En évoquant le drame palestinien depuis trois quart de siècle, on n’a rien fait d’autre qu’annoncer et commenter l’entêtement du malheur, de la haine et de la terreur sionistes. Avec toujours sa comptabilité macabre, ses chiffres horribles d’une tragédie innommable, dont on ne voit pas la fin ni la manière de la qualifier, tant les mots n’ont plus de sens, puisqu’ils ont dépassé les limites humaines et qui hélas a abouti à cette routine de l’horreur, à ce grand cauchemar permanent, dont le monde semble s’accommoder avec désormais cette vérité : la vie humaine n’a plus de valeur à voir des milliers d’enfants et de bébés palestiniens massacrés ou brulés vifs.
Le reportage vivant, De Londres à Jérusalem, terreur promise qui se lit d’un trait, consigné dans un livre par son auteur, notre ami Akli Ourad, frère cadet de notre confrère Meziane, (à qui nous souhaitons prompte guérison), nous livre un autre regard, un diagnostic morbide et effarant. Ancien ingénieur diplômé de l’Ecole nationale des travaux publics d’Alger et expert en économie routière, Akli est établi à Londres depuis des années où il exerce dans une prestigieuse entreprise. En juin 1999, il est envoyé par son employeur en territoires palestiniens, pour le compte de la Banque mondiale.
Cette mission exceptionnelle est accueillie avec enthousiasme par le concerné. «Un Algérien se rendant en Palestine est différent d’un autre citoyen du monde en dehors de ceux venus des terres de la révolution.» «Une opportunité m’a été offerte, un témoin visuel de ce que le colonialisme et un régime d’apartheid similaire à ceux qui ont frappé ma patrie avant que je ne vienne au monde (l’auteur est né à Aïn El Hammam en janvier 1962, ndlr)», souligne l’expert d’un bureau d’études connu (Sir Alexander GIBB & Partners, Birmingham).L’itinéraire transmis à Akli indiquait un parcours qui passe par Tel-Aviv où un chauffeur devait venir le récupérer pour le conduire à Naplouse et enfin la Cisjordanie.
Mais avant le départ vers «l’inconnu», le narrateur évoque les humiliations subies par le passager d’El Al et son parcours du combattant «des plus escarpés dans l’histoire de l’aviation».A l’aéroport de Londres, le paisible voyageur subit un interrogatoire dirigé par... des agents du Mossad.
Akli Ourad ne fut pas au bout de ses surprises, puisqu’à son arrivée à l’aéroport David Ben Gourion, les collègues des premiers (Shin Bet) chercheront à connaître ses origines et l’objet de sa mission. «La leçon d’histoire que j’ai donnée au Shin Bet a provoqué un bouleversement incroyable chez mes geôliers du moment», assène celui qui affirme avoir quitté le centre d’interrogation aéroportuaire après plus de trois heures de questionnement, «complètement éreinté, mais fier d’avoir atteint mon objectif principal qui est de voir comment vivent les Palestiniens et la façon dont ils sont traités».
Comme on le constate, ce livre témoignage a été inspiré par une mission casse cou et hautement dangereuse que notre téméraire Akli a acceptée. «Il m’avait été assigné l’impératif d’aider l’Autorité palestinienne dans la gestion d’un réseau routier, que l’Etat colonial d’Israël avait rejeté, avant de finalement le céder à Yasser Arafat. C’était une expérience bouleversante, qui était restée ancrée dans ma mémoire pour toujours. Ce souvenir a été réveillé brutalement par ce génocide rampant dans la bande de Ghaza, soutenu par un Occident lâche et hypocrite, pratiquant la politique honteuse du deux poids, deux mesures.»
L’occident complice, ou le déni de génocide
En fait, pourquoi l’Occident a-t-il pris fait et cause pour les génocidaires sionistes. L’auteur évoque deux types de génocides : le génocide lent : assassinats, massacres, expropriations, emprisonnements sans jugements, et ce, depuis 1948 ; le militant Berghouti en est l’exemple le plus frappant. Le génocide massif, en tuant à l’échelle industrielle, comme c’est le cas depuis le 7 octobre 2024, avec le massacre de civils plus de 50 000, en majorité des femmes et des enfants innocents. Le tout converge sur ce qu’on appelle le nettoyage ethnique évoqué par Vincent Monteil dans son ouvrage sur les pratiques criminelles talmudiques.
