souvenir de ce dernier personnage se perpétue encore aujourd’hui dans la dénomination de ce sublime jardin.

D’autres illustres personnalités se rendirent tour à tour, maîtres, eux aussi, de cette splendide résidence, comme le Bach Agha Ali Ben Cherif de Chellata et l’Américain Macleay, d’où l’origine du nom de la route qui côtoie cette campagne, rebaptisée désormais Chemin El Bekri. Simple quartier d’El Biar pendant l’occupation française, Ben Aknoun s’est métamorphosée progressivement en une importante agglomération, bornée au nord par Bouzaréah, à l’ouest Dély Ibrahim, au sud Hydra et à l’est El Biar. Elle ne sera érigée en commune qu’en 1984, conformément à la loi 84-09 de la même année. Elle fait partie depuis 1997 de la circonscription administrative, daïra de Bouzaréah. Ces derniers temps, la municipalité de Ben Aknoun fut dotée d’un nouveau siège surplombant l’ancienne voie romaine (RN° 36), non loin de la station d’autobus. Les travaux de construction avaient été entamés autour de 2012. L’ancienne mairie qui avoisinait la poste ne répondait plus aux exigences du moment.

Ben Aknoun compte parmi les plus importantes villes de la capitale algérienne. Ceinturée de voies rapides, cette dernière s’est transformée en un grand pôle administratif et universitaire où se concentrent institutions administratives et services d’utilité publique au nombre desquels nous citerons les ambassades, consulats et autres représentations diplomatiques, les ministères, les facultés et instituts, les centres de recherche et de formation, le lycée El Mokrani, le lycée Amara Rachid et le lycée international Alexandre Dumas, l’Etablissement hospitalier spécialisé, l’Ecole normale des filles, le Centre national des sports, les cités universitaires.

Le territoire de la commune de Ben Aknoun est parsemé de cités populaires et autres anciens et nouveaux quartiers, à savoir les Deux-Bassins, deux grands sahridjs datant de l’époque ottomane, Sidi Merzoug créé en 1958, cité Malki inaugurée en 1959, cité Ahcène Mahiouz, ex-Les Asphodèles, datant de 1960, Doudou Mokhtar, El Bassatine, Les Amandiers, Les Orangers, Moudjahidine, Lerdes, Zedek, Mimosas.

La cité dispose d’un lieu d’enterrement qui fut créé en 1929 sur un terrain qui avait été cédé par la famille Zedek. Cet enclos funéraire est actuellement saturé, souvent deux ou trois, voire plus de dépouilles sont ensevelies dans la même tombe. A mesure qu’il y a un décès, on procède, faute d’espace, après un intervalle de temps, à la réouverture du même tombeau.

A l’intérieur de cette nécropole, il y a un puits ainsi qu’une jolie réplique de Qubba qui avait été imaginée selon le modèle arabesque. Quelques espèces d’arbre dont un olivier séculaire y ont été plantés pour donner au lieu de l’ombre et de la fraîcheur.  

La vie rurale à Ben Aknoun fait désormais partie du passé. Fini le temps où on passait des heures sans voir âme qui vive, fini les chemins de terre battue, les charrettes tirées par les ânes, les jardins, les fontaines, les qubbas de saints marabouts, les cafés maures, les norias, les champs de blé, les cultures maraîchères et les vergers d’orangers. Place maintenant au béton, aux chaussées bitumées et au centre-ville, avec ses tours de verre et d’acier et sa pollution sonore et visuelle.
 

 

 

 

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