La surconsommation de boissons énergisantes est un phénomène mondial qui commence à prendre de l’ampleur en Algérie. Les jeunes et les adolescents en boivent beaucoup, notamment en milieu scolaire, parce qu’ils ont la certitude avec leurs parents qu’ils peuvent «tenir le coup» durant la journée, booster leur réveil, avoir plus de capacités mentales pour les aider lors des examens et pendant leurs études et aussi dans les salles de sport.
«C’est très effrayant et même alarmant», constate l’association pour la protection des consommateurs El Aman qui tire la sornette d’alarme. «On va devoir agir pour mener des campagnes de sensibilisation partout à travers les médias, dans les mosquées, les écoles et les salles de sport», a affirmé Hacène Menouar, président de cette association.
Il faut savoir, a-t-il ajouté, que «beaucoup de produits et de compléments alimentaires font partie de la composition de ces boissons qui se vendent dans les salles de sport». El Aman s’est ainsi alliée à l’Association nationale de santé scolaire (ANSC) pour étudier cette problématique avant de se prononcer, de communiquer et d’élaborer un recueil de recommandations aux pouvoirs publics.
Une rencontre a déjà réuni les deux parties avec des médecins de différentes spécialités. Il y avait même un pédopsychiatre et un expert en agroalimentaire. Nabila Bessam, présidente de l’ANSC, a affirmé de son côté : «On a remarqué un boom dans la consommation excessive des boissons énergisantes, surtout par les adolescents du collège et du lycée.
Cela a un impact nocif sur leur santé surtout sur le plan cardiaque (des palpitations, voire des arrêts cardiaques), l’anxiété et troubles de sommeil.» Red Bull, Black Dog, Frelon, Diablo et Red Dragon, on ne compte plus les boissons énergisantes dans les rayons des magasins et les frigos des snacks en Algérie qui débarquent chaque année sur notre marché. Même la marque nationale Ifri s’est lancée dans ce business juteux avec deux marques Izem Energy et Azro.
L’influence de la publicité
Si elles séduisent par leur promesse d’énergie et de dynamisme, elles nécessitent toutefois une consommation modérée et responsable. Avec un marché en constante expansion et des acteurs toujours plus nombreux, il sera intéressant de suivre l’évolution de cette tendance et son impact sur la santé publique.
Ces boissons sont consommées par les jeunes, plutôt en milieu scolaire ou festif, lors de soirées, ou de fêtes. Elles sont consommées essentiellement comme stimulants, lors de périodes d’examens par exemple. Elles sont considérées comme «branchées» (la communication des producteurs est fortement axée dessus) et censées aider le consommateur à rester en forme.
Pour gagner en notoriété, chaque entreprise de boissons énergisantes a son plan de conquête, mais la majorité privilégie les canaux de diffusion non traditionnels, beaucoup plus subtils, tels que les événements sportifs et les concerts, les sites internet des fabricants et les réseaux sociaux comme Facebook. Les marques font passer les messages tout en douceur…
De nombreuses marques de boissons énergisantes mobilisent, dans leurs plans marketing, l’image du sport de haut niveau et des sports extrêmes, afin que ces produits soient perçus comme énergétiques et fortifiants. Utiliser l’image des sports extrêmes leur permet aussi d’associer à ces produits des valeurs telles que le dépassement de soi. Un marché qui enregistre en Algérie une croissance estimée à 10% chaque année. La consommation des boissons énergisantes concerne surtout les hommes. Elle est accentuée par un phénomène de mode.
Pourquoi elles inquiètent les experts en santé ?
La rencontre a mis en exergue les incidents qui sont arrivés, notamment parmi les jeunes qui sont décédés, en pleine séance de sport. Les investigations ont trouvé que ces produits pourraient être suspects. «Au regard des expériences qu’on a eues durant les 20 à 30 années par rapport à la consommation des stupéfiants, du tabac, plus on laisse faire, plus ça prend de l’ampleur, plus il y a de la dépendance.
On voudrait faire une barrière notamment pour ralentir ce phénomène. Ce qui nous a un petit peu interpellé aussi, c’est le fait que ce sont des boissons qui sont très accessibles aux jeunes, qui se vendent pas chers du tout dans les grandes surfaces et les supérettes. C’est pratiquement le même prix qu’une canette de jus ou de limonade (entre 80 et 100 DA).
Une consommation qui risque d’aboutir à l’accoutumance», explique Hacène Menouar. Derrière des promesses marketing attrayantes se cachent des dangers cette fois-ci bien réels pour la santé. Ces produits, en raison de leur forte teneur en caféine, peuvent créer une dépendance insidieuse. Les jeunes, parfois inconscients des effets à long terme, deviennent dépendants de ces boissons pour maintenir leur énergie ou leur concentration, au détriment d’un mode de vie sain.
Dans la composition, il y a la caféine avec une dose importante interdite pour l’enfant et l’adolescent, et une teneur très élevée en sucre susceptible de provoquer une hyperglycémie et affecter le rythme cardiaque et peut dégénérer en «mort subite». En réalité, le cœur est soumis quasiment à une épreuve d’effort à chaque fois qu’on va consommer un de ces produits. Et puis même si c’est écrit que «c’est interdit aux enfants de moins de 16 ans» sur l’étiquette, ou que c’est déconseillé lors de l’exercice physique intense, ces boissons sont consommées dans les écoles.
L’association El Aman compte se mobiliser parce qu’il s’agit de la santé publique et essayer de voir avec les opérateurs pour faire aussi des efforts, que ce soit dans le prix de la boisson ou dans son emballage, pour la rendre difficilement accessible. Les pouvoirs publics pourront également taxer encore plus ces produits pour faire augmenter le prix et l’interdire dans les milieux scolaires. Un deuxième atelier plus élargi va être organisé avant d’adresser des écrits aux pouvoirs publics, à tous les ministères concernés et préparer de grandes actions de sensibilisation avant le Ramadhan, les
examens scolaires et la saison estivale.