Le président palestinien Mahmoud Abbas a exhorté le Hamas à libérer les otages israéliens, qu’il détient encore à Ghaza, à remettre son arsenal de guerre à l’Autorité palestinienne et à céder le pouvoir dans l’enclave que le parti islamiste dirige depuis 2007.
C’est ce qui ressort d’un long discours que M. Abbas a prononcé hier, à Ramallah, à l’ouverture de la 32e session du Conseil central palestinien, une instance de l’OLP. «Nous nous réunissons aujourd’hui sous la seule bannière de la Palestine et de l’OLP, représentant unique et légitime du peuple palestinien, dans un moment historique, un moment critique où nous sommes confrontés à de graves dangers qui s’apparentent à une nouvelle Nakba qui menace notre existence et risque de liquider l’ensemble de notre cause nationale», a déclaré Abou Mazen à l’entame de son discours qui a été repris dans son intégralité par l’agence Wafa.
Le président de l’Autorité palestinienne s’est attelé ensuite à dresser un tableau de la situation apocalyptique à Ghaza : «Dans la bande de Ghaza, notre peuple est soumis à une guerre génocidaire dans laquelle nous avons perdu jusqu’à présent plus de 200 000 citoyens, entre martyrs et blessés», a-t-il affirmé avant de lancer : «Ces victimes ne peuvent et ne doivent pas être considérées comme de simples chiffres. Jamais, mes frères et sœurs, ces martyrs et ces blessés ne pourront être de simples chiffres à compter dans les médias et dans les différents rapports. Ils ne peuvent pas être de simples “pertes tactiques” comme disent ceux qui ont ourdi la calamité du “coup d’État” pour servir l’occupation et tous les ennemis de notre peuple, et qui ont ensuite fabriqué des prétextes pour permettre à l’occupant d’achever son complot diabolique visant à détruire la bande de Ghaza et à déplacer sa population».
La charge vise évidemment le Hamas. Rappelons que ce n’est pas la première fois que Mahmoud Abbas s’en prend publiquement à son grand rival, lui reprochant d’avoir offert sur un plateau le prétexte idéal à Israël pour détruire et réoccuper Ghaza.

«40 000 enfants ont perdu l’un de leurs parents»
Dans son allocution, le leader palestinien s’est appliqué à détailler les pertes occasionnées par la machine de guerre sioniste. Chiffres à l’appui, Abou Mazen a dévoilé l’arithmétique sanglante du génocide en soutenant : «2165 familles ont été complètement anéanties et n’existent plus. 6664 familles ont été partiellement anéanties et ont perdu la plupart de leurs membres».
Il a indiqué aussi que parmi les 200 000 Palestiniens directement touchés par les raids israéliens, une statistique qui, faut-il le préciser, mêle les morts et les blessés, figurent 18 000 enfants, 3500 personnes âgées, «et plus de 11 000 personnes disparues, dont environ 4 700 enfants». «Près de 40 000 enfants ont perdu l’un de leurs parents ou les deux», a encore fait savoir le dirigeant de 89 ans. En Cisjordanie, les pertes sont également importantes. Al Dhiffa enregistre «de plus en plus de martyrs, de blessés et de prisonniers», dit Abbas en signalant que le nombre de morts depuis le 7 octobre 2023 «a atteint environ 1000 martyrs, dont 188 enfants».
«Dans le camp de Jénine, les forces d’occupation ont détruit et brûlé plus de 600 bâtiments entièrement ou partiellement, et plus de 21 000 citoyens ont été forcés par l’armée d’occupation à être déplacés du camp vers différentes régions du gouvernorat», a-t-il assuré.
Et à Tulkarm, «l’occupation a détruit 2 573 maisons, entièrement ou partiellement, et environ 24 000 personnes ont dû être déplacées». Mais c’est à Ghaza que les destructions des infrastructures ont été les plus ravageuses avec «plus de deux tiers des logements publics et privés touchés (…) sans compter les mosquées, les églises, les écoles, les universités, les jardins d’enfants, les hôpitaux, (…)». Le vieux combattant du Fatah n’a pas caché son exaspération devant la sidérante impunité dont jouit Israël : «Par cette agression barbare, la puissance occupante viole le droit international et la légitimité internationale, agit comme si elle était au-dessus de la loi, nie les accords qu’elle a signés avec l’OLP, déchaîne l’extrémisme et le terrorisme qui sont devenus la caractéristique dominante de sa politique à l’égard de notre peuple, nous assiège financièrement en volant les fonds de compensation palestiniens avec plus de deux milliards de dollars détenus par Israël, confisque les terres et les biens des citoyens, et déclare à plusieurs reprises son refus d’établir un Etat palestinien (…) et fait tout pour en empêcher la création en séparant la bande de Ghaza du reste du territoire de l’Etat palestinien approuvé par les Nations unies», a-t-il martelé.
