Pourquoi le paludisme tue principalement les bébés et les nourrissons ?
Le paludisme est une maladie potentiellement mortelle qui touche surtout les nourrissons, les jeunes enfants et les femmes enceintes, car leur organisme est plus vulnérable. Chez les bébés et les jeunes enfants, le système immunitaire n’est pas encore mature, ce qui les rend très sensibles aux formes graves de la maladie. Contrairement aux adultes vivant en zone endémique, ils ne bénéficient pas d’immunité partielle (prémunition). Le paludisme peut alors évoluer rapidement vers des complications sévères comme l’anémie, le coma ou la détresse respiratoire, souvent fatales sans prise en charge rapide. Le diagnostic est aussi plus difficile, car les jeunes enfants expriment mal leurs symptômes, ce qui retarde le traitement, surtout dans les régions où l’accès aux soins est limité. Chez les femmes enceintes, les changements physiologiques de la grossesse affaiblissent les défenses immunitaires, augmentant le risque d’infection et de complications. Le paludisme peut provoquer une anémie sévère, un paludisme placentaire (le parasite s’accumule dans le placenta), ainsi que des risques pour le bébé : faible poids de naissance, retard de croissance, accouchement prématuré, voire décès maternel ou néonatal.
Quels sont les facteurs de la maladie ?
En Algérie, plusieurs facteurs environnementaux et sanitaires augmentent le risque de transmission de la malaria, malgré les efforts de prévention et de surveillance. Tout d’abord, les cas importés constituent l’un des principaux facteurs de risque. La proximité avec des pays où le paludisme est endémique, comme le Niger et le Mali, entraîne l’introduction régulière de nouveaux cas sur le territoire algérien. Les conditions climatiques jouent également un rôle déterminant. La chaleur et l’humidité, combinées à des périodes de pluviométrie exceptionnelle et d’inondations, favorisent la prolifération des moustiques Anopheles, vecteurs du parasite Plasmodium. Ces conditions créent un environnement propice à la transmission de la maladie. La présence de zones favorables à la reproduction des moustiques, telles que les eaux stagnantes, marécages et retenues d’eau artificielles, contribue à la persistance du risque. Les moustiques trouvent dans ces milieux un habitat idéal pour leur développement, augmentant ainsi la probabilité d’infections dans les régions concernées. Enfin, l’afflux de malades en période d’épidémie dans les pays voisins représente un défi supplémentaire. Lors des flambées épidémiques dans ces régions, de nombreux patients affluent vers l’Algérie, où ils bénéficient d’une prise en charge médicale gratuite. Si ces individus sont porteurs du parasite, ils peuvent involontairement constituer un réservoir potentiel de transmission, nécessitant une surveillance accrue pour éviter une réintroduction du paludisme à plus grande échelle.
Quel est le traitement adapté en cas de paludisme grave ?
Selon le «guide national de prise en charge thérapeutique du paludisme» d’avril 2017, le traitement du paludisme grave a pour objectif de réduire la mortalité et d’éviter les séquelles neurologiques. Une prise en charge immédiate et adaptée est essentielle pour limiter les complications. Pour la prise en charge médicale, tout patient atteint de paludisme grave doit être admis en unité de soins intensifs.
L’administration de médicaments par voie parentérale est impérative durant les 24 premières heures, quelle que soit la gravité de son état. Le traitement recommandé est essentiellement de l’Artésunate injectable qui reste le traitement de première intention chez les adultes, les femmes enceintes et les enfants. Il est administré en intraveineuse (IV) ou intramusculaire (IM). A défaut d’Artésunate, la quinine injectable en perfusion reste une option thérapeutique efficace. Une prise en charge précoce avec ces traitements spécifiques permet de réduire significativement les risques de complications et d’améliorer le pronostic des patients.
Le paludisme sévit depuis des années, notamment en Afrique où 94% des cas sont recensés, mais les chercheurs peinent à mettre au point un vaccin. Pourquoi ?
Le développement d’un vaccin contre le paludisme rencontre des défis scientifiques, financiers et logistiques. Le parasite Plasmodium a un cycle de vie complexe, évoluant à différents stades avec des antigènes variés, ce qui rend la création d’un vaccin efficace difficile. De plus, sa capacité à contourner les défenses immunitaires et sa grande variabilité compliquent la mise au point d’un vaccin qui puisse être efficace à grande échelle. L’absence de modèle animal fiable, combinée à la structure biologique sophistiquée du parasite, ralentit la recherche. Sur le plan financier, le paludisme affectant principalement des pays à faible revenu, il attire peu d’investissements pharmaceutiques, et les coûts de production restent élevés, comme avec le vaccin «RTS,S», qui nécessite 4 doses et offre une protection limitée. Malgré ces obstacles, des progrès ont été réalisés, notamment le déploiement du vaccin «RTS,S», réduisant les formes graves de 70% dans certains pays d’Afrique, avec l’espoir d’améliorer son efficacité et sa durée de protection à l’avenir.
Selon le ministre de la Santé, l’Algérie est certifiée exempte de paludisme. Mais comment préserver cet acquis ?
L’Algérie a été certifiée exempte de paludisme par l’OMS en 2019, un succès sanitaire majeur qui doit être préservé par des mesures rigoureuses de surveillance et de prévention. Pour éviter la réintroduction de la maladie, il est crucial de maintenir une vigilance constante, notamment face aux cas importés provenant des pays voisins où le paludisme est endémique. C’est pourquoi, afin de préserver cet acquis est préserver l’élimination du paludisme, je recommande tout d’abord de renforcer la surveillance épidémiologique.
En effet, un suivi strict des cas suspects, notamment dans les zones frontalières, est indispensable pour détecter rapidement d’éventuelles infections et éviter toute propagation. Il faut aussi intensifier le contrôle des flux migratoires et des voyageurs. Un dépistage passif efficace des personnes venant de régions à risque permet d’identifier et traiter précocement les cas importés. Il est aussi important d’intégrer dans cette stratégie de préservation de l’acquis, lutter contre les moustiques Anopheles.
La surveillance entomologique doit être maintenue pour repérer la présence éventuelle de moustiques vecteurs et prévenir leur prolifération en assainissant les zones à risque (élimination des eaux stagnantes).
L’accès rapide aux soins et aux traitements est tout aussi important. En fait, une prise en charge médicale rapide et efficace des patients atteints est essentielle pour éviter toute transmission locale. L’aspect «sensibilisation et formation du personnel de santé» l’est tout autant.
La raison : assurer une formation continue des professionnels de santé aux protocoles de prise en charge et de prévention. Et enfin, j’estime important de promouvoir des mesures de protection individuelle, notamment à travers l’utilisation de moustiquaires imprégnées et de répulsifs pour les populations exposées, notamment en cas de voyage en zone endémique. Pour conclure, je dirai que maintenir l’Algérie exempte de paludisme nécessite un effort collectif, impliquant les autorités sanitaires, la population et les chercheurs. La prévention reste la clé pour préserver cet acquis et éviter toute résurgence de la maladie.
Propos recueillis par Sofia Ouahib
Bio express
Le docteur Mohammed Hammou est médecin tropicaliste et entomologiste médical, il est aussi personne ressource de l’Organisation mondiale de la santé et President of Arab Union of Pest Control and Environments Services.