Avant la reprise des discussions Washington-Téhéran à Rome : Le chef de la diplomatie iranienne est attendu à Moscou

15/04/2025 mis à jour: 00:45
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Abbas Araghchi , ministre iranien des Affaires étrangères - Photo : D. R.

Avant de nouveaux pourparlers entre Téhéran et Washington à Rome, le chef de la diplomatie iranienne est attendu à Moscou.

Le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi se rendra cette semaine à Moscou pour aborder la question des pourparlers entre l’Iran et les Etats-Unis, avant  de nouvelles discussions avec Washington samedi à Rome, rapporte l’AFP, citant des sources diplomatiques.

L’Iran et les Etats-Unis, qui n’ont plus de relations diplomatiques depuis 1980, ont échangé samedi dernier sous la médiation du sultanat d’Oman sur la question du nucléaire iranien. Des discussions qualifiées de  « constructives» par Téhéran. La Maison Blanche a salué «un pas en avant» et des discussions «très positives et constructives». Le lendemain, le secrétaire américain à la Défense, Pete Hegseth, a qualifié  les pourparlers de «très constructifs», tout en assurant que les Etats-Unis sauront «frapper fort» l’Iran en cas d’échec.

«Si on ne parvient pas à résoudre le problème à la table des négociations, il existe d’autres options pour s’assurer que l’Iran n’obtienne jamais de bombe nucléaire», a-t-il déclaré dans un entretien avec la chaîne CBS. Les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, soupçonnent de longue date l’Iran de vouloir se doter de l’arme nucléaire. Téhéran rejette ces allégations et défend un droit au nucléaire à des fins civiles, notamment pour l’énergie.

L’Iran et les Etats-Unis sont convenus de poursuivre les pourparlers le 19 avril, toujours sous médiation omanaise. Ces discussions se tiendront à Rome, a confirmé le chef de la diplomatie italienne Antonio Tajani. «Nous avons reçu la demande des parties concernées, Oman jouant le rôle de médiateur, et nous avons donné une réponse positive», a indiqué ce dernier, cité par les agences italiennes.

Avant ce nouveau cycle de pourparlers, Abbas Araghchi se rendra à Moscou. «Je tiens à préciser qu’il s’agit d’un déplacement qui était déjà prévu», a affirmé hier le porte-parole de la diplomatie iranienne, Esmaïl Baghaï, ajoutant lors d’un point presse que cette visite «en fin de semaine» serait «l’occasion d’aborder les derniers développements liés aux négociations». Le chef de la diplomatie iranienne s’entretiendra avec son homologue russe Sergueï Lavrov, a confirmé Moscou, sans préciser la date de cet entretien.

La Russie constitue avec  les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Chine ainsi que  l’Allemagne le Groupe 5+1 qui a conclu l’accord international sur le nucléaire  avec la République islamique en 2015, à Vienne. Le texte prévoit la levée en partie des sanctions internationales visant l’Iran en échange d’un encadrement de son programme nucléaire par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Selon cette instance onusienne, Téhéran respectait ses engagements.

En 2018, Donald Trump a retiré unilatéralement son pays de l’accord et rétabli des sanctions. En réaction, l’Iran est depuis progressivement revenu sur ses engagements. Il a ainsi augmenté le nombre et la performance de ses centrifugeuses, afin de produire davantage, mieux et plus vite de l’uranium enrichi sur ses sites de Natanz et Fordo (centre).

La décision de Donald Trump de se retirer de l’accord a en partie été motivée par l’absence de mesures contre le programme balistique de Téhéran, perçu comme une menace pour son allié israélien. «Le seul sujet des discussions sera le nucléaire et la levée des sanctions», a assuré dimanche Esmaïl Baghaï à la télévision d’Etat. L’influence régionale de l’Iran et ses capacités en matière de missiles figurent parmi «les lignes rouges» de l’Iran, a pour sa part averti l’agence iranienne Irna.

«Influence néfaste»

L’Iran est le seul Etat non doté d’armes nucléaires à enrichir de l’uranium à un niveau élevé (60%), tout en continuant à accumuler d’importants stocks de matière fissile, selon l’AIEA. Un seuil de 90% permet de fabriquer une arme atomique, selon le gendarme onusien du nucléaire.

L’accord de 2015 plafonnait ce taux à 3,67%. Au moment où l’Iran multiplie les initiatives diplomatiques, le chef de l’AIEA, Rafael Grossi, a annoncé hier sur le réseau social X qu’il se rendrait dans le pays «cette semaine ». Il «arrivera à Téhéran mercredi soir», a rapporté Irna, citant un responsable du ministère des Affaires étrangères. Il rencontrera A. Araghchi ainsi que le chef de l’Organisation iranienne de l’énergie atomique (OIEA), Mohammad Eslami, a précisé Irna.

La précédente visite en Iran de Rafael Grossi remonte à novembre. Il s’est alors rendu sur les sites nucléaires de Natanz et Fordo. Affaibli par les revers infligés par Israël à ses alliés régionaux, le Hezbollah au Liban et le Hamas à Ghaza et la chute du président syrien Béchar Al-Assad, l’Iran cherche à obtenir la levée des sanctions qui étranglent son économie. En parallèle, les conflits à Ghaza et au Liban ont attisé les tensions entre l’Iran et Israël, qui ont mené des attaques militaires réciproques pour la première fois après des années de guerre par procuration.

La reprise des négociations intervient alors que les Etats-Unis renforcent, en guise d’avertissement à Téhéran, leur présence militaire dans la région, avec le déploiement d’un second porte-avions, l’USS Carl-Vinson. Le président Donald Trump a adopté une politique de «pression maximale » à l’égard de l’Iran et imposé de nouvelles sanctions visant son programme nucléaire et son secteur pétrolier.  En 2020, sous son ordre est éliminé physiquement le général Qassem Soleimani architecte de l’influence iranienne au Moyen-Orient. En février, il a signé un mémorandum exécutif intitulé « Imposer une pression maximale au gouvernement de la République islamique d’Iran, interdire à l’Iran tout chemin vers une bombe nucléaire, et contrer l’influence néfaste de l’Iran».

Le 1er avril, le Pentagone a annoncé l’envoi de troupes supplémentaires et d’appui aérien dans le au Moyen-Orient. 
Le 7, tout en annonçant la tenue des discussions à Oman le locataire de la Maison Blanche, il a prévenu que si ces pourparlers échouent en vue d’un règlement de la question nucléaire, ce serait «un très mauvais jour pour l’Iran», qui se retrouverait «en grand danger». Et d’ajouter : «Je pense qu’il serait dans le meilleur intérêt de l’Iran qu’elles réussissent».

Le président américain, qui ne cesse de menacer d’attaquer l’Iran, a encore fait monter la pression mercredi en déclarant qu’une intervention militaire est «tout à fait» possible en cas d’absence d’accord. «S’il faut recourir à la force, nous recourrons à la force. Israël y sera bien évidemment très impliqué, il en sera le chef de file », a averti D. Trump. «Je veux que l’Iran soit un pays merveilleux, grand et heureux. Mais il ne peut pas avoir d’arme nucléaire», a-t-il soutenu vendredi.

Le même jour, l’émissaire spécial de Donald Trump, Steve Witkoff, a déclaré au Wall Street Journal que «la militarisation de la capacité nucléaire» de l’Iran constitue une «ligne rouge» pour Washington. «Notre position commence par le démantèlement de votre programme. C’est notre position aujourd’hui. Cela ne veut pas dire, qu’à la marge, nous n’allons pas trouver d’autres moyens pour tenter de parvenir à un compromis», a-t-il dit.  

 

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