Dans un communiqué publié dimanche sur Telegram, la présidence syrienne a annoncé que «dans le souci de rétablir la paix civile et faire éclater la vérité», Ahmad Al Charaa a ordonné «la création d’une commission nationale indépendante pour enquêter sur les événements survenus sur la côte syrienne». Ces événements, les plus violents depuis la chute de Bachar Al Assad, ont fait près de 1500 morts dont 943 civils, selon l’OSDH.
Alors que le ministère syrien de la Défense a annoncé hier la fin des opérations militaires contre les factions pro-Al Assad sur la zone côtière, à l’ouest du pays, après quatre jours de combats virulents, la situation est loin de s’apaiser dans la région alaouite.
Ce territoire, faut-il le rappeler, est secoué par des affrontements sanglants, accompagnés de violences et d’exactions contre la communauté alaouite d’une extrême brutalité, qui se sont soldés par des centaines de morts.
«Les zones côtières syriennes et les montagnes de Lattaquié ont été le théâtre d’événements douloureux et d’opérations de liquidation sur une base sectaire et régionaliste, tuant des centaines de citoyens, y compris des femmes et des enfants», déplorait hier l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). L’ONG accuse ouvertement «les forces de sécurité, les éléments du ministère de la Défense et les forces alliées» d’avoir commis «des crimes de guerre et des violations des droits de l’homme».
Selon un bilan actualisé hier, lundi 10 mars, à la mi-journée, l’OSDH dit avoir documenté «39 massacres depuis le début de l’escalade». «Le nombre global des personnes qui ont été liquidées a été de 973 civils, dont des femmes et des enfants», affirme l’organisation sur son site.
Dans les deux gouvernorats à majorité alaouite, à savoir Lattaquié et Tartous, l’ONG a recensé 807 morts : 545 dans le gouvernorat de Lattaquié et 262 dans celui de Tartous. «Ces crimes s’inscrivent dans un contexte de représailles généralisées à l’encontre des membres de la communauté alaouite», précise l’organisation dirigée par Rami Abdel Rahman. Elle parle de «massacres continus, d’incendies de maisons et de déplacements forcés, en l’absence de toute intervention internationale pour mettre un terme à ces tueries».
Ces crimes sont imputables à la fois à des membres des nouvelles forces gouvernementales aussi bien qu’à des groupes armés d’origine incertaine, qui appuient les forces de sécurité dans leur guerre contre les milices fidèles au régime déchu. S’agit-il d’anciens combattants de Hayat Tahrir Al Sham, sachant que le groupe HTS a été officiellement dissous, selon son ancien commandant en chef, Abou Mohamad Al Joulani ? S’agit-il de factions qui ont fait partie de la coalition qui a fait tomber Bachar Al Assad ? Serait-ce des groupuscules djihadistes proches de Daech, sachant que ces derniers sont implantés plutôt autour de Rakka et Kobané ? Seule l’enquête confiée à la commission que vient de mettre en place le gouvernement de transition le dira.
Un comité indépendant pour «faire éclater la vérité»
De fait, devant l’ampleur des atrocités commises à l’encontre de la minorité alaouite, la présidence syrienne a annoncé, via un communiqué publié dimanche sur Telegram, que «dans le souci de rétablir la paix civile et faire éclater la vérité», Ahmad Al Charaa a ordonné «la création d’une commission nationale indépendante pour enquêter sur les événements survenus sur la côte syrienne le jeudi 6 mars 2025».
Ce comité est chargé «de faire la lumière sur les causes, les circonstances et les conditions qui ont conduit à ces événements, d’enquêter sur les violations dont les civils ont été victimes et d’identifier les responsables». Le président syrien par intérim a accusé «des parties extérieures» de vouloir semer le chaos dans le pays. «Nous ne permettrons à aucune force extérieure ni à aucun acteur local d’entraîner la Syrie dans le chaos ou la guerre civile», a-t-il averti. Des médias, dont Al Arabiya, ont insinué que Téhéran serait impliqué dans les attaques fomentées par les groupes pro-Al Assad, et qui ont été à l’origine de ces violences.
«Cette accusation est totalement ridicule», a déclaré le porte-parole de la diplomatie iranienne, Ismaïl Baghaï, cité par l’AFP. «Pointer du doigt l’Iran et les amis de l’Iran est une erreur (...) et est totalement trompeur», a-t-il martelé. Nous le disions au début de cet article : le ministère syrien de la Défense a annoncé hier la fin des opérations militaires dans la zone côtière à la poursuite des partisans de l’ancien régime. «Nous annonçons la fin de l’opération militaire (...) après le succès de nos forces pour atteindre tous les objectifs fixés», a affirmé le porte-parole du ministère, Hassan Abdel Ghani, cité par l’agence officielle Sana. D’après lui, les forces gouvernementales ont «réussi à contenir les attaques contre ce qui reste du régime déchu».
Cette contre-offensive a fait près de 1500 morts en quatre jours, selon l’OSDH, dont 973 parmi les civils, le reste étant des membres des forces de sécurité et des factions rivales. Toujours d’après l’Observatoire syrien des droits de l’homme, 231 pertes ont été enregistrées dans les rangs des nouvelles forces de sécurité contre 250 dans le camp des milices pro-Al Assad.
Côté officiel, aucun bilan n’a été rendu public jusqu’à présent concernant ces affrontements. Il est certain cependant qu’il s’agit de l’épisode le plus sanglant depuis la chute de Bachar Al Assad, le 8 décembre 2024. Mustapha Benfodil
ERDOGAN. : LA TURQUIE CONTINUERA D’APPORTER «TOUS LES SOUTIENS» À LA SYRIE
La Turquie «continuera d’apporter tous les soutiens possible» à la Syrie, a indiqué hier soir le président turc, Recep Tayyip Erdogan, après plusieurs jours de violents affrontements dans l’ouest du pays. «Nous continuerons d’apporter tous les soutiens possible à la Syrie, pour qu’elle se redresse et préserve son intégrité territoriale et son unité et parvienne à la paix avec toutes ses composantes ethniques et communautaires», a indiqué M. Erdogan devant les membres de son cabinet. «La Turquie condamne fermement toute attaque, tout acte terroriste et toute violence visant l’unité, l’intégrité territoriale et la paix en Syrie», a poursuivi le chef de l’Etat, ajoutant avoir «pris les mesures nécessaires pour empêcher que les violences se propagent» à la Turquie. La Turquie, qui soutient le gouvernement intérimaire à Damas, compte toujours plusieurs milliers de soldats déployés sur le territoire syrien. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie, plus de 1000 civils ont été tués depuis le 6 mars dans des affrontements entre les forces de sécurité syrienne, leurs alliés et des partisans du président déchu Bachar Al Assad. Ces tueries ont eu lieu dans la région de l’Ouest peuplée par la minorité alaouite, dont est issu Bachar Al Assad et qui a été particulièrement ciblée.