Comme toute explication historique est en définitive d’ordre psychologique, et si les Européens, notamment, ont mal à leur histoire, c’est là dans leur tête que se situe le nœud du problème de leurs relations avec les autres, ceux qui vivent avec eux, comme ceux qui y aspirent. Ils se sentent, et à juste titre, doublement coupables d’avoir trop réussi la colonisation et d’avoir raté la décolonisation. Ils n’ont pas eu leur pareil, pour mettre le monde en coupe réglée, exploiter ses hommes et ses richesses et ils sont partis en laissant derrière eux le chaos.
Akli rappelle que «ce voyage exceptionnel a déjà fait l’objet d’un article dans le journal Liberté aujourd’hui disparu, la même année du voyage sous le titre ‘’Tribulations d’un Algérien en Israël’’. Je vous emmène avec moi au cœur d’un système d’apartheid bien plus cruel que celui subi par les concitoyens de Modiba qui a commencé paradoxalement aussi en 1948 à une époque où un Etat artificiel a été établi au cœur de la Palestine historique par les puissances occidentales, consumées par leur culpabilité face à l’ampleur de l’Holocauste ou Shoah, perpétré par l’un d’entre eux avec la complicité de la plupart des régimes européens qui se sont alignés pour livrer ‘’leurs’’ juifs afin de se préserver de la fureur du Führer».
Une histoire instructive et poignante
L’histoire de Akli commence ainsi. «En juin 1999, mon téléphone sonne sur mon bureau. Je décroche. Au bout de la ligne, mon DG me demande de le rejoindre dans son bureau. A cette époque ? Je travaillais pour un bureau d’études anglais situé à Birmingham, où j’occupais le poste d’ingénieur principal dans le domaine de l’ingénierie civile, plus particulièrement les routes».
Akli était prêt à toutes propositions ayant affronté des situations invraisemblables au Congo, au Mali, au Liban, au Bangladesh où il a miraculeusement échappé à une tentative d’enlèvement. «Tu dois partir en Cisjordanie pour un travail qui s’inscrit dans le cadre des accords d’Oslo. Nous venons d’être sollicités par la Banque mondiale pour effectuer une mission pour eux dans les territoires palestiniens».
Prévoir, c’est voir l’impensable. La vie c’est une leçon de surprises. Si notre enquêteur intransigeant a tenté l’aventure avec tous ses risques, il faut croire qu’il est fort en sentiments. Et sentiment vient bien sûr de «sentir». C’est l’un des cinq sens. Mais c’est le seul qui exprime aussi une opinion, un jugement de fond pour un homme ou un événement. Akli avait cela, doublé d’une forte attirance pour le risque.
Tenter, oser, transmettre, ne pas abandonner, tel était son crédo et son leitmotiv, dont la première vertu est sans conteste l’entêtement. Même s’il sait dans son for intérieur que le plus fort sentiment de ce monde, avec l’amour, est... la peur. Le courage n’est pas de ne pas avoir peur, mais de dominer sa peur.
De savoir lui dire : attends, il y a plus urgent, passe après... En mission, presque sacrée, ce mot, revêt une importance particulière, surtout s’il se conjugue avec l’honneur comme c’est évidemment le cas de notre reporter de guerre. Son témoignage réel, incisif, sur le vif, a de quoi réveiller en sursaut les âmes assoupies, écrasées par les routines ambiantes et les fades accoutumances.
Son constat est comme un jet de lumière sur un abîme de monstruosités, sur le tout-venant médiatique qui fait souvent songer à ce cynisme assumé de certaines voix racistes, suprématistes, talmudistes, sataniques, mais amnésiques, lorsqu’il s’agit de la tragédie humaine qui a dépassé les limites de l’horreur qui se déroule à huis clos, notamment à Ghaza.
Dans ce périple passionnant mais périlleux, Akli a rencontré des Palestiniens formidables, des intellectuels progressistes, des forts et des faibles, des riches et des pauvres, mais tous avec le même dénominateur : un avenir abimé et... incertain. Avec toutefois, cette vérité, «il est avéré que le passé révolutionnaire de notre pays a fait de nous des partisans systématiques des causes justes.
Ce sentiment d’amour sincère envers les Algériens, je l’ai aussi trouvé dans plusieurs autres pays ayant connu le même parcours révolutionnaire que nous. J’ai vécu ces émotions de reconnaissance dans des pays de lutte indépendantiste comme l’Afrique du Sud, la Namibie ou l’Irak, où les marques d’hospitalité pleuvaient sur moi, dès que je déclinais ma nationalité.