«Le Hamas doit se mettre sous l’égide de l’OLP»
Et c’est en déroulant sa feuille de route et sa stratégie pour l’établissement d’un Etat palestinien que Mahmoud Abbas s’en est pris au Hamas à qui il reproche, en gros, de faire cavalier seul et de s’obstiner à ne pas se mettre sous la coupe de l’OLP et donc de l’Autorité palestinienne. L’institution qu’il incarne, a-t-il plaidé, doit assurer l’administration de la bande de Ghaza comme elle le fait en Cisjordanie, et doit pouvoir exercer «toutes ses responsabilités, sécuritaires et politiques, sur la base de l’unité du droit, de l’unité des institutions, de l’unité des armes légitimes et de l’unité de la décision politique».
Et cela, insiste Mahmoud Abbas, «signifie nécessairement que le Hamas doit mettre fin à son contrôle sur la bande de Ghaza, remettre son armement à l’Autorité nationale palestinienne et se transformer en un parti politique qui agit conformément aux lois de l’État palestinien».
Le président palestinien a invité en outre le mouvement islamiste à se soumettre à la fois à la «légitimité internationale» et «à la légitimité nationale représentée par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP)». Mahmoud Abbas a une nouvelle fois accablé violemment Hamas à propos des attaques du 7 octobre 2023 et leurs conséquences : «Pour être franc avec vous et mettre les points sur les i concernant nos affaires nationales internes, je me dois de le dire : depuis son coup d’Etat contre la légitimité nationale palestinienne en 2007 et son travail de sape tout au long de cette période pour séparer Ghaza de la Cisjordanie et de Jérusalem, en passant par les six guerres brutales qu’il a provoquées dans la bande de Ghaza, cela sans exempter l’occupant de sa responsabilité, le Hamas a infligé de graves préjudices à la cause palestinienne», assène-t-il. «Intentionnellement ou non, Hamas a fourni à l’occupant criminel des prétextes gratuits pour commettre ses massacres dans la bande de Ghaza, le plus flagrant (de ces prétextes) étant la prise d’otages», a-t-il accusé.
Ces conséquences, «c’est moi qui en paie le prix, c’est notre peuple qui en paie le prix, pas Israël (...) Libérez-les !», s’est écrié le vieux militant fatigué. «Les conséquences de toutes ces actions du Hamas, s’est-il encore évertué à expliquer, sont ce que nous vivons actuellement, en termes d’agression, de destruction et de fermeture des perspectives d’avenir pour notre peuple, ce qui nous oblige à mettre fin à son pouvoir dans la bande de Ghaza et à laisser l’OLP et l’Autorité nationale palestinienne légitime sauver le sang de nos concitoyens et protéger les intérêts et l’avenir de notre peuple». Mustapha Benfodil
Le Pakistan condamne le massacre des Ghazaouis
Le Premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif, a condamné le massacre de plus de 50 000 Palestiniens innocents par l’armée d’occupation sioniste dans la bande de Ghaza, appelant à un cessez-le-feu immédiat et à un acheminement sans entrave de l’aide humanitaire dans l’enclave palestinienne, ont rapporté hier des médias. «Nous avons appelé à un cessez-le-feu immédiat et à un acheminement sans entrave de l’aide humanitaire pour le peuple palestinien. Nous avons réitéré notre appel en faveur d’un Etat palestinien viable, indépendant et contigu, basé sur les frontières de 1967, avec El Qods pour capitale», a déclaré M. Sharif lors d’une conférence de presse conjointe avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, mardi à Ankara. Par ailleurs, le Premier ministre pakistanais a souligné l’importance des efforts conjoints pour «vaincre le fléau du terrorisme», non seulement au Pakistan et en Turquie, mais aussi «à travers le monde». Le Pakistan et la Turquie ont mis l’accent par la même occasion sur le renforcement de la coopération économique, notamment à travers des coentreprises et des investissements dans des secteurs tels que l’énergie, les technologies de l’information et les infrastructures, dans l’objectif commun d’atteindre «le seuil de 5 milliards de dollars d’échanges bilatéraux», a ajouté le responsable pakistanais.