Amérique latine : L’or vaut plus que la cocaïne et les cartels changent de terrain

02/07/2025 mis à jour: 04:21
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Photo : D. R.

A 3500 dollars l’once, l’or attire plus que jamais les convoitises. Mais derrière ce métal précieux se cache une réalité brutale : en Amérique latine, les mafias ont délaissé la drogue pour une manne encore plus lucrative.

A 3500 dollars l’once, l’or n’a jamais été aussi cher. Et dans l’ombre de ce marché florissant, une ruée sauvage se déchaîne en Amérique latine. Les cartels ont trouvé un filon plus juteux que la cocaïne : l’or illégal. Une enquête de The Economist révèle qu’au Pérou, 44% des exportations d’or proviendraient désormais de mines clandestines, contre 20% il y a dix ans. Au Brésil, les revenus générés par le trafic d’or (3 milliards de dollars) dépassent désormais ceux du narcotrafic (2,5 milliards). Une mutation inquiétante, où les réseaux criminels exploitent les mêmes pistes d’atterrissage et les mêmes circuits de blanchiment pour ces deux marchés parallèles.
Au Pérou, la province de Pataz vit sous la terreur : 13 gardes miniers exécutés, 39 morts en trois ans, deux charniers découverts en six mois. En Colombie, à Buriticá – la plus grande mine du pays – le Clan del Golfe affronte les forces de l’ordre après avoir volé pour 200 millions de dollars de minerai.
Des zones, devenues de véritables champs de bataille où les gangs déploient des tactiques militaires : mercenaires armés jusqu’aux dents, embuscades contre l’armée, attaques au lance-roquettes contre les procureurs trop zélés... Un constat s’impose : sous les pieds des mineurs légaux, c’est toute une économie parallèle qui prospère – violente, organisée, et de plus en plus difficile à éradiquer.
Les Etats latino-américains doivent désormais combattre sur deux fronts : contre les cartels de la drogue... et contre leurs propres mines. Au Pérou, l’état d’urgence décrété à Pataz n’a pas freiné l’emprise des mafias minières.
Pire, l’Amazonie paie un tribut écologique sans précédent – avec une déforestation qui a doublé depuis 2018 et des fleuves durablement contaminés au mercure. En outre, certains régimes ont choisi leur camp. Au Venezuela, Nicolás Maduro avait transformé l’armée en garde rapprochée des mafias aurifères, monnayant leur protection contre une loyauté politique.

Une répression au compte-gouttes

Les tentatives de régulation du secteur minier illégal se heurtent à une réalité implacable : corruption, détournement des systèmes et manque de moyens. Au Pérou, le registre REINFO, conçu pour légaliser les mineurs artisanaux, est devenu une machine à blanchir l’or des gangs. Résultat ? Moins de 3% des inscrits obtiennent un permis, tandis que les documents falsifiés ou volés circulent massivement.
En Bolivie, le gouvernement soutient officiellement les coopératives minières, censées représenter une alternative légale. Mais beaucoup opèrent en marge de la loi, exploitant des zones interdites et échappant à tout contrôle environnemental.
Une hypocrisie qui profite aux réseaux criminels, tandis que les budgets alloués à la répression restent dérisoires – bien au-dessous des moyens mobilisés contre le narcotrafic. Pour les experts, la solution ne viendra pas des opérations militaires, symptômes d’un État dépassé. Seule une refonte profonde du secteur minier, associant traçabilité, régulation stricte et alternatives économiques, pourrait briser l’emprise des mafias. En attendant, l’or illégal continue de prospérer – avec la complicité, passive ou active, des pouvoirs publics.

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