La Belgique est «totalement en désaccord» avec la politique de Kigali dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) où le groupe armé M23, soutenu par des troupes rwandaises, a progressé ces derniers mois. C’est ce qu’a déclaré le chef de la diplomatie belge Maxime Prévot dans un entretien diffusé hier par l’AFP.
Ancienne puissance coloniale à la fois en RDC (ex-Zaïre) et au Rwanda, la Belgique a été l’un des pays les plus critiques de Kigali depuis l’offensive éclair du M23 lancée en décembre au cours de laquelle le groupe armé a pris le contrôle de Goma, capitale du Nord-Kivu, et de Bukavu, capitale du Sud-Kivu. «Je pense que le Rwanda, et c’est légitime, recherche la sécurité (...) mais je suis totalement en désaccord avec (...) la manière dont il agit dans l’est du Congo», a déclaré vendredi à l’AFP M. Prévot après une rencontre Kampala avec le président ougandais Yoweri Museveni.
Frontalier du Rwanda et riche en ressources, l’est du Congo est en proie à des conflits depuis 30 ans. Le chef de la diplomatie belge doit également rencontrer dans les prochains jours les présidents du Burundi et de la RDC, Evariste Ndayishimiye et Félix Tshisekedi, mais il ne se rendra pas au Rwanda en raison de la rupture diplomatique entre Kigali et Bruxelles actée le mois dernier.
Le Rwanda n’a jamais explicitement reconnu la présence du M23 sur le sol congolais. Kigali admet toutefois des préoccupations sécuritaires le long de sa frontière avec la RDC et réclame notamment l’éradication des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), fondées par des Hutusrwandais responsables du génocide des Tutsis.
Près de 4000 soldats rwandais soutiennent le M23 dans l’est de la RDC, selon des experts de l’ONU. Le Rwanda a accusé en mars l’ex-puissance coloniale d’avoir pris fait et cause pour Kinshasa, et de tenter de créer une «opinion hostile injustifiée» à son égard. Kigali a aussi dénoncé des «tentatives pitoyables» de «maintenir des illusions néocoloniales».
La Belgique est accusée d’avoir favorisé la division ethnique au Rwanda, qui a abouti au génocide des Tutsis en 1994 faisant au moins 800 000 morts. «La Belgique n’est certainement pas contre le Rwanda. Nous avons une longue histoire», a rétorqué M. Prévot. «Nous n’avons aucune nostalgie du colonialisme. Il n’y a aucun lien entre notre position actuelle et le génocide.»
La Belgique, selon lui, réagit «pour la défense du droit international, du droit humanitaire, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale. C’est notre seule boussole.» Il a également appelé au dialogue pour résoudre le conflit dans l’est de la RDC qui a fait ces derniers mois des milliers de morts, selon l’ONU et le gouvernement congolais. Le ministre a également salué les récents efforts diplomatiques menés par les Etats-Unis et le Qatar pour faciliter les pourparlers entre le gouvernement de la RDC et le M23, des «pas (qui vont) dans la bonne direction». Le Rwanda et la RDC se sont donné vendredi une semaine pour ébaucher un projet d’accord de paix.
Dans une déclaration signée sous l’égide des Etats-Unis à Washington, les deux Etats africains se sont aussi engagés à respecter leurs souverainetés respectives et à s’abstenir de soutenir des mouvements rebelles. Mercredi, le gouvernement congolais et le M23, qui mènent des pourparlers au Qatar, ont publié pour la première fois une déclaration conjointe inattendue dans laquelle ils disaient vouloir «œuvrer à la conclusion d’une trêve». «J’espère qu’il ne s’agit pas d’un écran de fumée et que tout le monde est sincère, cherchant à instaurer la confiance afin d’éviter de nouveaux combats», a souligné le chef de la diplomatie belge.