Bangladesh : La fin de l’aide américaine menace la santé publique

07/05/2025 mis à jour: 21:47
AFP
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Le président Trump a rayé d’un trait de plume plus de 80% du budget d’aide humanitaire de l’USAID - Photo : D. R.

En plus de mettre en danger les programmes de santé publique, le gel de l’aide américaine a tué de nombreux emplois humanitaires.

Porter enfin un coup fatal à la tuberculose. En début d’année, le Bangladesh croyait encore l’objectif à sa portée mais la suppression soudaine de l’aide américaine a entièrement remis en cause des années de travail et d’investissements.

Officiellement, l’ambition est restée la même. «Le Bangladesh fait partie des sept pays au monde les plus touchés par la tuberculose, nous voulons l’éradiquer d’ici 2035», assure Ayesha Akhter, la directrice adjointe d’un hôpital de la capitale Dacca spécialisé dans la lutte contre cette maladie. La lutte contre cette bactérie virulente et très contagieuse qui affecte pour l’essentiel les poumons a récemment fait des progrès significatifs dans ce pays de 170 millions d’habitants.

Son taux de mortalité a reculé de 35% entre 2015 et 2023, avec 44 000 morts recensés cette année-là, selon les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Le fruit, selon Ayesha Akhter, d’un «programme robuste» financé par une subvention de 48 millions de dollars versée par l’Agence internationale américaine pour le développement (USAID). «Jusqu’à ce qu’un matin, comme ça, l’Agence nous retire son assistance», déplore-t-elle.

A son arrivée à la Maison Blanche, le président Donald Trump a rayé d’un trait de plume plus de 80% du budget d’aide humanitaire de l’USAID, au nom de la réduction des dépenses fédérales. Une catastrophe pour la santé publique de nombreux pays qu’elle finançait. Spécialement au Bangladesh, où l’aide américaine a «amélioré la détection de la tuberculose, notamment chez les enfants», rappelle Tariful Islam Khan, du Centre international pour la recherche des maladies diarrhéale (ICDDR).

«Soutien crucial» 

«Grâce au soutien du peuple américain (...) nous avons pu passer au crible 52 millions d’individus et diagnostiquer 148 000 cas de tuberculose entre 2020 et 2024», détaille-t-il. «Ce soutien est crucial pour la santé de millions de Bangladais comme pour le contrôle de la maladie dans le reste du monde», insiste M. Khan.

Sans surprise, la tuberculose n’est pas le seul front affecté par le retrait des Etats-Unis. «L’USAID était présente partout dans le secteur de la santé», souligne Nurjahan Begum, la ministre en charge dans le gouvernement provisoire qui dirige le pays depuis la chute de l’ex-Première ministre Sheikh Hasina l’été dernier.

Son aide tenait à bout de bras, entre autres, un programme de vaccination qui protégeait 2,3 millions d’enfants bangladais de la diphtérie, la rougeole, la polio et le tétanos. «Je suis très inquiète pour ce programme», confie la ministre, «s’il s’arrête, tous les succès obtenus seront remis en cause». Même préoccupation pour l’avenir d’une formule nutritive pour les nouveaux-nés spécialement mise au point au Bangladesh. «Elle venait juste d’être lancée...», se désole Mme Begum.

Au nom du département d’Etat, Audrey M. Happ a expliqué que Washington restait déterminé à ce que son aide reste «alignée sur les intérêts des Etats-Unis et que leurs ressources soient utilisées aussi efficacement que nécessaire». Pour parer au retrait américain, le Bangladesh, dont l’industrie textile est déjà gravement menacée par la «guerre des droits de douane» lancée par le locataire de la Maison Blanche, a commencé à se tourner vers d’autres partenaires.

«Grande difficulté»

Des pays arabes, la Chine et la Turquie pourraient les remplacer, selon la ministre de la Santé. En plus de mettre en danger les programmes de santé publique, le gel de l’aide américaine a tué de nombreux emplois humanitaires. Selon le quotidien Daily Star, 30 000 à 40 000 d’entre eux ont déjà été supprimés. Licenciée avec 54 de ses collègues de l’ONG Save The Children, Zinat Ara Afroze craint le pire. «J’ai vu combien nos projets avaient amélioré la vie des plus pauvres», dit-elle, nombre d’entre eux vont se retrouver dans la plus grande difficulté.

En tête de cette liste, le gros million de réfugiés de la minorité musulmane rohingya qui ont quitté la Birmanie pour échapper à la guerre. Une bonne partie de l’aide d’urgence qui leur est fournie par les agences onusiennes dans les camps de Cox’s Bazar provenait des Etats-Unis. La fin des financements américains y fait craindre à Salma Sultana, de l’OMS, des «épidémies incontrôlées».

Les cas d’hépatite C «vont sûrement augmenter en 2025» chez les enfants, complète sa collègue de l’Unicef, Faria Selim. A la tête de l’antenne bangladaise du Fonds de l’ONU pour la population (UNFPA), Masaki Watabe est tout aussi pessimiste. Même s’il assure «faire de son mieux pour continuer», il redoute que la fermeture de certaines cliniques faute de budget ne cause «une hausse de la mortalité maternelle et infantile».

 

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