Conférence de Genève sur la protection du droit humanitaire en Palestine : Israël évoque une décision «infondée» de la Suisse

05/03/2025 mis à jour: 02:40
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Photo : D. R.

Israël déclare «infondée» la tenue, vendredi prochain à Berne, de la Conférence des Etats parties aux Conventions de Genève sur la protection des civils dans les Territoires palestiniens occupés. Il s’est attaqué à la Suisse, qu’il accuse d’avoir organisé une réunion décrite comme une «plateforme additionnelle pour l’attaquer».

Prévue vendredi prochain à Berne, la tenue de la Conférence de Hautes Parties contractantes aux Conventions de Genève sur la protection des civils dans les Territoires palestiniens occupés fait grincer des dents Israël. Son ambassadeur à l’Onu a dénoncé, lundi dernier, la décision «sans fondement» de la Suisse d’organiser une réunion sur le droit humanitaire, alors que Berne a été mandatée, en septembre 2024, par l’Assemblée générale de l’ONU.

Le représentant de la mission de l’Etat hébreu à Genève a déclaré que la décision suisse «montre que la Conférence est seulement prévue comme une plateforme additionnelle pour attaquer Israël», précisant plus loin qu’elle «enhardit les organisations terroristes qui n’ont fait preuve que d’un mépris total pour l’humanité et le droit». Le diplomate a dénoncé cette réunion technique qui a pour but de renforcer le droit humanitaire, en évoquant une approche «révisionniste» qui renforcerait les obligations des Etats.

L’ambassadeur s’est attaqué à la Suisse, gardienne des Traités du droit humanitaire, alors que le 18 septembre 2024, la Suisse, en tant que dépositaire des Conventions de Genève, a été mandatée par l’Assemblée générale de convoquer une conférence (dans un délai de 6 mois à compter de septembre 2024) des Hautes Parties contractantes sur le respect de la 4e Convention de Genève (protection de la population civile) dans les Territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem-Est. 

Le département fédéral des Affaires étrangères est en charge de l’organisation de cette Conférence, et le Conseil fédéral a été informé des travaux d’organisation en cours le 13 novembre 2024.

Elle intervient au moment où un plan de déplacement forcé de la population de Ghaza se profile, alors qu’en Cisjordanie occupée, la violente offensive militaire israélienne, qui dure depuis des mois, a provoqué le déplacement de 40 000 Palestiniens et la décision d’annexer ce territoire est exprimée par les responsables de l’armée d’occupation et les dirigeants politiques. Le ministre de la Défense, Israël Katz, a évoqué «un séjour prolongé» dans les camps de Cisjordanie, après avoir sommé la population à un exode sans retour.

«La Suisse agit sur mandat…»

Les déclarations du représentant israélien ont suscité la réaction de la Suisse. «Suite à cette invitation de l’Assemblée générale de l’ONU, je confirme qu’une conférence des Hautes Parties contractantes à la quatrième Convention de Genève se tiendra à Genève le 7 mars», a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Nicolas Bideau, à l’agence de presse britannique Reuters.

La quatrième Convention de Genève fait partie d’une série de traités internationaux conclus en 1949 après la Seconde Guerre mondiale et définit les protections humanitaires pour les civils vivant dans des zones de conflit armé ou d’occupation. Des réunions similaires à cette Conférence avaient déjà eu lieu en 1999, 2001 et 2014, a indiqué le département fédéral des Affaires étrangères.

Les Conventions de Genève, au nombre de quatre, sont des traités fondamentaux en droit international humanitaire. Adoptées en 1949, elles définissent les normes de protection des personnes en temps de guerre et visent à limiter les souffrances en prévoyant des règles de conduite pour les parties en conflit, notamment en protégeant les blessés, les prisonniers de guerre et les civils. Etant l’Etat dépositaire des Conventions de Genève, ce statut confère à la Suisse une responsabilité administrative, comme la tenue de la liste des Hautes Parties contractantes, la transmission et la conservation des textes, des communications et actes des Etats.

En tant que dépositaire, la Suisse agit sur mandat, dans l’intérêt et au service des Hautes Parties contractantes, et est tenue à l’impartialité. Les décisions qui découlent de cette Conférence ne sont pas contraignantes. Elles réaffirment plutôt les règles du droit international humanitaire et les obligations y afférentes des Hautes Parties contractantes. Toutes les Hautes Parties contractantes, dont Israël et la Palestine, ont été invitées à prendre part à cette conférence.

Celle-ci intervient alors que les dirigeants israéliens, encouragés et soutenus par l’administration Trump, ne cachent plus leur intention d’annexer la Cisjordanie occupée et d’occuper Ghaza, après l’expulsion de la population palestinienne.

