L’armée chinoise a affirmé avoir suivi hier un avion américain qui survolait le détroit sensible de Taïwan, promettant de «défendre résolument la souveraineté nationale».
«Le 17 septembre, un avion américain de patrouille anti-sous-marin P-8A a survolé le détroit de Taïwan», a déclaré dans un communiqué le capitaine Li Xi, un porte-parole de l’armée chinoise, cité par l’AFP.
Le commandement «a mis en place des avions de combat pour suivre et surveiller le vol de l’avion américain, en le traitant conformément à la loi», a-t-il indiqué. Les troupes présentes dans la région «sont en état d’alerte constante pour défendre résolument la souveraineté et la sécurité nationales ainsi que la paix et la stabilité régionales», a-t-il ajouté.
La septième flotte de la marine américaine a déclaré, dans un communiqué, qu’un «P-8A Poseidon a transité par le détroit de Taïwan dans l’espace aérien international le 17 septembre (heure locale)». Le communiqué ne mentionne pas que l’avion a été suivi par l’aviation militaire chinoise. «En opérant dans le détroit de Taïwan conformément au droit international, les Etats-Unis défendent les droits et libertés de navigation de toutes les nations», ajoute le texte. «Le transit de l’avion par le détroit de Taïwan démontre l’engagement des Etats-Unis en faveur d’un espace indo-pacifique libre et ouvert.»
De son côté, le ministère taïwanais de la Défense a déclaré, dans un communiqué, qu’«un avion américain P-8A a traversé le détroit de Taïwan du sud au nord ce matin». «Les militaires ont surveillé la situation et aucune anomalie n’a été détectée dans nos environs», précise le ministère dans le communiqué.
Taipei a remercié hier Washington d’avoir approuvé «le retour, la réparation et la réexpédition de pièces de rechange» d’une valeur de 228 millions de dollars pour ses avions et équipements associés, la seizième vente d’armes de ce type à l’île sous le président américain Joe Biden.
Le ministère taïwanais de la Défense a déclaré dans un communiqué distinct que l’accord devrait entrer en vigueur dans un mois et «contribuera à maintenir la préparation au combat et la sécurité des différents types d’équipements aéronautiques de notre force aérienne».
Pékin a accusé samedi Berlin d’accroître les risques sécuritaires dans le détroit de Taïwan, au lendemain du passage de deux navires allemands dans cette voie navigable sensible séparant Taïwan de la Chine.
Des navires de guerre des Etats-Unis et du Canada ont traversé à plusieurs reprises ces derniers mois le détroit de Taïwan, ce qui a conduit l’armée chinoise à se déclarer en «état d’alerte».
«Ambiguïté stratégique»
La Chine revendique Taïwan comme faisant partie de son territoire. Elle dit privilégier une réunification «pacifique», mais elle n’a jamais renoncé à employer la force militaire.
De son côté, Washington estime que c’est à Pékin et à Taipei de trouver une solution, mais s’oppose à tout usage de la force pour changer le statu quo. Taïwan est gouverné de manière autonome.
Le détroit, qui sépare l’île de la Chine continentale, est un point de tension géopolitique depuis la fin de la guerre civile chinoise en 1949, et a déjà connu plusieurs crises militaires. La première du genre éclate en août 1954, lorsque des nationalistes de Taïwan déploient des milliers de soldats sur les îles Kinmen et Matsu, situées à quelques kilomètres du continent. Pékin réplique par des bombardements d’artillerie sur les îles et par la prise des îles Yijiangshan, à environ 400 kilomètres au nord de Taipei.
La crise a failli précipiter la Chine et les Etats-Unis dans un conflit direct. Avec le Taiwan Relations Act (TRA) voté par le Congrès en 1979, les Etats-Unis sont tenus de livrer des armes défensives à Taipei selon ses besoins et de considérer toute tentative chinoise de modifier le statut de l’île par la force comme un fait «extrêmement préoccupant», une formulation connue pour son «ambiguïté stratégique», dans la mesure où elle ne dit pas clairement si Washington interviendra ou pas.
Lors d’un discours prononcé à Pékin en janvier 2019, le président chinois, Xi Jinping, a promis que Taïwan sera réunifié à l’Empire du Milieu. Comme il a réaffirmé que Pékin ne renoncera pas à la force pour récupérer l’île. «Nous ne promettons pas de renoncer au recours à la force et nous nous réservons le droit de prendre toutes les mesures nécessaires», a déclaré le président chinois. Dans cet esprit, il a évoqué les «forces extérieures» qui agissent contre la réunification pacifique et «les actions indépendantistes et séparatistes». «L’indépendance de Taïwan ne pourra conduire qu’à une impasse», a prévenu le président Xi Jinping. «La Chine doit être réunifiée et elle le sera.»
Lors de discussions militaires organisées en janvier dernier au ministère américain de la Défense à Washington, de hauts responsables militaires chinois ont affirmé à leurs homologues américains que la Chine ne fera «jamais le moindre compromis» sur Taïwan et exhorté les Etats-Unis à «cesser d’armer» l’île.
«Sur la question de Taïwan, la Chine ne fera jamais le moindre compromis ou concession», a affirmé la délégation militaire chinoise lors de ces entretiens bilatéraux, selon un communiqué du ministère chinois de la Défense rendu public. Elle exige des Etats-Unis qu’«ils respectent le principe d’une seule Chine, qu’ils respectent leur promesse de façon concrète en cessant d’armer Taïwan et en s’opposant à toute indépendance de Taïwan», a-t-il indiqué.
En juillet, la Chine a indiqué avoir suspendu des discussions avec les Etats-Unis sur le contrôle des armes et la non-prolifération nucléaire, précisant que cette décision venait en représailles à des ventes d’armes par Washington à Taïwan. En juin, les Etats-Unis ont approuvé deux ventes de matériel militaire à Taïwan d’une valeur totale d’environ 300 millions de dollars (274 millions d’euros).