Droits de douane et guerre commerciale : Trump exige que les Européens achètent le pétrole et le gaz aux Etats-Unis

13/04/2025 mis à jour: 12:09
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La stratégie de Trump pour le pétrole et le gaz se met en place

Dans un contexte de tensions commerciales et énergétiques mondiales, une proposition déjà exprimée par le président américain, Donald Trump, durant son premier mandat, refait surface : il vient d’exiger d’une manière plus radicale des pays européens qu’ils importent la totalité de leurs hydrocarbures des Etats-Unis, en échange d’une levée des droits de douane sur leurs exportations vers l’Amérique. 

Cette idée équivaudrait à un engagement des 27 Etats membres de l’UE à acheter pour 350 milliards de dollars de pétrole et de gaz américains par an. Pour les analystes en économie, cette proposition de Trump a très peu de chances de se concrétiser, pour plusieurs raisons. L’idée repose sur une vision simpliste, ignorant les réalités techniques et géopolitiques. 

L’UE, engagée dans le souci de diversifier ses partenaires, ne peut accepter un tel accord sans sacrifier ses priorités stratégiques. Il y va de sa sécurité énergétique vitale. 

L’idée de remplacer la dépendance à la Russie par une dépendance aux Etats-Unis est politiquement suicidaire, d’autant que Trump a déjà sapé la confiance transatlantique. Les Etats-Unis ont imposé des droits de douane de 20% (temporairement abaissés à 10%) sur les importations européennes, alors que l’UE prépare des contre-tarifs ciblés. 

Ces tensions rendent irréaliste un accord impliquant un domaine aussi vital comme l’énergie. L’autre élément est lié aux capacités de production des Etats-Unis qui ne représentent tout au plus que 13% de la production mondiale de pétrole et de gaz, ce qui est très insuffisant, pour ne pas dire dérisoire, pour satisfaire les besoins européens. Atteindre les 350 milliards de dollars exigés par Trump signifie remplacer presque la totalité des importations européennes par des hydrocarbures américains, un scénario tout simplement irréaliste. 

La proposition de Trump, bien qu’hypothétique, a tout de même le mérite de mettre en lumière la vulnérabilité de l’économie mondiale. Que doit faire l’Algérie si l’hypothèse de l’achat de tels gros volumes d’hydrocarbures américains par les Européens se concrétise ? L’Algérie est un fournisseur clé de l’Europe. Alger est le troisième fournisseur de gaz naturel de l’UE, derrière la Norvège et la Russie, avec environ 11% des importations européennes en 2023. 

Grâce à des gazoducs directs vers l’Espagne et l’Italie (comme Medgaz et Transmed), Alger exporte près de 90% de son gaz vers l’UE. Ces revenus énergétiques représentent 60% des recettes budgétaires algériennes, faisant des hydrocarbures un pilier incontournable de son économie. Les impacts économiques seraient majeurs pour l’Algérie. 

Quelle stratégie pour l’Algérie ? 

Si l’Europe se détourne massivement du gaz et du pétrole algériens au profit des Etats-Unis, les ventes du pays chuteraient drastiquement. Une perte même partielle de ce marché entraînerait une baisse immédiate des revenus. En réaction à une telle hypothèse, l’Algérie pourrait tenter de se rediriger vers l’Asie ou l’Afrique, même si ces marchés sont déjà dominés par d’autres acteurs (Qatar, Russie). 

De plus, le GNL américain, compétitif grâce aux coûts de production bas, inonderait les marchés mondiaux, rendant difficile une reconversion rapide. Une telle éventualité risque d’inciter l’Algérie à renforcer davantage son rapprochement avec la Russie et la Chine. Une telle hypothèse incitera Alger à diversifier les partenaires énergétiques en développant des contrats à long terme avec des pays comme la Chine, l’Inde ou le Pakistan, dont la demande en GNL croît énormément. 

L’Algérie peut aussi renforcer ses liens avec l’Afrique. Des pays comme le Sénégal ou le Nigeria pourraient devenir des partenaires via des projets gaziers communs. Le pays peut ainsi collaborer avec des exportateurs africains (Nigeria, Mozambique) pour créer un bloc de négociations face aux géants énergétiques. L’autre levier intéressant est d’investir dans les énergies renouvelables (solaire, éolien) pour réduire la dépendance aux hydrocarbures et exporter de l’électricité verte vers l’Europe. 

Le secteur énergétique algérien doit aussi moderniser les infrastructures gazières permettant d’augmenter les capacités de liquéfaction pour concurrencer le GNL américain. L’autre nécessité est d’attirer les investisseurs étrangers en assouplissant la règle des 51/49 (partenariat obligatoire avec l’Etat). 

En définitive, Alger a intérêt à miser sur les avantages géographiques : le gaz algérien, livré par gazoducs, est moins coûteux et plus écologique que le GNL américain (transports moins polluants). L’Algérie peut aussi proposer des prix compétitifs et des contrats flexibles pour résister à la concurrence. 

Pour éviter un scénario catastrophe, Alger doit urgemment diversifier ses débouchés et moderniser son modèle économique. La transition énergétique et les réformes structurelles ne sont plus des options, mais des impératifs. 

Dans un monde où la géopolitique de l’énergie évolue rapidement, l’Algérie n’a d’autre choix que de s’adapter à des chocs externes de plus en plus violents. Cherif Lahdiri
 

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