Hier, le ministre extrémiste Bezalel Smotrich, qui défend de manière soutenue l’annexion de la Cisjordanien, s’est déplacé aux Etats-Unis au moment où Trump devait annoncer si sa Maison-Blanche soutiendrait une telle décision. Très probable, sachant que lors de son premier mandat, Trump a pris la décision de déplacer l’ambassade de son pays de Tel-Aviv à Jérusalem, en signe de soutien à l’annexion.

Lors d’une conférence de presse, au début du mois de février dernier, il avait déclaré qu’il ferait une «annonce» au sujet de la Cisjordanie dans environ un mois. Date qui coïncide avec son discours d’hier devant les deux Chambres. C’était au lendemainde la conférence de presse conjointe avec le Premier ministre israélien Netanyahu, en visite aux Etats-Unis, et durant laquelle il a surpris le monde en parlant de son plan d’expulsion définitive de la population de Ghaza, pour faire de l’enclave la «Riviera» du Moyen-Orient.

Expulsion sans retour et annexion

Smotrich, à la tête du Parti sionisme religieux pro-colonial, a, depuis le début de la guerre contre Ghaza, plaidé pour le démantèlement de l’Autorité palestinienne basée en Cisjordanie et pour la prise de contrôle des territoires de celle-ci, à travers la reconnaissance des nombreuses colonies illégales. Le même ministre ainsi que d’autres ont été à l’origine de la validation, par le Parlement israélien, d’un projet de loi visant à remplacer le terme de Cisjordanie par «Judée et Samarie», qualifiée par l’Autorité palestinienne «de grave escalade visant à annexer ce territoire occupé».

Dans un communiqué, elle a dénoncé une «escalade dangereuse des actions unilatérales illégales d’Israël, ouvrant la voie à l’annexion totale de la Cisjordanie, à l’imposition de la loi israélienne par la force et à un affaiblissement systématique de la possibilité d’établir un Etat palestinien et de résoudre le conflit par des moyens politiques pacifiques».

Pour l’Autorité palestinienne, «cette législation, ainsi que d’autres mesures d’occupation, ne confère aucun droit légitime à Israël sur les terres de l’Etat de Palestine. Elle est nulle et non avenue, illégale et constitue une violation flagrante du droit international et des résolutions des Nations unies, représentant une menace directe pour la sécurité et la stabilité régionales et mondiales». Elle a appelé à «une intervention internationale urgente pour stopper les tentatives d’Israël de modifier le statut politique, juridique et géographique de l’Etat de Palestine, reconnu internationalement».

Au mois de janvier dernier, le Parlement israélien avait adopté, en première lecture, un projet de loi permettant aux colons israéliens illégaux de s’enregistrer comme propriétaires légaux des terres en Cisjordanie occupé. Pour de nombreux experts, cette décision fait partie d’une série de mesures qui préparent l’annexion des territoires occupés depuis 1967.

L’approche, les politiques et les pratiques utilisées par Israël entrent dans le cadre de l’actuelle opération «Mur de fer» contre les camps de réfugiés dans le nord de la Cisjordanie, a écrit l’agence palestinienne Wafa.

Pour celle-ci, «elles constituent une indication de l’imposition d’un nouveau statu quo en Cisjordanie», ajoutant : «Il s’agit de changements significatifs dans la force et la fréquence des politiques et des pratiques de confiscation des terres, de répression de la résistance, de ségrégation, de fragmentation et d’isolement, afin d’atteindre des niveaux avancés d’expansion coloniale et de domination sur la Cisjordanie : l’expansion de la souveraineté israélienne par la politique de ségrégation, de fragmentation et d’isolement, qui englobe des bouclages plus robustes et plus complets, des démolitions massives de maisons et des confiscations de terres qui exacerbent les déplacements et les transferts forcés de Palestiniens et l’utilisation des mêmes méthodes génocidaires que dans la bande de Ghaza pour éliminer la résistance et démanteler les camps de réfugiés.»

Des changements précédés par l’interdiction de l’Unrwa, agence onusienne de prise en charge des réfugiés palestiniens, et des organisations non gouvernementales internationales. En 2023 et 2024, l’approbation par Israël des plans d’expansion coloniale a atteint un niveau record, et pour 2025, déclarée par Smotrich année de l’annexion, il est prévu 1800 unités de logement par mois, pour les nouvelles colonies et la construction de 1440 autres pour les colonisateurs dans les locaux de l’Unrwa, dont les travailleurs ont été expulsés. S. T.

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