Des attaques injustifiées
Akli a raison de clouer au pilori certaines voix égarées qui ont voulu vainement porter préjudice à son combat juste et légitime et à travers sa personne distinguée, à toute l’Algérie, il s’en est offusqué et leur a répondu bien comme il faut : «Suite à mon dernier post fb dénonçant la trahison perpétuelle du sieur KD de la cause palestinienne, au profit de ses nouveaux maîtres crifistes, j’ai subi une attaque en règle des milieux MAKistes et autres Kabylo-centriques me reprochant ma solidarité humaine avec ce peuple meurtri, sous prétexte que les Palestiniens ne sont pas des nôtres.
Je rappelle à cette meute sans cœur et collaboratrice avec l’entité génocidaire une vérité qu’elle ne peut nier. Durant notre révolution, alors que le peuple palestinien subissait encore les conséquences du nettoyage ethnique de 1948 et l’occupation brutale de ses terres, il ne s’est pas replié sur lui-même.
Malgré la souffrance, malgré l’exil, il a collecté des fonds, de ses maigres revenus, et les a envoyés à la lutte algérienne, par les réseaux du FLN. Les archives du FLN (réunion du CNRA du Caire -1957) et les témoignages d’anciens moudjahidine (Ali Haroun) et historiens algériens (Harbi) confirment que des délégations palestiniennes remettaient ces contributions, parfois en main propre, à nos représentants dans les capitales arabes, notamment au Caire et à Damas. Ce soutien n’était pas symbolique : il était vital, concret, inscrit dans notre histoire.
Akli Ourad, dans son infinie générosité et ne voulant limiter sa militance à sa seule personne, rappelle que «depuis des années, de nombreuses organisations internationales, dont Human Rights Watch, ainsi que des ONG israéliennes comme B’Tselem et Yesh Din, documentent la réalité d’un régime d’apartheid en Israël et dans les territoires qu’il contrôle.
Deux systèmes coexistent sur un même espace : une démocratie incomplète pour les citoyens juifs, où les Palestiniens d’Israël sont des citoyens de seconde zone, et un régime d’occupation militaire implacable en Cisjordanie et à Ghaza, où des colons ultra-militarisés jouissent de droits exclusifs tandis que la population autochtone subit répression et dépossession.
Ce qui distingue cet apartheid de celui de l’Afrique du Sud, c’est son intensité et sa dynamique expansionniste. Alors que les Afrikaners n’avaient pas recours à l’importation massive de colons pour modifier l’équilibre démographique, l’entité sioniste favorise activement l’installation de centaines de milliers de juifs étrangers dans les colonies illégales. Parallèlement, elle mène une politique systématique de déplacements forcés.
Akli s’est insurgé, à juste titre, contre des amalgames que certains ont introduit dans leurs commentaires, souvent à tort, dénaturant sensiblement l’esprit du discours clair et précis de notre reporter, il les rappelle à sa philosophite empreinte de justice, d’humanisme, de droit à la vie, loin de toutes intentions malveillantes. «Certains de mes amis, tous sincères dans leur solidarité à mon travail et celui du peuple palestinien, interprètent mal ma position. Je ne parle jamais de juifs, mais de sionistes.
Il y a des juifs qui sont sionistes et des sionistes qui ne sont pas juifs. L’occupation de la Palestine, le nettoyage ethnique, les expulsions, la destruction et les génocides font partie du projet sioniste depuis 1895 et sont l’œuvre de sionistes. Le judaïsme et les juifs autochtones ont leurs racines en Palestine.
Les meilleurs et plus puissants défenseurs de la question palestinienne sont des intellectuels juifs et/ou israéliens, tels que Gideon Levy, Ilan Pape, Noam Chomsky, Norman Finkelstein, Shlomo Sand, Judith Butler, Bernie Sanders, Amira Hass, Richard Falk, Miko Peled, etc. Sans oublier des organisations comme B’Tselem, Jewish Voice for Peace (JVP),IfNotNow et Breaking the Silence ou des journeaux comme Haaretz. Nous parlons ici d’un projet de colonialisme de peuplement, similaire à celui que nous avons subi de la part de la France coloniale.
Mon combat est contre les sionistes, et non contre les juifs. Cette confusion a été fatale à la cause palestinienne qui est avant tout une cause humaine. Israël et les Occidentaux ont beaucoup profité de la posture du monde dit «arabe», qui a privatisé la lutte de ce peuple sans lui apporter le soutien nécessaire, ils étaient totalement absents à l’époque où les sionistes ont envahi la Palestine en catimini bien avant 1948.